TIMELINE | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde | Athènes 1997 Pour les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal car cette compétition est assurément l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre en détail l'épopée des athlètes suisses au cours des dix-neuf éditions de ces Mondiaux. La sixième édition des championnats du monde s'est disputée du 1er au 11 août 1997 à Athènes.

Les sixièmes championnats du monde se déroulent du 1er au 11 août 1997 à Athènes. Avec un nouveau total record de 1’882 athlètes issus de 198 nations, l’athlétisme ne cesse de prendre de l’ampleur. Le congrès de l’I.A.A.F., qui se tient traditionnellement avant le début des championnats du monde, a pris cette année une décision assez étonnante en matière de lutte contre le dopage : une réduction de la suspension de quatre à deux ans, comme auparavant. Confrontée aux différentes lois d’un pays à l’autre, le président Primo Nebiolo justifie qu’il fallait faire face à trop de problèmes juridiques très coûteux. À quelques exceptions près, toutes les vedettes de l’athlétisme mondial sont venues à Athènes. Pour cela, l’I.A.A.F. a dû mettre en application ce que Carl Lewis demandait déjà en 1993 : les champions du monde en titre sont désormais automatiquement qualifiés pour défendre leur bien. Ce système permet à Michael Johnson, absent des Trials US, d’être tout de même présent en Grèce. Autre nouveauté, l’I.A.A.F. a introduit des primes pour les médaillés (60’000 $ / 30’000 $ / 20’000 $). De plus, un sponsor anonyme versera 100’000 $ pour tout record du monde battu.
Depuis 1983 que ces championnats du monde existent, l’athlétisme suisse n’aura jamais été aussi peu représenté avec la présence de neuf athlètes seulement. Les expérimentées Julie Baumann et Franziska Rochat-Moser sont évidemment les meilleurs atouts. Mais la F.S.A. a aussi choisi de miser sur la jeunesse fougueuse d’André Bucher et d’Anita Weyermann pour assurer la transition. Le Lucernois, vice-champion du monde U20 du 1500 m en 1994 à Lisbonne et récemment vice-champion d’Europe U23 du 1500 m à Turku, va s’aligner sur 800 m. Quant à la pétillante Bernoise, championne du monde U20 du 1500 m en 1994 à Lisbonne et du 3000 m en 1996 à Sydney, elle a choisi le 1500 m, une distance qui correspond tout à fait à son tempérament de feu. Les deux prodiges de l’athlétisme suisse disposent de la classe internationale, ce qui ne veut pas dire que leur apprentissage du haut niveau se fasse toujours sans douleur.

Anita Weyermann très facile en séries du 1500 m
Le samedi 2 août, c’est justement à Anita Weyermann (GG Bern) que revient l’honneur d’ouvrir les feux. Il fait très chaud à Athènes, mais Anita n’en a cure; il y a un mois, n’avait-elle pas attendu sans sourciller le Tour du France pendant deux heures sur le toit brûlant du chalet familial au col des Mosses ? Pour ces séries du 1500 m, qui se disputent à 9:00 du matin, les six premières des trois séries ainsi que les six meilleurs viennent-ensuite se qualifient pour les demi-finales. Dans la deuxième course, Anita court en milieu de peloton, un peu à l’extérieur. Enfin en place aux 800 mètres, la Bernoise est contente de voir la Britannique Joanne Pavey et l’Américaine Regina Jacobs durcir le train; cette situation va ainsi empêcher tout sprint effréné à la conclusion. Dans la dernière ligne droite, Anita doit se retenir pour ne pas se porter en tête. En même temps, elle recompte deux fois le nombre d’adversaires qui sont devant elle, histoire d’être certaine qu’il n’y en ait que cinq. Elle contrôle le retour le retour de la Russe Margarita Marusova et termine à l’économie au sixième rang en 4’08″30. «Je suis très contente avec cette qualification directe, même si j’ai dû m’obliger à ne pas courir « à la Weyermann »…». Lors de ces séries, toutes les favorites s’en sont tirés, excepté la Britannique Kelly Holmes. Leader cette saison avec 3’58″07, la vice-championne du monde 1995 a dû abandonner à cause de douleurs à un tendon.

