TIMELINE | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde | Stuttgart 1993 Pour les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal car cette compétition est assurément l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre en détail l'épopée des athlètes suisses au cours des dix-neuf éditions de ces Mondiaux. La quatrième édition des championnats du monde s'est disputée du 13 au 22 août 1993 à Stuttgart.

Les quatrièmes championnats du monde se déroulent du 13 au 22 août 1993 à Stuttgart. Avec un total record de 1’689 athlètes issus de 187 nations, l’athlétisme connaît une expansion retentissante due évidemment en grande partie au morcellement des pays du Bloc de l’Est. Le sport olympique N° 1 est également en train de subir une inexorable mutation sur son fonctionnement. Et ce sont cette fois-ci les athlètes qui sont montés aux créneaux en déplorant le cumul des grands rendez-vous. Ne tenant pas à manquer les meetings du Grand Prix pour des raisons financières, ils ne trouvent plus le temps de se reposer et de recharger leurs batteries. Lorsqu’il a décidé de porter le cycle des championnats du monde de quatre à deux ans, Primo Nebiolo, l’omnipotent président de l’I.A.A.F., n’a à aucun moment pensé aux athlètes. Son choix – qu’il prônait même à durcir en établissant un cycle annuel – avait pour but de faire pression sur le C.I.O., qui tardait à l’accueillir au sein de son comité exécutif. Face aux titres mondiaux, les titres olympiques courraient le risque de perdre une part de leur prestige. Mais les managers des athlètes ne sont pas dupes et ils ont aussitôt exploité cette nouvelle situation. Sous leur impulsion, les athlètes se sont mis à marchander de plus en plus âprement leur participation; Nebiolo ne s’attendait certainement pas à ce coup. Après s’être rebiffé, il a bien dû lâcher du lest en versant sept millions de dollars aux fédérations pour couvrir leurs frais de voyage et d’hébergement et d’offrir une… Mercedes d’une valeur de 40’000 marks à chaque vainqueur ! La tension s’est relâchée, mais la rumeur dit que Serguei Bubka et Carl Lewis auraient monnayé leur participation sous la table… Ce dernier, fort lucide et visionnaire, a même suggéré au patron de l’I.A.A.F. que le mot « amateur » dans la dénomination de la Fédération internationale soit retiré. Lewis sera exaucé en 2001 lorsque l’International Amateur Athletics Federation sera transformée en International Association of Athletics Federation. Ces histoires de gros sous, sont également visibles au niveau des organisateurs. En 1986, les championnats d’Europe s’étaient déroulés au Neckarstadion; sept ans plus tard, au même endroit, nous sommes assis au Gottlieb-Daimler Stadion. Pour cela, Mercedes a allongé un chèque de dix millions de marks pour mettre en œuvre les travaux de rénovation du stade. Cela a du bon car les athlètes et les spectateurs vont finir par surnommer ce stade « le Wimbledon de l’athlétisme ».
Après trois éditions au bilan absolument remarquable et remarqué, l’athlétisme suisse – présent à Stuttgart avec dix-huit athlètes – se doit de maintenir son cap. Il est vrai qu’un athlète de la trempe de Werner Günthör, dont c’est la dernière saison, va être difficile à remplacer. Certains journalistes affirment que le colosse Thurgovien est l’arbre qui cache la forêt. Certes, son palmarès fait figure de poids lourds face à l’ensemble de ses compatriotes. Pourtant les athlètes suisses s’entraînent de façon de plus en plus professionnelle et s’investissent à fond, quelque soient les moyens mis à leur disposition. Et rien que pour ça, ils méritent un respect le plus total.

