Meta Maria Antenen est née le 7 avril 1949 et elle a grandi à Herblingen, un village situé au nord-est de Schaffhouse, dans une famille soudée composée de son père, un bernois originaire d’Orpund, de sa mère venant des Grisons et de son frère PauI, de cinq ans son aîné. Très jeune et sur sa propre initiative, elle a pris part avec ses camarades d’école à des cours de ballet. Ses parents auraient donné leur consentement, tout en espérant que quelque chose soit corrigé au niveau des pieds de leur fille, qui étaient un peu tournés vers l’intérieur. Sans vraiment se démarquer, son professeur de ballet a pourtant tout de suite remarqué que la fillette avait un rebond spécial. En parallèle, et comme beaucoup d’autres filles du village, Meta Antenen a également pratiqué la gymnastique.
Première course à onze ans
En 1960, à l’âge de 11 ans, elle prend part à la course « Dä schnällscht Schaffhuser Bölle », intéressée avant tout par la participation et la passion de la course. Parmi les observateurs présents ce jour-là, Jack Müller remarque le style de course particulier de la petite blonde Schaffhousoise : «La jeune fille du couloir extérieur a manqué de réaction au départ mais après seulement quelques pas, elle court à nouveau aux côtés des autres. Elle va de gauche à droite et avec des regards latéraux rapides, elle essaie de déterminer sa position par rapport à ses rivales. Maintenant, je n’ai plus que cette fille en tête; je vois les détails. Avec une foulée presque trop longue, le haut du corps pressé presque trop en avant et les bras allant à gauche et à droite, elle se précipite maintenant vers l’arrivée. Malgré ce style de course peu orthodoxe, le rythme est perceptible et une légère trace de coordination dans les mouvements est reconnaissable. Mon intérêt grandit. Je remarque sa silhouette maigre, ses cheveux blonds volants, sa camisole blanche et son short de sport foncé. Le numéro de départ de cette « Fast Girl » qui a remporté l’avant-dernière série des filles de 11 ans, est le numéro 43. Avant de regarder la toute dernière série, je me tourne vers le chronométreur. Derrière ce numéro se trouve écrit : Meta Antenen, Herblingen; et en face, enregistré au stylo à bille, le chrono de 11″5. Son nom et son école sont inscrits sur mon cahier».

Meta Antenen remporte « Dä schnällscht Schaffhuser Bölle » en 1960. Elle est remarquée par l’entraîneur Jack Müller
La jeune Meta n’aurait pas pu deviner que cette victoire serait si décisive pour la suite de sa vie. En effet la petite blonde a assurément tapé dans l’œil de Jack Müller et ce dernier tente désormais de se renseigner auprès de différentes personnes. Mais la fillette reste introuvable ! Pourtant quand il a mentionné le nom de Meta Antenen au coureur de fond Hans Fischer, celui-ci lui a répondu qu’il la connaissait bien, de même que ses parents. Aussitôt Jack lui demande d’accepter une mission particulière : convaincre les parents de Meta de lui accorder une audition. Il doit insister plusieurs fois et quelques semaines plus tard, il a enfin pu leur parler au téléphone. Cependant le dialogue tourne court car ils ne veulent pas que leur fille s’inscrive à l’athlétisme : «Elle est dans le ballet depuis quelques années et elle suit également des cours de guitare». Une explication raisonnable et plausible que Jack Müller doit accepter. Il va devoir prendre son mal en patience et attendre.