Mathias Rusterholz dans le dur en quarts de finale du 400 m
Le dimanche 3 août, Mathias Rusterholz (TV Herisau) est lui aussi à pied d’œuvre aux aurores pour les séries du 400 m. Les caractéristiques de la nouvelle piste d’Athènes – la même qu’à Atlanta – devrait convenir au recordman suisse du tour de piste et il en aura bien besoin. Depuis son excellent chrono de 44″99 réussi l’an dernier lors d’Athletissima, l’Appenzellois n’a plus vraiment réussi à briller. Crédité de 45″80 cette saison, il faudrait qu’il rehausse son niveau s’il entend être aussi compétitif qu’il y a deux ans à Göteborg. Mathias parvient à bien s’en tirer en prenant la cinquième place en 45″76, ce qui lui permet de réaliser son meilleur temps de la saison et de se qualifier pour les quarts de finales avec le premier chrono des viennent-ensuite.
En fin d’après-midi, Rusterholz doit s’y remettre en espérant que toutes ses capacités du moment lui permettront de terminer parmi les quatre premiers. Dans le premier des quarts de finale, il affronte des pointures comme l’Américain Antonio Pettigrew, le Britannique Ivan Thomas, le Polonais Robert Mackowiak ou le Jamaïcain Roxbert Martin. Parti aussi vite qu’en matinée, l’Appenzellois s’éteint progressivement dans la dernière ligne droite et il ne termine que sixième en 45″89; il lui manque une demi-seconde pour obtenir la qualification pour les demi-finales. «Oui c’est un échec pour moi. J’ai pu donner le maximum mais ça n’a pas suffi. Il faut dire qu’en deux ans, le niveau du 400 m mondial a tellement progressé». Un constat d’impuissance pour Mathias Rusterholz, qui s’est pourtant consacré à plein temps à l’athlétisme cette année.

Une tactique parfaite envoie Anita Weyermann en finale du 1500 m
C’est plus fort qu’elle, Anita Weyermann court toujours pour gagner. Seulement avec la répétition des efforts qu’il faut fournir lors de ces championnats du monde, il faut savoir s’économiser dans les deux premiers tours si on veut avoir ne serait-ce que l’ombre d’une chance de briller en finale. Quand on lui demande ce qu’il faudra faire lors de cette demi-finale, Anita, avec son légendaire franc-parler, dira : «Gring ache u seckle» (Baisser la tête et se les secouer). C’est avec ce mot légendaire qu’Anita Weyermann a conquis le cœur des fans. Sa manière directe et insouciante fait de la jeune Bernoise de Gümligen l’une des grandes chouchous du sport suisse; figure performante et populaire qui ne mâche pas ses mots et raconte ce qu’elle vit comme ça lui vient. En appliquant tout cela à la lettre, Anita a su déjouer les nombreux pièges tendus lors de cette demi-finales, dont les principales victimes sont la Britannique Joanne Pavey, la Française Patricia Djaté et l’Ukrainienne Natalia Ivanova. La petite Suissesse de même pas 20 ans a livré une course propre qui lui permet de contrôler à nouveau la situation dans la dernière ligne droite, pour terminer au cinquième rang en 4’05″71, soit le troisième chrono de sa carrière. Brillamment qualifiée sans avoir trop puisé dans ses réserves, le coup est donc parfait : «Aujourd’hui j’ai de nouveau dû me forcer à ne penser qu’à la qualification. Dix fois j’ai refait mes calculs dans la dernière ligne droite car je voulais vraiment m’assurer qu’il n’y avait que quatre concurrentes devant moi. Pour la finale, je vais tout tenter et je pense qu’entre la troisième et la douzième place, tout est possible. Si le rythme devait être le même, cette fois-ci je ne vais pas me retenir dans la dernière ligne droite. Par contre s’il devait est différent, je laisserai alors parler mon instinct et ça ne me déplairait pas du tout. De toute façon, quelle que soit l’issue de la course, vous pouvez être sûrs que j’aurai tout fait pour être sur le podium».