Un début de compétition fort mitigé
Les premières prestations de l’athlétisme suisse dans ces Mondiaux ne sont pas de tout premier ordre voire parfois mitigé, mais ce n’est pas véritablement une surprise non plus. Le samedi 14 août, le couloir de Stefan Burkart (LC Zürich) lors des séries du 100 m reste désespérément vide. L’ancien recordman suisse (10″32 l’an dernier à Lausanne) avait décidé son forfait jeudi à la suite d’un test pas vraiment encourageant (10″56). Daria Nauer (TV Länggasse) est engagée dans la deuxième série du 3000 m et fait la connaissance de la Chinoise Qu Yunxia, une étrange buveuse de sang de tortue. Loin du tempo régulier qui l’avait vu réussir 8’54″53 il y a cinq semaines à Lausanne lors d’Athletissima, la Bernoise ne supporte pas les fréquents à-coups de sa course et cela se traduit par une onzième place en 9’11″28. Classée au trente-deuxième rang final, Daria a vécu une seconde expérience mondiale moins performante qu’il y a deux ans à Tokyo.
On le sait, la chaleur est l’ennemie numéro un des coureurs de longues distances. C’est ce qu’a pu constater Thierry Constantin (CABV Martigny) lors du marathon qui a vu son départ à 17:40. Une chape de plomb pèse sur la ville et la forêt toute proche le long des rives du Neckar ne faisait qu’assombrir un peu plus les idées de concurrents très vite déshydratés. Le propriétaire-encaveur valaisan, qui est là pour apprendre, va vivre des moments de torpeur. Pour sa seconde sortie sur la distance, il connaît un premier passage à vide après cinq kilomètres déjà. Après avoir pu se ressaisir, il passe en 1:11′ au semi-marathon. Une deuxième faiblesse s’abat sur lui au vingt-huitième kilomètre; espérant récupérer au ravitaillement situé non loin de là, il reçoit à boire. Voulant s’accrocher, repousser ses limites ou simplement finir, le Valaisan tente de repartir mais il ne tient plus sur ses jambes. Il couvre encore 500 mètres avant de voir un voile noir qui le fait s’écrouler. Le service médical lui demande alors de quitter la course, ce qui est la bonne décision. Après avoir retrouvé ses esprits, le champion suisse (2:14’07 en avril à Worben) ne trouve aucune explication à son effondrement : «Partir moins vite ? Mais il y en avait soixante devant moi après deux kilomètres de course. D’habitude j’aime la chaleur, mais sur 10 km seulement». On laissera le journaliste de 24 Heures Pascal Bornand avoir le bon mot en disant que Thierry Constantin manque encore de bouteille; un comble pour un encaveur…
Le dimanche 15 août, le camp helvétique n’a qu’une carte à jouer en la personne de Regula Zürcher (LC Frauenfeld) sur 400 m. Championne suisse à Saint-Gall avec un record personnel en 52″19, la Thurgovienne ne connaît pas un meilleur sort que ses compatriotes la veille. En courant en 52″84, elle ne signe que le dix-neuvième temps des séries, sur trente-quatre participantes. C’est dommage car un chrono de 52″60 aurait suffi pour passer en demi-finales. Elle peut rejoindre ses camarades du relais 4 x 400 m et se concentrer sur sa course prévue pour ce samedi.
Lundi 16 août, c’est au tour de Barbara Erni d’entrer dans l’arène, ceci à plusieurs reprises puisqu’elle est engagée à l’heptathlon. Révélation de la saison avec ses 5’895 points réussis il y a un mois à Valladolid, la Lucernoise est maintenant lancée dans le grand bain de l’athlétisme mondial. Ses 14″27 sur 100 m haies sont satisfaisants et la voilà maintenant du côté du saut en hauteur. Au vu de son récent record personnel porté à 1,74 m, elle choisit de débuter son concours à 1,63 m. Un premier échec montre que cela n’est dû qu’à un problème de réglage. Sa seconde tentative ne passe pas non plus et c’est le dos au mur qu’elle tente déjà son ultime essai. Rattrapée par son manque d’expérience au plus haut niveau, la poupée Barbie de l’Entlebuch écope d’un zéro pointé relativement cruel. Dépitée, elle met pourtant un point d’honneur à continuer son périple; bien lui en prend car elle améliore ses records personnels au poids avec 12,74 m et au 200 m avec 24″81. Le lendemain, elle enchaîne assez bien avec 6,00 m au saut en longueur (après deux essais mordus), 44,26 m au lancer du javelot et un joli 2’13″53 sur 800 m. Avec un total de 5’067 points avec six disciplines, elle aurait pu frôler les 6’000 points à l’heptathlon si elle avait été à son bon niveau au saut en hauteur.
Ce mardi 17 août, on retrouve également Raynald Mury (TV Länggasse) lors des qualifications du saut à la perche. Large vainqueur des championnats suisses le jour de la Fête nationale à Saint-Gall avec un très joli record personnel à 5,45 m, le Bernois espère même franchir 5,50 m. Il entame son concours à 5,15 m, qu’il passe facilement. Ce sera malheureusement sa seule barre victorieuse car il échoue ensuite à 5,25 m.