L’heure du choix
Un an plus tard au printemps 1961, Meta Antenen, désormais étudiante au collège, remporte encore une fois la course « Dä schnällscht Schaffhuser Bölle ». Son chrono de 11″0 sur 80 m n’avait jamais été atteint par ses aînées. Jack Müller, qui a bien entendu suivi cette course, rencontre sur place les parents Antenen avec cette fois-ci de nouveaux arguments. En effet depuis l’année dernière des jeunes filles avaient rejoint le LC Schaffhausen (LCS) et grâce également aux succès d’Arlette Küng, le club a fait connaître son équipe féminine à un large public. L’effet de propagande d’Arlette Küng n’était pas seulement dû à son succès sportif, mais bien au fait qu’elle avait étudié la médecine. De nombreuses objections à l’athlétisme féminin ont ainsi été atténuées. Bien sûr, les parents de Meta ont eu le même discours que l’an dernier, mais la nature et le ton de leur conversation ont fait espérer Jack. Finalement Meta a été autorisée à se rendre aux entraînements du LCS une fois par semaine, ceci éventuellement au détriment de la musique. Excitée, mais aussi un peu inquiète, Meta prend donc part à sa première séance d’essais dirigée par Jack Müller sur le terrain de sport d’Emmersberg. Elle était surtout contente d’avoir pu se cacher parmi l’essaim des autres athlètes. Après seulement quelques séances d’entraînement, elle s’entend pourtant très vite avec ses camarades de club et le jeune groupe devient rapidement une « société de conspiration », qui attire l’attention surtout par le biais de sa vie et de sa race. Leurs gloussements et leurs murmures ne trouvaient pas toujours les applaudissements des hommes et des femmes plus âgés du club. Ainsi souvent Jack Müller a dû faire face aux critiques qui l’ont rapidement étiqueté d’enseignant de maternelle ou de jardin d’enfants. Il les a acceptées car il voulait que les plus jeunes restent des enfants. La formation de Meta a été conçue dans les premières années pour lui expliquer ce qu’elle devait faire, tout en lui laissant rechercher et construire son style personnel. À l’été 1961, ainsi que pendant l’entraînement hivernal suivant, Meta assiste toujours une fois par semaine à l’entraînement d’athlétisme. Les cours de ballet avec Madame Kitty Ledere sont très amusants pour Meta, qui doit se battre dur pendant quelques semaines avant de finalement décider, au printemps 1962, de ne pratiquer plus que de l’athlétisme. Toutes ces années de ballet avec ses mouvements élégants et esthétiques ont incontestablement laissé une base solide pour que Meta puisse acquérir désormais tous les éléments techniques des disciplines de l’athlétisme. La voie est donc libre pour un deuxième entraînement par semaine. Cependant, le type de formation n’a pas vraiment changé : polyvalent, à intensité selon l’humeur. Bien sûr, ici et là, le chronomètre et le ruban métrique régule et indique la belle forme du groupe. Cependant ils n’étaient pas forcément nécessaires pour détecter les progrès et créer de nouveaux stimuli. Meta aime la polyvalence de ce sport et elle le dit : «Courir avec d’autres filles sur le terrain, lancer le javelot, puis une autre fois sauter par-dessus des lattes; j’aime vraiment ça». Au cours de la saison 1962, Meta disparaît un peu dans les entraînements collectifs, parce qu’elle ne s’y investit pas encore pleinement. Mais sa grande concentration se fait déjà sentir lors des premières compétitions, dont les meilleurs résultats obtenus chez les treize ans (catégorie U14 actuelle) ont suscité l’attention : 13″4 sur 100 m, 1,42 m au saut en hauteur et 4,96 m au saut en longueur.
Perception de l’athlétisme féminin au début des années ’60
Le succès des jeunes athlètes de Schaffhouse n’a pas seulement apporté de la joie à cette ville. La presse a fait savoir à quel point l’athlétisme féminin n’est pas… féminin ! Meta a même été briefée à l’école quant aux conséquences que ce sport difficile pourraient avoir pour elle, entre autres des difficultés en âge de procréer. Bien entendu, ces arguments ont également été entendus par les parents de Meta. En outre, ils ont reçu des allusions affirmant que les séances d’entraînement étaient trop difficiles et que leur fille était déjà finie. Jack Müller s’en défend en parlant de plus en plus avec les parents de Meta. Il comprend toutes ces critiques car il faut savoir qu’à cette époque, l’athlétisme féminin est tout simplement encore mal compris. Pour Müller, ces allégations ont amené une certaine incertitude dans sa conception de l’entraînement. Mais après quelques tests, il est toujours arrivé à la conclusion qu’il n’était jamais allé trop loin avec ses jeunes filles.
Débuts sur les haies
En 1963, Meta Antenen a 14 ans et elle se teste pour la première fois sur 80 m haies. Ce soir-là elle prend tellement de plaisir pour cet entraînement que Jack Müller doit lui enlever les haies pour qu’elle s’arrête enfin. «J’étais obsédée par cette nouvelle discipline. Elle contient tout ce que j’apprécie, vitesse, technique, agilité et rythme» », a déclaré plus tard Meta. Dans les compétitions, les jeunes filles du LCS ont sans cesse essayé de s’améliorer. Friedrichshafen représente la première compétition de Meta à l’étranger. Elle a réussi d’excellentes performances et le soir lors d’une réunion chaleureuse, en compagnie de ses camarades, elle a assuré avec brio une habile récitation de chansons avec un accompagnement de guitare. Pour ses premiers championnats suisses élite le 25 août 1963 à Bâle, Meta a réussi une prestation tout simplement incroyable pour une jeune de son âge. Elle y est allée avec ses parents et sans son entraîneur, tout en ayant l’impression de prendre part à une petite compétition. Tout s’est bien passé puisqu’elle a remporté la médaille de bronze sur 80 m haies et la quatrième place au saut en longueur. Sur les listes des meilleures performances suisses de cette saison 1963, Meta Antenen pointe au troisième rang sur 80 m haies avec 12″2, au huitième rang du saut en hauteur avec 1,48 m et au neuvième rang du saut en longueur avec 5,22 m.
PAB
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