André Bucher qualifié pour les quarts, puis pour les demi-finales du 800 m
Le lundi 4 août, André Bucher (LR Beromünster) entre en piste à son tour pour les séries du 800 m. L’étudiant lucernois, qui vient de terminer ses études pédagogiques, a aussi pu laisser son casque de soldat à la caserne d’Aarau. Ces poids psychologiques étant évacués, il va pouvoir libérer pleinement tout le potentiel qui est en lui lors des différents tours de cette discipline qui est, physiquement parlant, l’une des plus exigeantes du programme athlétique. Il est 10:20 lorsqu’il s’élance dans la troisième série. Face à des concurrents de très bonne valeur, il va devoir terminer parmi les quatre premiers s’il veut voir les quarts de finale du lendemain. Toujours bien placé, André connaît une petite alerte en début de ligne droite finale à cause d’un relâchement prématuré. Grâce à sa pointe de vitesse, il corrige facilement son erreur et il se qualifie à la place en 1’47″44 derrière le Néerlandais Marco Koers et l’Américain Riche Kenah. À l’heure où l’athlétisme suisse s’est fortement réduit au niveau de son élite, chaque petits succès est à prendre comme un pas vers des jours meilleurs. Que le Lucernois ait passé le premier tour ne constitue pas un exploit, mais au moins il s’agit-là d’une bonne satisfaction pour ce coureur d’avenir, qui a d’ores et déjà pris rendez-vous avec l’an 2000 et les Jeux Olympiques de Sydney.
Dans l’immédiat, André Bucher n’a que vingt-quatre heures pour récupérer avant son quart de finale prévu pour le mardi 5 août en début de soirée. Il a hérité de la deuxième course, assurément la plus périlleuse des quatre avec l’Américain Marc Everett (3ème à Tokyo), le Sud-Africain Hezéchiel Sepeng (2ème à Atlanta), le Cubain Norbert Tellez (4ème à Atlanta) ou l’Algérien Adam Hécini. Vu que seules les trois premières places plus les quatre meilleurs temps donnent accès aux demi-finales, le Lucernois va devoir trouver la meilleure tactique possible afin de concrétiser ses objectifs. Pour cela, il va opter pour l’audace en adoptant la fuite en avant en guise d’espérance. Ainsi 720 mètres durant, il court tout seul devant, tout en se doutant bien qu’il va être avalé dans la dernière ligne droite. Le pari de Bucher s’avère gagnant car son tempo rapide lui permet de terminer au cinquième rang dans l’excellent chrono de 1’45″33, soit un record personnel qui se situe à neuf centièmes seulement du record national de Markus Trinkler ! Qualifié avec le deuxième chrono des repêchés, le Suisse de 21 ans a agi comme un vieux briscard : «Ce n’est qu’au train et au temps que j’avais une chance de passer. Alors je ne me suis pas posé de question et j’ai mené la course sur un rythme élevé en passant en 1’18″6 aux 600 m. Bien que cinquième de la course, je savais que mes 1’45″33 étaient prometteurs et ce fut le cas ! Par contre demain, la finale se gagnera à la place. Je connais mes limites, ce sera beaucoup plus compliqué».

Anita Weyermann joue des coudes et se surpasse pour arracher le bronze !
Pour beaucoup de Suisses, voir une ou une athlète de ce pays accéder en finale des championnats du monde est déjà un succès en soi. Anita Weyermann l’a fait avec la manière, en restant humble lors des séries et des demi-finales. Une attitude qui ne colle pourtant pas avec la philosophie : «Pour moi, que ce soit sur route, en cross ou sur piste, le seul vrai enjeu de la course, c’est la victoire. Je veux toujours gagner, c’est plus fort que moi. Quand je suis battue, c’est comme si j’avais mal joué. Je n’en fais pas un drame, mais je suis pressée de recommencer pour corriger ce faux-pas. J’ai encore beaucoup à apprendre». Un tel état d’esprit, dans une finale indécise où les douze qualifiées ne se tiennent en quatre secondes cette saison, peut aider à s’en sortir. Connaître ses adversaires est un autre aspect important. Anita ne les connaît pas toutes. L’Américaine Regina Jacobs, l’Irlandaise Sonia O’Sullivan et la Portugaise Carla Sacramento semblent être au-dessus du lot. En revanche, elle a battu la Suédoise Malin Ewerlöf à Lucerne, dominé l’Espagnole Maite Zuniga, la Canadienne Leah Pells et l’Éthiopienne Kutre Dulecha à Lausanne, mais elle ne sait rien de la Tchèque Andrea Suldesova, de la Russe Olga Nelyubova et de la Canadienne Robyn Meagher. Cette finale du 1500 m débute exactement comme on s’y attendait : le rythme est plutôt lente, ce qui permet à Anita de rester sagement en queue de peloton, sans danger de ne pas voir partir le train. Sa lente remontée par l’extérieur pour venir se placer et troisième position dès la moitié du deuxième tour est exécutée avec patience. À 300 mètres de la ligne d’arrivée, la Bernoise se voit être bloquée à la corde par Ewerlöf à sa gauche et par Jacobs à sa droite. Emprisonnée, il ne lui reste qu’une solution et au culot, elle se fraye un passage en plongeant les mains jointes entre les deux coureuses. Ce geste instinctif écarte légèrement la Suédoise de sa ligne, alors que l’Américaine touche O’Sullivan, qui s’accroche ensuite à son maillot au niveau de l’épaule droite.