Le festival de David Dollé sur 200 m
Avec son gabarit impressionnant (1,93 m pour 89 kg), on a toujours pensé que David Dollé (LC Zürich) possédait la parfaite typologie d’un sprinter. Épargné par les blessures ces derniers temps, le Zurichois est présent à Stuttgart pour faire mieux que ses 20″54 courus à la mi-juin à Berne; et si ce devait être le cas, pourquoi ne pas penser aux 20″46 de Peter Muster représentant le record suisse datant de 1976 ? L’année où ce record national avait été établi, le jeune Dave tapait dans un ballon à Los Angeles. Son père, d’origine jurassienne, après un crochet par le Canada, où il a connu sa femme, a émigré en Californie. C’est à 9 ans que David a découvert son pays d’origine, à Richterswil dans la campagne zurichoise. Doué mais travailleur, il s’est tout de suite montré parmi les meilleurs dans les catégories jeunesse. Mécanicien devenu sprinter professionnel récemment, son job ne lui rapporte pas plus que 1’000 francs par mois, alimentés par le LC Zürich et l’Aide Sportive Suisse. Son père, qui l’héberge, a dû vendre sa voiture pour mieux tourner; et il le sait bien, son fils ne gagnera pas la Mercedes à Stuttgart… Fort dans sa tête, David Dollé se qualifie sans encombre pour les quarts de finale en 20″67, au terme d’une course tout en puissance contrôlée qui lui donne le dixième chrono de ces séries. Deux jours plus tard, le jeudi 19 août en tout début d’après-midi, le sprinter de 24 ans a rendez-vous avec l’Histoire au moment où il se place dans ses starting-blocks pour disputer les quarts de finale des championnats du monde. Il y a du beau monde autour de lui avec le Jamaïcain Raymond Stewart, l’Américain Jason Hendrix, le Ghanéen Emmanuel Tuffour, le Nigérian Daniel Effiong, le Japonais Koji Ito, l’Allemand Robert Kurnicki et le Suédois Törbjörn Eriksson. Sa mise en action et son virage sont de bonne qualité, mais c’est surtout sa sortie de virage qui détonne. Alors qu’Effiong est terrassé par un claquage, Dollé fonce à toutes enjambées dans la ligne droite, porté par un joli vent de 1,2 m/s. Il se casse sur la ligne en bloquant le chrono à 20″45. Le plus vieux record suisse de l’athlétisme masculin vient de tomber. Le sprinter zurichois est heureux d’avoir déboulonné une antiquité; quoi de plus normal pour un mécanicien ? «J’ai tout donné ce que j’avais», confie-t-il, fier d’avoir fait coup double en remportant sa course avec un nouveau record suisse. Auteur du huitième chrono des quarts de finale. David Dollé peut légitimement espérer une place en finale. «J’espère que je vais récupérer…», finit-il par dire aux journalistes.
Sur les coups de 19:00, il affronte maintenant l’Américain Carl Lewis, le Français Jean-Charles Trouabal, le Brésilien Robson Caetano da Silva, l’Australien Damien Marsh, le Russe Andrei Fedoriv et ses deux compères de la course précédente, Emmanuel Tuffour et Jason Hendrix. Le coup est effectivement jouable, mais pour cela il faut prendre l’une des quatre premières places de la seconde demi-finale. Cependant Dollé a peut-être puisé trop profondément dans ses ressources car il semble moins en verve dans le virage. L’impression se confirme dans la ligne droite et, débordé par ses adversaires, il termine sa course au sixième rang en 20″70, ce qui est assez bon compte tenu de la fatigue. Souhaitons-lui de retrouver toutes ses forces pour les séries du 4 x 100 m, au sein d’un relais pour une fois prometteur.

Julie Baumann sortie en demi-finales du 100 m haies
Mis à part Werner Günthör, dont on attend une médaille d’or, la F.S.A. mise également sur Julie Baumann (LC Zürich) pour éventuellement une place sur le podium. Sauf que la championne du monde indoor du 60 m haies cet hiver à Toronto est dans une forme moyenne cet été, sans qu’aucun chrono sous les treize secondes ne soient indiqués dans ses statistiques. On l’avait vu à Lucerne (13″08), à la Pontaise lors d’Athletissima (13″09), aux championnats suisses à Saint-Gall (13″04) et au Letzigrund lors de Weltklasse : son franchissement de haie et ses foulées manquent de vitesse. De plus, handicapée par un étirement à une cuisse à Zurich, elle n’a plus passé la moindre haie depuis. Elle arrive donc à Stuttgart dans le flou, mais dès les séries, elle peut constater que tout est revenu à la normale pour elle. Facilement qualifiée dans les séries du matin avec un bon 13″10 face à un mètre de vent contraire, Julie peut aborder les demi-finales le plus sereinement possible, tout en sachant que le mode de qualification (les deux premières plus les deux meilleurs temps) ne lui offrira qu’une petite ouverture. Alignée dans la troisième demi-finale, elle connaît le dernier chrono qualificatif : 12″98. Il faudrait juste un petit coup de pouce du vent et une troisième place pour que ce soit possible. Éole a fait son job (+0,6 m/s) et, bien qu’elle ait fait pratiquement tout juste, il lui manque un tout petit rien avec ses 12″99 qui la classe à la sixième place de cette course et au douzième rang de ces Mondiaux. «Cette compétition est peut-être arrivée deux ou trois semaines trop tôt pour moi. Compte tenu des ennuis qui ont perturbé ma saison, et qui m’empêchent encore de m’entraîner normalement, je suis satisfaite de mon temps, le meilleur que j’aie réalisé cette année. Alors je ne peux pas me montrer trop déçue».

