Historique | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde VINTAGE | Pour tous les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal, car cette compétition est l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. Grâce à Pierre-André Bettex, « ATHLE.ch Vintage » permet de retrouver ou de découvrir les plus beaux exploits réalisés par les athlètes suisses depuis la première édition des Mondiaux en 1983 à Helsinki. Une formidable épopée qui a permis de fêter sept podiums, dont les trois titres mondiaux de Werner Günthör au poids et celui d'André Bucher sur 800 m. Retour historique la veille de Doha 2019.

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1983-1991 : débuts des championnats du monde avec Günthör pour la Suisse
Tout débute en 1983 à Helsinki, où toutes les puissances athlétiques sont présentes. Le niveau de compétition atteint de tels sommets, qu’il est difficile pour les Suisses de se mettre en valeur. Deux d’entre eux y parviennent toutefois brillamment : Stephan Niklaus (LC Basel) qui s’invite à la table des dieux du stade avec 8’212 points au décathlon pour une magnifique 5e place et Pierre Délèze (CA Sion) qui termine excellent 6e d’un 1500 m tactique au finish de feu. Felix Böhni (LC Zürich) manque une bonne occasion au saut à la perche et il ne se classe que 10e avec 5,40 m, Cornelia Bürki (LC Rapperswil-Jona) pointe à la 10e place du 1500 m et à la 11e du 3000 m, alors que Markus Ryffel (ST Bern), qui avait dû abandonner lors du 10’000 m en début de semaine, boucle son 5000 m au 12e rang seulement.

4 ans plus tard, en 1987 à Rome, le champion d’Europe du lancer du poids Werner Günthör (ST Bern) affronte le nouveau recordman du monde, l’Italien Alessandro Andrei. Sous les sifflets du public romain, le Thurgovien est imperturbable et remporte impérialement le titre mondial avec un jet à 22,23 m. Une autre médaille, en bronze, est remportée par Sandra Gasser (ST Bern) lors du 1500 m des femmes. Elle la perdra cependant quelques semaines plus tard sur le tapis vert, suite à une disqualification pour un contrôle anti-dopage positif. 5e de cette course, Cornelia Bürki (LC Rapperswil-Jona) hérite ainsi de la 4e place en 3’59″90 ; elle se retrouve une nouvelle fois au pied du podium puisqu’elle a également terminé 4e du 3000 m en 8’40″31. Cette place maudite échoit aussi à Pierre Délèze (LC Zürich), battu sur le fil par l’Anglais Jack Buckner pour la médaille de bronze du 5000 m en 13’28″06. Enfin, deux 11e rangs récompensent les efforts de Beat Gähwiler (LC Turicum) au décathlon avec 8’034 points et de Martine Oppliger (CA Courtelary) au 10’000 m en 32’07″49.

Les troisièmes championnats du monde se déroulent en 1991 à Tokyo. Le niveau de l’athlétisme est de plus en plus élevé. Après dix-huit mois passés à soigner une hernie discale, Werner Günthör (LC Zürich) revient en force pour remporter un deuxième titre mondial au lancer du poids avec 21,67 m et une confortable avance de 92 cm. Julie Baumann (LC Zürich) voit sa régularité récompensée d’une belle 5e place sur 100 m haies en 12″88, tandis qu’Anita Protti (Lausanne-Sports) est au top de sa forme avec un 6e rang sur 400 m haies en 54″25, un record suisse de très haute volée. Comme à Rome, Beat Gähwiler (LC Turicum) termine 11e du décathlon avec 8’011 points.

1993-1999 : Mondiaux chaque deux ans, de Günthör à Schelbert
Dès 1993 à Stuttgart, les championnats du monde se déroulent désormais sur un rythme biennal, les années impaires. Pour la première fois, les vainqueurs reçoivent autre chose qu’une médaille ; en effet, une Mercedes est attribuée à chaque champion du monde ! Toujours en pleine possession de ses moyens physiques exceptionnels, Werner Günthör s’adjuge de haute lutte son troisième titre avec 21,97 m, contre 21,80 m pour le recordman du monde Américain Randy Barnes (23,12 m en 1990). Les autres Suisses ne sont pas à la fête en Allemagne. Seul le relais 4×400 m féminin composé d’Helen Burkart (LC Zürich), Regula Zürcher (LC Frauenfeld), Marquita Brillante (LC Luzern) et Katrin Lüthi (LC Regensdorf) s’en sort avec une 8e place en 3’28″52.

Les 5e Mondiaux se disputent en 1995 à Göteborg. La tendance décelée à Stuttart s’intensifie puisqu’il est de plus en plus difficile de se retrouver parmi les tous meilleurs. Seule Julie Baumann (LC Zürich) parvient à se frayer un chemin en finale du 100 m haies. La championne du monde 1993 du 60 m haies en salle décroche la 5e place en 12″95. Auteur de trois courses sur 400 m, Mathias Rusterholz (TV Herisau) échoue en demi-finales en 45″80 après avoir couru en 45″54 en quarts. Enfin Sieglinde Cadush (TV Unterstrass) est excellente au saut en hauteur avec un bond à 1,93 m en qualifications. Hélas le niveau est tellement haut que l’accès à la finale se refuse à elle. La Zurichoise se consolera trois semaines plus tard en franchissant 1,95 m, une hauteur qui représente toujours le record suisse.