Cette action, à la limite de la régularité, permet à Weyermann l’effrontée de foncer en tête à 250 mètres de l’arrivée. Jacobs et Sacramento réagissent promptement et passent la Suissesse juste avant les 200 mètres. Pire, au milieu du dernier virage, O’Sullivan et Suldesova en font de même, alors que Zuniga et Nelyubova se font très menaçantes. On pense alors qu’Anita a trop présumé de ses forces et qu’elle va sombrer dans la dernière ligne droite. Mais c’est tout le contraire qui va se passer ! En sortie de virage, Sacramento attaque et passe Jacobs; derrière, O’Sullivan s’écarte étonnamment sur sa droite, ce qui laisse un trou à la corde. Telle une petite souris, Weyermann s’y engouffre avec malice et se retrouve contre toute attente troisième. Zuniga et Suldesova ont suivi la manœuvre et c’est l’Espagnole qui devient la menace numéro 1 de la Suissesse. Dans un sursaut incroyable, Anita Weyermann va chercher des forces au plus profond d’elle-même, tient le rythme effréné sans faiblir et repousse l’assaut de Maite Zuniga en plongeant sur la ligne d’arrivée, sur les talons d’une Regina Jacobs dominée par Carla Sacramento impériale. Ce final de toute beauté laisse tout le monde dans l’expectative par rapport à ce qui s’est passé quarante secondes plus tôt. Ce qui s’apparente en basketball à un passage en force, pourrait éventuellement être sanctionné. Allongée sur le dos, comme crucifiée sur la piste, Anita ne se pose pour l’instant pas trop la question car elle est dans un état second, totalement tétanisée. Très fair-play, la Suédoise Malin Ewerlöf – pourtant victime du coup de boutoir de la jeune impertinente, tente de la relever. Marquée par cet effort surhumain, la Bernoise reprend des couleurs lorsqu’elle entend le speaker du stade annoncer sa troisième place en 4’04″70. Pourtant en coulisses, tout n’est pas encore entériné. Patrick Magyar, l’un des deux managers de Weyermann, fait le pied de grue devant le bureau du jury, tandis que les journalistes sont outrés. Passe alors Sonia O’Sullivan, qui déclare : «Un protêt ? Oui je crois bien que je suis en droit d’en déposer un» dit-elle vaguement. Elle oublie cependant qu’elle a littéralement retenu par l’épaule Regina Jacobs dans l’enchaînement. Qui a réalisé la pire action de cette course ? Et aussi, après la disqualification pour dopage de Sandra Gasser en 1987 à Rome, dans la même discipline et avec la même médaille, la malédiction ne doit pas absolument pas se prolonger ! Finalement, après bien des hésitations, les responsables des athlètes bousculés ont renoncé à déposer protêt. Anita, soulagée, justifie en zone mixte son action : «Il n’y avait aucune mauvaise intention dans mon geste, mais toute ma volonté me poussait vers la ligne d’arrivée, que je voyais approcher tout en sentant Sacramento et Jacobs me passer. À 100 mètres de l’arrivée, c’est là que j’ai craqué physiquement. Mes jambes n’en pouvaient plus et c’est la tête qui a pris le relais. Là, j’ai vu défiler deux longues années devant moi, celles qui mènent aux prochains grands championnats. Je me suis dit : non, pas la quatrième place ! Ce fut le moteur de secours qui m’a permis de relancer ma course. Derrière moi, je sentais l’Espagnole Zuniga me talonner; c’est elle qui m’a poussé à me surpasser. Plus encore, à me surpasser pour battre mon record de quinze centièmes en 4’04″70. Sur le moment je n’ai rien pu savourer car j’ai terminé ma course dans le cirage !». Ayant pu retrouver toute sa lucidité, la Bernoise répond maintenant aux félicitations de Ruth Dreifuss, la Conseillère fédérale du département fédéral de l’intérieur et lui promet, avec l’aplomb naturel qui fait son charme et sa force, de rapporter une médaille d’or des Jeux Olympiques de Sydney.
Après ses trois titres mondiaux en 1987, 1991 et 1993 du lancer du poids, Werner Günthör n’est donc plus seul dans le palmarès de l’athlétisme suisse. Le culot dans un premier temps, puis une volonté exceptionnelle dans la dernière ligne droite, ont permis à la talentueuse Anita Weyermann – 20 ans en décembre prochain – d’aller chercher au plus profond d’elle-même des forces insoupçonnées, ce qui a provoqué une grande émotion pour la délégation suisse et pour tous les téléspectateurs helvétiques. Certains d’entre-eux se remémorent même qu’il y a vingt-huit ans, dans ce même stade, Philippe Clerc glanait la médaille de  bronze européenne sur 100 m avant de décrocher haut la main le titre du 200 m, tandis que Meta Antenen arrachait une superbe médaille d’argent au pentathlon, au terme d’une fantastique remontada. Bravo Anita pour ce moment de bravoure !