Surentraînée, Sandra Gasser est éliminée sans résistance sur 1500 m
Sandra Gasser (ST Bern) vit un drame. Dirigée par la seule idée d’une revanche depuis que, troisième du 1500 m des championnats du monde de Rome en 1987, elle fut disqualifiée pour dopage, la Bernoise s’est entraînée comme une forcenée. Faisant le vide autour d’elle, elle fit à peu à peu de la course à pied son seul objet de préoccupation : «Il n’y a qu’une victoire aux championnats du monde ou aux Jeux Olympiques qui aurait pu me faire oublier…». Depuis qu’elle a été autorisée à reprendre la compétition, elle s’est imposé un entraînement que bien des garçons de bon niveau auraient eu de la peine à supporter. Elle reconnaît aujourd’hui qu’elle ne l’a pas digéré : «C’est d’abord un pied qui n’a pas tenu aux championnats du monde de Tokyo. Puis l’opération et l’absence forcée des Jeux de Barcelone. Et chaque fois, penser pouvoir rattraper le retard pris en augmentant plus encore le volume et l’intensité du travail. Cette année, à tout moment, mon corps a tiré le signal d’alarme. Je n’ai pas voulu entendre». À Stuttgart, Sandra Gasser court dans la troisième série du 1500 m. Terminer parmi les quatre premières et se qualifier pour la finale semble être une tâche assez ardue pour elle, notamment face à la Chinoise Liu Dong, la Russe Ludmila Rogachova ou la Portugaise Carla Sacramento. Par contre pour une qualification au temps, un chrono de 4’08 » serait suffisant. Mais entre les objectifs et la réalité, il y a un écart que Sandra ne parvient pas à franchir. Très vite on la voit à la peine et elle-même le dit : «Dès le deuxième tour, j’étais sans force et l’idée me trottait déjà dans la tête que même si je passais, je renoncerai à la finale». Aucun choix à faire puisqu’elle termine septième de sa série en 4’11″75, à trois secondes de la qualification. En zone mixte, Sandra est déçue après son échec; elle reste songeuse : «J’ai repoussé l’évidence. Je suis surentraînée et mon équilibre psychique est totalement perturbé».

Werner Günthör se qualifie avec le frein à main
Werner Günthör se présente le vendredi 20 août dans le stade pour les qualifications du lancer du poids. Le colosse Thurgovien, détenteur de la meilleure performance mondiale de la saison, entend bien conquérir au Gottlieb-Daimler Stadion son troisième titre mondial, après ceux glanés en 1987 à Rome et en 1991 à Tokyo. Comme l’an dernier aux Jeux Olympiques de Barcelone, le lanceur Thurgovien porte tous les espoirs helvétiques sur ses épaules et son échec avait entraîné une débâcle nationale. Aujourd’hui, son étoile brille à nouveau et il veut en tirer profit. Le concours de qualification débute à 11:45 avec trente-deux participants qui espèrent atteindre la ligne des 20 mètres donnant l’accès direct à la finale. Sans surprise, les trois grands favoris y parviennent d’entrée avec Werner Günthör qui remporte, avec le frein à main, ce concours avec 20,56 m. Il devance Mike Stulce avec 20,53 m et Randy Barnes avec 20,21 m. C’est donc en toute décontraction que Werner Günthör a expédié les affaires courantes : «J’avais une bien meilleure sensation dans ces qualifications qu’à Barcelone l’an dernier. J’ai aussi eu beaucoup de plaisir en pensant à ce concours. Ici à Stuttgart, le public est exceptionnel et ses encouragements vont pour tous les concurrents. Et puis, pour moi, c’est un bon souvenir de revenir dans le stade où j’avais conquis mon premier titre en 1986».

Les marcheurs helvétiques progressent sur le plan international
Pascal Charrière (CM Fribourg) est indiscutablement l’homme des grandes occasions. Excellent vingtième du 50 km marche des Jeux Olympiques de Barcelone l’an dernier en 4:08’32 », le marcheur de 29 ans s’est à nouveau mis en évidence au matin du samedi 21 août à Stuttgart, cela même après un début de saison empreint de discrétion. Dans ces circonstances, beaucoup auraient flambé leur influx nerveux. Mais tel un vieux renard, Pascal a laissé transparaître une belle maîtrise. Charrière s’est laissé entraîner dans l’euphorie d’un train d’enfer sans craindre la défaillance. Certes le Fribourgeois a eu peu faibli aux environs du quarantième kilomètre, mais n’a pas connu d’effondrement : «C’est parti très fort devant. J’ai suivi et c’était un risque. Mais à la fin, je me sentais bien. J’avais envie de réaliser 4:05′ sans trop l’avouer. Du moment que nous sommes partis rapidement, je ne voulais pas ralentir». Finalement Pascal Charrière termine son parcours en vingt et unième position dans l’excellent chrono de 4:04’19, soit à 21 secondes du record suisse détenu par Bertoldi (4:03’58 l’an dernier à Yverdon). Justement son compagnon d’entraînement Aldo Bertoldi (CM Monthey) l’a accompagné durant une trentaine de kilomètres, avant de se crisper. Le Sainte-Crix s’est bien accroché pour réussir 4:12’09 pour un vingt-sixième rang final. À l’arrivée, il pestait contre le coach national Michel Martin : «Je me suis trouvé sans ravitaillement entre le 25ème et le 30ème kilomètre. À ce niveau-là, c’est inadmissible. Je me suis énervé et cela m’a contrarié». Michel Martin était consterné par cette omission; il est difficile de dire si elle a eu une influence sur la prestation de Bertoldi. L’essentiel reste que les deux marcheurs helvétiques ont marqué une progression sur le plan international; c’est de bon augure avant les championnats d’Europe 1994 à Helsinki.