En 1997 à Athènes, le bilan général des athlètes suisses s’améliore grâce à 5 Helvètes. La jeune Anita Weyermann (GG Bern) profite du culot de ses 20 ans en se forçant le passage à 250 m de l’arrivée de la finale du 1500 m, ce qui lui permet de conquérir la médaille de bronze en 4’04″70. Franziska Rochat-Moser (ST Bern) s’accroche lors de son marathon et termine 8e en 2h36’16. Toujours présente, Julie Baumann n’a plus la forme d’antan. Elle est éliminée en demi-finales en 12″97 et termine 11e. Dans la grande tradition suisse, Philippe Huber (LC Turicum) brille lors du décathlon qu’il conclut au 12e rang avec 8’107 points. Enfin, l’espoir helvétique numéro 1 en demi-fond qu’est André Bucher (TV Beromünster) passe facilement deux tours sur 800 m avant d’être stoppé en demi-finales en 1’46″88 pour un 14e rang.

Deux ans plus tard, en 1999 à Séville, le 400 m haies révèle un talent monstreux : Marcel Schelbert (LC Zürich). Après deux très belles courses (48″66 en séries et 48″80 en demi-finales), le Zurichois fait exploser son record suisse (48″52) au cours d’une finale de feu bouclée en 48″13 : un immense chrono qui lui permet de décrocher la médaille de bronze. En état de grâce, Schelbert conclut admirablement le 4×400 m lancé par Laurent Clerc (Stade Genève), Mathias Rusterholz (LC Zürich), Alain Rohr (TV Länggasse). Malgré un excellent record suisse en 3’02″46, le quator ne parvient pas à atteindre la finale et termine 10e. Sur 1500 m, Anita Weyermann ne réédite pas son exploit d’Athènes ; elle se classe 12e d’une finale tactique en 4’17″86.

2001-2005 : Bücher avant les années de vaches maigres
L’athlétisme bascule dans le XXIe siècle avec les championnats du monde 2001 à Edmonton. André Bucher n’a plus le statut d’espoir car désormais c’est bien lui le patron du 800 m ! Et il le prouve de main de maître en devenant champion du monde en 1’43″70 au terme d’une course aussi rageuse qu’autoritaire. Les autres Suisses font ce qu’ils peuvent dans les courses de demi-fond. Anita Brägger (ST Bern) est éliminée en demi-finales du 800 m en 2’02″22 et termine 11e. Sabine Fischer (LC Rapperswil-Jona) subit le même sort sur 1500 m avec ses 4’09″66 qui la classent au 13e rang. Cette même place, obtenue en finale du 3000 m steeple, récompense Christian Belz (ST Bern) en 8’31″43. Enfin Peter Philipp (BTV Chur) se classe à la 15e place au terme des demi-finales du 1500 m avec 3’39″66.

Dès la saison 2002, l’athlétisme suisse subit une période de vaches maigres. Au creux de la vague au moment d’aborder les championnats du monde en 2003 à Paris, il faut être content du 11e rang sur 800 m d’André Bucher, éliminé en demi-finales en 1’46″67. Christian Belz court cette fois-ci sur 5000 m et termine 13e de la finale en 13’26″02. Viktor Röthlin (TV Alpnach) montre de belles qualités d’endurance lors de son marathon bouclé à une belle 14e place en 2h11’14.

Les 10e championnats du monde qui se déroulent en 2005 à Helsinki ne permettent pas aux Suisses de se mettre sous les feux de la rampe. Christian Belz est le seul à faire bonne figure, sur 10’000 m, où il termine au 14e rang avec un nouveau record suisse en 27’53″16. Après avoir couru en 45″79 lors des séries du 400 m, Pierre Lavanchy (Lausanne-Sports) est éliminé en demi-finales en 47″26 et termine 19e.

2007-2013 : L’immense surprise Röthlin et les débuts du 4×100 m
Retour au Japon, 16 ans après Tokyo ’91, avec l’édition 2007 à Osaka où douze Helvètes sont en lice. Sur la lancée de sa belle médaille d’argent décrochée à l’Euro de Göteborg l’année précédente, Viktor Röthlin réalise un parcours de bravoure, ramasse les morts dans la chaleur anormalement élevée d’Osaka et passe la ligne en récoltant une improbable médaille de bronze en 2h17’25. Enfin naturalisé suisse, l’ex-Cubain Alexander Martinez (LC Zürich) termine bon 8e de la finale du triple saut avec 16,85 m.

En 2009 à Berlin, les athlètes suisses sont au nombre de 13 à fouler la piste de l’Olympiastadion, qui n’est finalement pas le théâtre de performances exceptionnelles pour eux. Seule Nicole Büchler (ST Bern) tire son épingle du jeu avec un nouveau record suisse à 4,50 m lors des qualifications du saut à la perche.