Philipp Huber excellent douzième au décathlon
Pendant que les deux jeunes talents de l’athlétisme suisse attirent vers eux tous les projecteurs, Philipp Huber (LC Turicum) est entré dans l’arène pour ses deux jours de compétition au décathlon. Il faut le dire tout de suite, l’Uranais ne se présente pas au stade Olympique pour faire de la figuration, loin de là. Le 1er juin à Götzis, il était devenu le quatrième Suisse à franchir, pour dix-sept points, la barrière mythique des 8’000 points : 10″95 – 7,30 m – 14,50 m – 1,88 m – 48″14 | 14″89 – 42,02 m – 4,70 m – 58,44 m – 4’21″64. L’homme est en pleine possession de ses moyens physiques et techniques, témoins ses multiples prestations de qualité aux récents championnats suisses à Bâle (NDLR : il a notamment fait peur très aux sauteurs en longueur lors des qualifications, avant – il est vrai – de craquer en finale…). À Athènes, il évolue bien évidemment dans l’ombre des favoris : les Tchèques Tomas Dvorak et Roman Sebrle, l’Allemand Frank Busemann, le Finlandais Eduard Hämäläinen, l’Américain Steve Fritz ou le Canadien Mike Smith. Sa première journée se passe légèrement moins bien qu’à Götzis, mais il reste tout de même dans ses standards avec 11″08 – 7,18 m – 14,29 m – 1,85 m – 48″00, pour un vingt-troisième rang au terme de la première journée (4’025 points). Sa seconde moitié de décathlon est habituellement de très bonne qualité, ce qui lui permet d’espérer une belle remontée au classement. C’est ce qui se produit avec des performances allant parfois bien au-delà de ses résultats de Götzis : 14″65 – 48,00 m – 5,00 m – 58,22 m – 4’20″90. Son triptyque euphorique à la perche, au javelot et au 1500 m a été récompensé d’une magnifique douzième place avec un nouveau record personnel à 8’107 points, la troisième total helvétique de tous les temps derrière les 8’334 points de Stephan Niklaus (LC Basel) en 1983 à Lausanne et les 8’244 points de Beat Gähwiler (LC Turicum) en 1988 à Götzis. Chapeau bas pour ces deux belles journées de compétition.

André Bucher, à l’impossible…
Le jeune instituteur lucernois André Bucher sait très bien que ses chances de se ménager un strapontin en finale du 800 m sont fort minces. À ce niveau de compétition, sa vitesse n’est pas encore assez acérée pour prétendre jouer dans la cour des grands. Il n’en a pas moins habilement joué le coup dans sa demi-finale. À 80 mètres de la ligne d’arrivée, n’occupe-t-il pas la troisième position ? Mais ça n’a pas suffi. En jetant un furtif coup d’œil sur sa droite, il a vu une déferlante débouler à toute allure; la finale s’est envolée à ce moment-là. Il termine sixième de cette seconde de demi-finale en 1’46″88, à 74 centièmes du vainqueur, le recordman du monde Wilson Kipketer. Classé quatorzième de ce 800 m mondial, le bilan de l’espoir suisse est excellent : «En trois jours, j’ai enchaîné une course en 1’47, une deuxième en 1’45 et la troisième en 1’46. C’est d’autant plus satisfaisant que je ne me suis jamais retrouvé dans la zone rouge, même en demi-finales. C’est donc très encourageant pour l’avenir».