Un relais 4 x 100 m ambitieux, mais finalement frustré
Le 23 mai dernier lors des championnats suisses de relais au stade Olympique de la Pontaise à Lausanne, la finale du 4 x 100 m des hommes voit un duel épique entre le LC Zürich et le Stade Genève. Il règne une tension énorme au moment de la présentation des athlètes; et quels athlètes : d’un côté Stefan Burkart, Alain Reimann, Domenico Semeraro et David Dollé. De l’autre Kevin Widmer, Olivier Bettex, Laurent Clerc et Sam Nchinda. Cette course des rois du sprint en Suisse est absolument fabuleuse et elle débouche sur des chronos de folie : 39″32 pour le LC Zürich et 39″72 pour le Stade Genève; jamais on ne reverra un tel niveau, c’est une certitude. En prenant le meilleur des deux mondes, on se met à rêver d’un 4 x 100 m helvétique de top niveau. Du coup, le coach national Peter Muster compose sa Dream Team : Kevin Widmer / Olivier Bettex / Alain Reimann / David Dollé. Sur le papier, ça a vraiment de la gueule; et sur le terrain ? Trois sorties se sont déroulées avant Stuttgart : le 29 juin à Lucerne (39″38), le 4 août à Zurich (39″48) et le 8 août à Lindau (39″72). Le potentiel est évident et seul un brin de réussite dans des passages tendus pourrait faire en sorte que cette équipe batte le record suisse détenu depuis 1978 par Franco Fähndrich (Old Boys Basel), Urs Gisler (LV Winterthur), Peter Muster (LC Zürich) et Hansjörg Ziegler (LC Zürich). Le quatuor helvétique entre en piste le samedi 21 août en fin de matinée pour les séries du 4 x 100 m où il s’agit de terminer dans les trois premiers ou de figurer parmi les quatre meilleurs chronos des viennent-ensuite. Dans la première course, assurément la plus indécise des quatre, l’équipe suisse doit affronter la Grande-Bretagne, la Suède, La Côte d’Ivoire, le Japon et la Nouvelle-Zélande. Les trois charnières passent avec toute l’assurance possible et bien que terminant cinquième, l’équipe nationale se qualifie au temps pour les demi-finales en 39″46, avec le quatorzième chrono. Cette première étape a permis au coach de cibler la manière dont vont être tendus les passages de témoin en demi-finales. Car il ne faut pas se leurrer : il faudra bel et bien prendre tous les risques pour espérer atteindre la finale.

En fin d’après-midi, les demi-finales du 4 x 100 m des hommes promettent d’être explosives. Et effectivement, dans la première course, les États-Unis l’emportent en 37″40, nouveau record du monde égalé; le Canada (37″99), la Grande-Bretagne (38″05) et l’Australie (38″46) sont les autres qualifiés. Dans la deuxième course, la Suisse doit se battre face à l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, la Suède, la Côte d’Ivoire et Cuba. Le record suisse en tête, Dollé & Co vont donc tout tenter dans ce moment de vérité. Le pari est tenu 300 mètres durant. Les deux premières charnières entre Widmer et Bettex d’abord, puis entre Bettex et Reimann, sont excellentes, pour ne pas dire parfaites. Hélas, le troisième passage de témoin, avec Dollé à la réception, tourne au couac, le bâton restant dans la main de Reimann et Dollé, après quelques hésitations, filant tout dénudé et à petites foulée vers l’arrivée. Disqualifiée, au même titre que la France et l’Italie, la Suisse n’a pas tenu le choc. À domicile, les Allemands sont en trance et remportent la course en 38″58 devant Cuba (38″73), la Suède (38″96) et la Côte d’Ivoire (38″97). Au vu de tous ces chronos, on se dit qu’il n’y a rien à regretter. C’est vrai et avec un peu de recul, cet échec est tout relatif, comme le souligne Olivier Bettex : «Les deux premiers passages ont vraiment été fabuleux. On a enfin répété, dans le grand bain de la compétition, ce que nous parvenions à faire à l’entraînement. Je crois vraiment que ce relais a un avenir si on lui donne les moyens de bien préparer les championnats d’Europe de l’année prochaine».