L’Asie est à nouveau au menu en 2011 à Daegu, avec cette fois-ci 17 participants. La tendance est stable pour les Suisses dont le bilan est sauvé par la jeune Lisa Urech (SK Langnau), demi-finaliste du 100 m haies en 12″86 pour un beau 9e rang final. Comme à Berlin, Nicole Büchler échoue en qualification du saut à la perche, malgré son record suisse égalé à 4,50 m. Quant au nouveau projet que représente le 4×100 m féminin, il débute de manière fort correcte avec la 14e place en 44″04 pour Clélia Reuse (CABV Martigny), Jacqueline Gasser (BTV Chur), Ellen Sprunger (COVA Nyon) et Lea Sprunger (COVA Nyon).

En 2013 à Moscou, les Suisses n’ont plus trop droit au chapitre dans le concert de l’athlétisme mondial. C’est pourquoi le projet du relais 4×100 m féminin devient très important, ce d’autant plus que son niveau progresse à vue d’œil. Mujinga Kambundji (ST Bern), Marisa Lavanchy (COVA Nyon), Ellen et Lea Sprunger battent le record suisse lors des demi-finales en 43″21 et se classent au 12e rang. Juste avant cette course, Ellen Sprunger achève son heptathlon à une belle 13e place avec 6’081 points, alors que Linda Züblin (LAR Bischofszell) finit tout proche avec 6’057 points pour un 16e rang.

2015 – 2017 : le renouveau après l’Euro à Zurich
En 2015 à Pékin, le niveau général des performances suisses s’améliore de manière significative. L’effet Zurich 2014 ? Assurément ! Noemi Zbären (SK Langnau) décroche l’unique place de finaliste en terminant à un magnifique 6e rang du 100 haies en 12″95. Le champion d’Europe du 400 m haies Kariem Hussein (LC Zürich) est excellent lors des demi-finales qu’il court en 48″59 ; c’est hélas insuffisant pour s’offrir une finale mondiale puisqu’il est le premier des non-qualifiés. Ce même sort s’acharne sur Selina Büchel (KTV Bütschwil) sur 800 m. Toute proche de son récent record suisse (1’57″95 à Paris), la Saint-Galloise court sa demi-finale en 1’58″63 ; cet excellent chrono ne suffit pourtant pas pour entrer en finale, pour trois dixièmes. Mujinga Kambundji est la femme la plus rapide de Suisse et elle le prouve en égalant son record national avec 11″17 lors des séries, puis en le pulvérisant lors des demi-finales avec 11″07, ce qui la classe au 12e rang. Elle fait même mieux encore sur 200 m avec un record suisse en 22″64 lors des demi-finales et décroche la 10e place. Lea Sprunger court désormais sur 400 m haies et elle s’en sort bien avec une demi-finale courue en 55″83 et une 13e place. Elle décroche ce même rang avec le relais 4×100 m en 43″38, avec une nouvelle composition prometteuse : Marisa Lavanchy, Lea Sprunger, Mujinga Kambundji et Sarah Atcho (Lausanne-Sports). Enfin, au marathon, Tadesse Abraham (LC Uster) termine son parcours au 19e rang en 2h19’25 ».

Les Mondiaux 2017 à Londres voient la plus grande délégation helvétique jamais engagée avec dix-neuf athlètes. Les locomotives de l’athlétisme suisse sont au rendez-vous. Lea Sprunger a désormais trouvé le bon rythme sur 400 m haies, au point de se rapprocher dangereusement du record suisse d’Anita Protti. Elle termine 5e de la finale en 54″59. Ses copines du relais 4×100 m Ajla Del Ponte (US Ascona), Sarah Atcho, Mujinga Kambundji et Salomé Kora (LC Brühl) décrochent elles aussi le 5e rang avec un record suisse dès les séries en 42″50 et une belle confirmation en finale avec 42″51. Malgré des chronos moyens pour lui, Kariem Hussein est plus heureux qu’à Pékin puisqu’il décroche une place en finale qu’il termine au 8e rang en 50″07. Dans les sprints, Mujinga Kambundji est fidèle à elle-même avec un bon chrono sur 100 m en 11″11 lors des demi-finales, ce qui la classe au 10e rang, tout comme au 200 m avec ses 23″00 également réussis en demi-finales. Trois 11e places reviennent à Selina Büchel sur 800 m en 1’59″85, à Nicole Büchler au saut à la perche avec 4,55 m en qualifications et 4,45 m en finale, ainsi qu’à la toute jeune Géraldine Ruckstuhl (STV Altbüron) avec 6’230 points à l’heptathlon. Petra Fontanive (TV Unterstrass) 12e du 400 m haies en 55″79 lors des demi-finales et Sarah Atcho, 14e du 200 m en 23″12 complètent un très joli tableau.

Après 16 éditions des championnats du monde, le bilan de l’athlétisme suisse est donc de 7 podiums (4-0-3) et de 22 places dans le Top 8. En 2019 à Doha, la délégation helvétique sera encore plus fournie qu’en 2017 à Londres avec 22 sélectionnés, qu’on va suivre avec attention dès le 27 septembre prochain.

PAB

Quelles chances pour les Suisses à Doha? Article à suivre demain sur ATHLE.ch.

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