Franziska Rochat-Moser brille lors d’un marathon très difficile
Le samedi 9 août, délaissant pour quelques jours le « temple de la gastronomie » de renommée mondiale qu’elle tient avec son mari Philippe à Crissier, Franziska Rochat-Moser est au départ du marathon des championnats du monde, sur le parcours des origines historiques et olympiques, partant de Marathon et se terminant au stade Panathénaïque. Sur les traces de Spiridon Louys – le vainqueur du premier marathon olympique en 1896 (2:58’50) – la recordwoman suisse de la distance (2:27’44) sait que malgré l’heure matinale de la course, avec un départ à 8:05, la chaleur sera l’ennemi numéro 1. L’autre problème à gérer est que son organisme n’assimile que très difficilement les aliments liquides ! Même si elle a entraîné cet aspect, le ravitaillement va être l’autre point chaud de la course. Après s’être extasié pour la jeune Bernoise Anita Weyermann, le grand public helvétique a de quoi vibrer maintenant avec une autre Bernoise. Tout semble les séparer : la première, à 20 ans, en est encore au temps des semailles; alors que la seconde, 31 ans, a entamé ses récoltes d’automne. Pourtant, les apparences sont trompeuses car en vérité tout les rapproche. À commencer par cette volonté, cette hargne qui leur permet d’aller au-delà d’elles-mêmes et d’incarner une Suisse sportive dont on ignorait presque l’existence, combative et débarrassée de ses complexes. Weyermann est allée chercher sa médaille de bronze avec son cœur. Quant à Rochat-Moser, sans jamais se départir de ses allures toutes d’élégance, elle a su doubler des caps difficiles tout au long des 42,195 km de son périple, pour aller chercher un résultat de grande valeur. Comme prévu, la course a été très dure avec vingt abandons sur septante-quatre participantes. Les faits marquants se déroulent au 18e kilomètre déjà quand Fatuma Roba, la championne olympique se met à tout à coup à marcher. Passant à quatorze secondes, Franziska jette un regard en étonné en direction de la championne à la dérive. Un peu plus tard, c’est la Roumaine Lidia Simon qui se met à vomir… Quant à la Bernoise, qui pointe en onzième position après la mi-course, elle connaît un passage à vide entre le 25e et le 30e kilomètre, perdant plus de deux minutes sur le peloton de tête. Encouragée par les Suisses en poste sur le parcours et, notamment Richard Umberg son entraîneur, elle finit par retrouver ses forces. Sa fin de course est admirable puisqu’elle reprend plusieurs adversaires, ce qui lui permet de terminer à une superbe huitième place en 2:36’16. La Bernoise signe ainsi la meilleure performance jamais réalisé par une marathonienne ou un marathonien suisse dans un grand championnat.