Werner Günthör se place au même niveau que Carl Lewis et Greg Foster !
Pour la finale du lancer du poids, qui a lieu en début de soirée à 18:15, Werner Günthör et Jean-Pierre Egger ont mis au point un plan d’attaque : il est convenu que le mieux serait de sortir le canon dès le premier essai, ceci pour déstabiliser les deux Américains Randy Barnes et Mike Stulce. Alors que les deux Yankees ont débuté moyennement (21,02 m pour Barnes et 20,94 m pour Stulce). Günthör se prépare maintenant dans le cercle pour son premier essai. Tout ce qu’on demande, c’est de ne pas revivre le cauchemar de Barcelone avec un jet à moins de 20 mètres; surtout pas ! Heureusement, les choses se passent fort bien, voire idéalement. Grâce à un jet d’une rare agressivité, Werner réalise le résultat rêvé avec un magnifique 21,97 m, meilleure performance mondiale de l’année. Loin de penser que le dossier est classé, l’essentiel a été fait.

Le deuxième essai ne montre aucune révolte des Américains (21,15 m et 20,59 m), tandis que le Suisse lance à 21,55 m. La tendance semble se confirmer, Werner Günthör est dans un bon jour et il contrôle la situation. Sauf que lors du troisième essai, le tournoyant Randy Barnes rappelle à tous les Helvètes présents dans le stade qu’il est le recordman du monde et qu’il n’a vraiment pas envie de se laisser faire. Son poids atterrit très loin dans l’herbe et il est mesuré à 21,80 m. Bien que Günthör reste dans le coup avec ses 21,59 m dans cette troisième ronde, le concours est totalement relancé. Étonnamment il ne se passe pas grand-chose au cours des deux tentatives suivantes avec deux essais mordus pour les Américains et 20,94 m puis 20,57 m pour le Suisse. Cette finale tournerait-elle au remplissage ? C’est un peu ce qu’on souhaite dans le camp suisse ! Le dernier essai de Mike Stulce est mesuré à 20,58 m. Il ne reste donc plus que le recordman du monde contre le recordman de Suisse. C’est à Barnes de lancer et la tension monte de plusieurs crans dans les travées du stade. Et si Barnes refaisait le coup de Séoul ? En 1988, il avait dépossédé Günthör de la médaille d’argent à son ultime essai. Là c’est pire, c’est pour le titre mondial… Non, on ne veut pas croire à ce scénario catastrophe; ce serait vraiment trop injuste. L’Américain se concentre, tourne une fois et demie sur lui-même et propulse son engin très haut dans les airs du Gottlieb-Daimler Stadion. Le poids retombe proche de la ligne des 22 mètres… C’est l’incertitude et le verdict semble prendre une éternité à être rendu. Le résultat tombe sur le panneau : 21,80 m à nouveau, Werner Günthör est champion du monde pour la troisième fois ! Le Suisse, plus tout à fait concentré, ne réussit que 20,51 m pour ce dernier essai; mais peu importe, il peut maintenant savourer ce délicieux moment : «Très sincèrement, après le troisième essai de Barnes, j’ai vacillé et j’ai perdu d’un seul coup la maîtrise de ma technique. Si l’Américain avait enchaîné avec un jet à 22 mètres, je ne sais ce qui se serait passé. À Rome en 1987, face à Andrei qui lançait à domicile, ce fut ma victoire la plus difficile. À Tokyo en 1991, ce fut la plus facile. Ici, c’est sûrement la plus chanceuse».
Juste après la cérémonie protocolaire, Jean-Pierre Egger est happé et honteusement relancé par les journalistes par rapport au fait que la discipline du lancer du poids traîne comme un boulet une réputation plutôt douteuse. Mais le coach ne bondit pas au plafond car il en a trop entendu pour se montrer agacé. Il réclame un peu de fair-play et surtout une oreille attentive : «Werner est un athlète d’exception. La seule chose qu’on pourrait lui reprocher, c’est d’être trop doué. Et si Werner n’a jamais battu le record du monde, c’est bien parce que nous ne sommes jamais allés au-delà de certaines limites dans l’utilisation de la pharmacologie. Sinon, je vous assure qu’aujourd’hui, le record du monde flirterait avec les 24 mètres ! J’aimerais bien qu’on dope un jour Werner « à mort », juste pour voir…». En répondant de la sorte, Egger livre des propos plutôt acides et étonnants, mais qui ont le don de calmer tout le monde !
Le Gottlieb-Daimler Stadion, appelé Neckarstadion au moment de son sacre européen en 1986, est donc une nouvelle fois le théâtre d’une victoire qui s’inscrit dans la mémoire de Werner Günthör. Ce retour aux sources prend une importance encore accrue. Avec cette victoire, le triple champion du monde Suisse rattrape du même coup deux des athlètes les plus brillants de cette fin de siècle, les Américains Carl Lewis et Greg Foster, eux aussi triple champions du monde, respectivement sur 100 m et sur 110 m haies. Seul Serguei Bubka, le maître incontesté du saut à la perche depuis une décennie, fait mieux avec ses quatre médailles d’or. Ce triplé a surtout définitivement évacué les séquelles de son échec de Barcelone. On se souvient que c’est d’Allemagne qu’étaient venues les accusations de dopage, du magazine Der Spiegel plus précisément. Des accusations jamais prouvées mais qui n’en avaient pas moins touché cet athlète à la stature impressionnante, mais à la sensibilité exacerbée. Et c’est en Allemagne que Günthör a démontré qu’il demeure, envers et contre tous, le meilleur. Et ce en forçant le respect du public de Stuttgart, qui lui a réservé un véritable triomphe.
Invité à s’expliquer sur son concours, le triple champion du monde raconte : «Le premier jet m’est venu presque trop facilement et j’ai perdu un peu de rythme sur les deux essais suivants. Puis Randy Barnes est venu me talonner, un peu comme un coureur de demi-fond qui s’apprête à dynamiter le peloton. Par chance, j’ai toujours conservé la tête du concours et c’était à l’Américain d’attaquer, de se surpasser. Quand Barnes a lancé pour la sixième fois, j’ai eu peur. J’ai pensé qu’il m’avait battu. Heureusement, la marque blanche indiquant les 22 mètres s’était légèrement déplacée. Franchement, s’il m’avait passé lors de son sixième jet, je ne crois pas que j’aurais été capable de le contrer». En parlant de son principal adversaire, Günthör fait remarquer son manque de fair-play : «C’est le seul qui ne m’a pas touché la main, ni sur l’aire de lancer ni sur le podium. Je trouve que quand on fait du sport, il faut respecter son adversaire. La plupart des autres lanceurs l’ont fait, jusqu’à Mike Stulce qui m’a gentiment frappé dans les mains une fois ma victoire acquise». Ce dernier, champion olympique à Barcelone et troisième ici à Stuttgart, reçoit une information désagréable le 21 septembre : il est déchu de sa médaille de bronze et banni à vie pour avoir subi un contrôle positif aux stéroïdes anabolisants.

Un relais 4 x 400 m féminin pour conclure en beauté
Pendant que Werner Günthör est en train d’écrire sa légende du côté de l’aire du lancer du poids, nos coureuses du relais 4 x 400 m sont en piste pour les séries du 4 x 400 m. À l’instar des sprinters, cette équipe est elle aussi prometteuse grâce à son melting pot. En cette fin de semaine à Stuttgart, il se dit que la Suisse court en noir et blanc ! Pourtant, elle va en avoir, des couleurs. En lice lors de la première série face à la Jamaïque, la Russie, l’Ukraine, la République Tchèque et Cuba, le but est de courir le plus vite possible, histoire d’assurer une qualification pour la finale au temps. Marquita Brillante (LC Luzern) lance fort bien la course et Regula Zürcher fait ensuite un excellent travail. Quant à Helen Burkart (LC Zürich) et Kathrin Lüthi (LC Regensdorf), leur prestation est suffisamment solide pour repousser les assauts des Ukrainienne et des Cubaines. Quatrième en 3’29″67, le quatuor  frôle le record suisse détenu depuis 1990 par Regula Anliker (LV Langenthal), Martha Grossenbacher (TV Unterstrass), Regula Scalabrin (STV Frauenfeld) et Anita Protti (Lausanne-Sports) en 3’29″58. Cette belle surprise est franchement méritée pour les membres de ce groupe, qui ont toujours été très en vue cette saison lors des différents tours de piste en Suisse. Regula en 52″19, Kathrin en 52″69, Helen en 52″93, Marquita en 54″19, mais aussi Daniela Vogt (LC Luzern) en 54″06, ont chacune battu leur record personnel cette année et cet amalgame de charme et de choc fait plaisir à voir évoluer. Vont-elles réussir à bien récupérer pour la finale ?
Dimanche 22 août, c’est le bouquet final qui se déroule au Gottfried-Daimler Stadion. L’avant-dernière course de ces championnats du monde concerne bien entendu l’équipe suisse féminin du 4 x 400 m. À la lecture de la composition de l’équipe, on remarque qu’un changement tactique a été apporté avec une rocade entre Marquita Brillante et Helen Burkart. C’est donc cette dernière qui va lancer la course, avec pour mission de rester au plus proche de ses adversaires. Bien qu’elle doive courir à l’aveugle au couloir 8, la Zurichoise exécute parfaitement sa tâche mais en huitième position. Regula Zürcher recolle puis passe son adversaire Tchèque et revient en trombes sur la Française. Lors de ce passage de témoin, la Britannique quitte sa place en passant devant deux concurrentes qui attendent elles aussi leur coéquipière. De nos jours, ce serait la disqualification assurée; mais en 1993, pas de problème apparemment ! La championne suisse, qui a réalisé un superbe travail, a donné le témoin à Marquita Brillante. La moins rapide de l’équipe sur le papier est en super forme et elle tient admirablement son rang. C’est enfin Kathrin Lüthi qui doit conclure du mieux qu’elle le pourra. Face à la Tchèque Ludmila Formanova, championne d’Europe juniore du 800 m l’an dernier, la Zurichoise fait presque jeu égal. Débordée dans la dernière ligne droite, Kathrin ne se désunit pas pour autant et court à fond jusqu’au bout. Très vite Regula et Marquita se félicitent de leur course; elles ont bien senti que le chrono allait leur être très favorable. Classé huitième en 3’28″52, le quatuor helvétique a réussi à mettre un sacré joli coup de polish au record suisse, qui est battu d’une seconde et six centièmes !
Après un début de championnats du monde quelque peu poussif, l’athlétisme suisse a donc réussi à terminer sur une très bonne note avec le troisième titre mondial de Werner Günthör, ainsi que les deux records nationaux de David Dollé sur 200 m et du relais 4 x 400 m féminin. Le bilan est certes bien plus maigre que lors des trois premières éditions à Helsinki, à Rome et à Tokyo. Au moment où Robert Heinzer cède sa place de directeur technique de la F.S.A. à Peter Schlaepfer, il résume brièvement et de manière fataliste : «On ne pouvait guère espérer mieux». Espérons que son successeur soit un peu plus charismatique et clairvoyant car le bilan du Schwyzois ne restera pas dans les mémoires.