Les grandes ambitions du relais 4 x 400 m
«On est plus forts que jamais !», clame en cœur le quatuor formé de Laurent Clerc (Stade Genève), Kevin Widmer (Stade Genève), Mathias Rusterholz (TV Herisau) et Marcel Schelbert (LC Zürich). Prêts à prendre tous les risques en séries pour se qualifier pour une finale mondiale plus accessible que jamais, les Suisses savent qu’il faudra terminer deuxième derrière les États-Unis et devant l’Italie, la République Tchèque, le Japon et le Zimbabwe. La course est parfaitement mise sur orbite par un premier tour de Laurent Clerc en 45″8. Kevin Widmer enchaîne bien avec un bon 45″0 lancé, puis Mathias Rusterholz signe un troisième relais du tonnerre de Zeus en 44″6 lancé. Alors que les USA caracolent en tête à 150 m du but, la Suisse est idéalement placée en deuxième position. À moins d’un effondrement de Marcel Schelbert, ils vont vraisemblablement atteindre leur but, si ce n’est pas à la place, au moins au temps car ils sont partis pour courir en 3’01″0. C’est à ce moment-là qu’un grain de sable se glisse dans la belle machine. Au coude à coude avec le Zimbabwéen Ken Harnden, Schelbert sent son bras partir vers le ciel et son témoin couleur or s’échappe de sa main… On appelle cela un incident de course, qui n’incrimine en aucun cas l’athlète qui en est victime. Schelbert n’a pas commis d’erreur; il a eu de la malchance, tout simplement. Le Zurichois s’arrête, revient en arrière pour ramasser le témoin et repart à l’abordage. Tout cela en vain bien entendu. La Suisse termine cinquième de cette troisième série en 3’05″34, derrière les États-Unis (2’59″78), le Zimbabwe (3’00″79), l’Italie (3’01″75) et le Japon (3’03″85). Dans les travées du stade, les visages de nos quatre relayeurs expriment toute la déception du monde. Le paradis leur a été refusé pour un coup du sort vraiment cruel. Au lieu d’une place en finale et d’un nouveau record suisse pulvérisé de deux secondes, l’équipe hérite d’une quatorzième place loin, très loin de sa véritable valeur. Kevin Widmer parvient à analyser justement la situation : «Je suis sûr que Schelbi nous aurait assuré la deuxième place dans la dernière ligne droite. Mais il n’y est pour rien. Dans cette équipe, on partage tout, la réussite et, cette fois, cet échec qui n’en est pas un. On a prouvé qu’on avait le calibre international».

Julie Baumann bute en demi-finales du 100 m haies
Avec ses 33 ans, Julie Baumann fait un peu bande à part dans cette équipe suisse. Mais à l’image des jeunes talents helvétiques, la championne du monde indoor 1993 a envie de briller en Grèce. Sa santé n’a pas été au top cette saison, mais si elle se retrouve dans les starting-blocks à Athènes, c’est parce qu’elle se sent capable d’aller en finale du 100 m haies. Brillante lors de la première des cinq séries avec une deuxième place en 12″91 derrière la Jamaïcaine Michelle Freeman, elle signe son meilleur chrono de la saison. Le lendemain pour les demi-finales, le niveau est trop haut pour Julie, qui n’a pas eu l’étincelle qui aurait pu la faire accéder à la finale. Cinquième de la seconde course en 12″97, elle manque le coche pour dix-sept centièmes et elle se classe au onzième rang. «Je considère que ce résultat correspond à mes capacités actuelles. Mon départ a pourtant été meilleur qu’en séries, mais je me suis écrasée sur la troisième haie et j’ai dû faire un tel effort pour me rétablir que je n’avais plus de jambes dans les 30 derniers mètres. Si ma santé est bonne, je serai à coup sûr encore présente l’année prochaine aux championnats d’Europe à Budapest».

Un bon bilan pour une équipe suisse prometteuse
On l’a dit en préambule, l’athlétisme suisse a présenté à Athènes sa plus petite délégation depuis que ces championnats du monde existent. Pourtant toutes les prestations ont été excellentes, parfois même au-delà des attentes. Avec ses jeunes, l’athlétisme suisse peut rêver plus grand !

PAB

Résultats

Hommes
400 m : 20. Mathias Rusterholz (TV Herisau) 45″76 en séries et 45″89 en quarts de finale
800 m : 14. André Bucher (LR Beromünster) 1’47″44 en séries, 1’45″33 en quarts de finale et 1’46″88
en demi-finales
Décathlon : 12. Philipp Huber (LC Turicum) 8’107 p
(11″08 – 7,18 m – 14,29 m – 1,85 m – 48″00 | 14″65 – 44,88 m – 5,00 m – 58,22 m – 4’20″90)
4 x 400 m : 14. Laurent Clerc (Stade Genève) / Kevin Widmer (Stade Genève) / Mathias Rusterholz /
Marcel Schelbert (LC Zürich) 3’05″34 en séries

 

Femmes
1500 m : 3. Anita Weyermann (GG Bern) 4’04″70 / 4’08″30 en séries et 4’05″71 en demi-finales
100 m haies : 11. Julie Baumann (LC Zürich) 12″91 en séries et 12″97 en demi-finales
Marathon : 8. Franziska Rochat-Moser (ST Bern) 2:36’16

 

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