PAB

Résultats

Hommes
200 m : 12. David Dollé (LC Zürich) 20″67 en séries, 20″45 (record suisse) en quarts de finale et 20″70
en demi-finales
Perche : 41. Raynald Mury (TV Länggasse) 5,15 m en qualifications
Poids : 1. Werner Günthör (LC Zürich) 21,97 m / 20,56 m en qualifications
4 x 100 m : 11. Kevin Widmer (Stade Genève) / Olivier Bettex (Stade Genève) / Alain Reimann (LC
Zürich) / David Dollé 39″46 en séries et DQ en demi-finales
Marathon : Thierry Constantin (CABV Martigny) DNF
50 km marche : 21. Pascal Charrière (CM Fribourg) 4:04’19
26. Aldo Bertoldi (CM Yverdon) 4:12’09
Femmes
400 m : 19. Regula Zürcher (LC Frauenfeld) 52″84 en séries
1500 m : 15. Sandra Gasser (ST Bern) 4’11″75 en séries
3000 m : 32. Daria Nauer (TV Länggasse) 9’11″28 en séries
100 m haies : 12. Julie Baumann (LC Zürich) 13″10 en séries et 12″99 en demi-finales
Heptathlon : 23. Barbara Erni (LC Luzern) 5’067 p (14″27 – 0,00 m – 12,73 m – 24″81 | 6,00 m – 44,26 m – 2’13″53)
4 x 400 m : 8. Helen Burkart (LC Zürich) / Regula Zürcher / Marquita Brillante (LC Luzern) / Kathrin Lüthi
(LC Regensdorf) 3’28″52 (record suisse) / 3’29″67 en séries (Brillante /Zürcher / Burkart / Lüthi)

 

Version imprimable de l’article (PDF)

 

A découvrir prochainement

L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde

Les championnats du monde 1995 à Göteborg

 

ATHLE.ch VINTAGE – Accueil

ATHLE.ch VINTAGE – Facebook

ATHLE.ch VINTAGE – Instagram

 

Championnats du monde

CompétitionAnnéeLieuSitePDF
Championnats du monde1983-2023Accueil
1er Championnats du monde1983Helsinki
2ème Championnats du monde1987Rome
3ème Championnats du monde1991Tokyo
4ème Championnats du monde1993Stuttgart
5ème Championnats du monde1995Göteborg
6ème Championnats du monde1997Athènes
7ème Championnats du monde1999Séville
8ème Championnats du monde2001Edmonton
9ème Championnats du monde2003Paris
10ème Championnats du monde2005Helsinki
11ème Championnats du monde2007Osaka
12ème Championnats du monde2009Berlin
13ème Championnats du monde2011Daegu
14ème Championnats du monde2013Moscou
15ème Championnats du monde2015Pékin
16ème Championnats du monde2017Londres
17ème Championnats du monde2019Doha
18ème Championnats du monde2022Eugene
19ème Championnats du monde2023Budapest

 

Commentaires

commentaires

Auteur

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Top