Le marathon de New York, c’est aussi et surtout 50’000 coureurs annoncés, 2 millions de spectateurs attendus et la garantie de visiter presque intégralement la ville. Le tracé de la course parcourt en effet ses 5 grands arrondissements : Staten Island, Brooklyn, le Queens, Manhattan et le Bronx, avant de rallier l’arrivée dans un endroit phare de la ville : Central parc. Une expérience unique, que j’ai la chance de vivre avec deux autres coureurs jurassiens, Claude Stadelmann et Lucas Ludwig, membres de la même équipe de course à pied.
L’effervescence d’une ville
En voyage avec le groupe lausannois « Tourisme pour tous », on est un bon groupe de 200 personnes à poser le pied sur le sol américain le jeudi 2 novembre 2023. Si on porte encore le statut de « marathoners » et non de « finishers », on est d’emblée acclamés par les New Yorkais. Lors du retrait de son dossard, chaque coureur est salué par un lot de clochettes et d’acclamations s’il participe à la manifestation. Dans les boutiques, la question est fréquente : « Do you run the marathon ? Yes ? Wow congratulations ! ». La ville est en effervescence, et ça se sent. Un peu partout, on croise des « runners » de nationalités différentes qui prennent des selfies dans les rues de Times Square. La veille de la course, les routes se ferment, les restaurants italiens sont pris d’assaut, tandis que le mélange d’excitation et d’adrénaline se renforce. Ce dimanche, on court à New York.
Entre excitation et attente
Réveil à 4h50, préparation du petit déjeuner qui se prendra dans le bus, accrochage des dossards et dernières hésitations quant au matériel à prendre : malgré notre courte nuit, on est excités comme des puces. On prend le parti de courir sans téléphone et de se retrouver à l’une des sorties de l’aire d’arrivée après avoir reçu « le » poncho de la course, celui qui fait vraiment des coureurs des finishers.
5h45 : départ de l’hôtel avec le bus qui emmène les coureurs du premier bloc. On déjeune, on discute, on fait connaissance avec des coureurs qu’on n’a pas encore eu l’occasion de rencontrer, l’ambiance est bon enfant. Le soleil se lève sur la ville, les conditions météorologiques s’annoncent idéales. Après une petite heure de trajet, on découvre les différentes zones de départ : un merveilleux fouillis de toilettes, de policiers, de bénévoles et de coureurs emmitouflés dans des tenues plus originales les unes que les autres. Si nous portons principalement des trainings, on rencontre des sacs poubelles vivants, des lutins de Noël égarés, des peignoirs bariolés, et des sacs de couchage à demi enterrés. C’est que, une fois passés les portails de sécurité, l’attente peut durer plusieurs heures. Et si le soleil sera présent, il ne fait pas chaud pour le moment.
8h10 : après une dernière photo devant l’insigne de la course, un dernier « check », je quitte mes deux compères et le reste de l’équipe pour rejoindre mon sas de départ. Si on part tous trois à 9h10, nos objectifs de temps sont différents, ce qui nous place dans trois périmètres différents. Claude espère courir en 2h50, Lucas en 3h15 et moi juste en dessous de 3h. Les trois vagues se rejoignent après quelques mètres, mais on sait que la prochaine fois que l’on se verra, c’est à l’arrivée.
Courir avec le cœur
8h40 : de la musique s’élève du premier « corral », avant le coup de pistolet (ou de canon ?) qui fait sursauter tout le monde : les élites sont lancés. Gentiment, on se déplace vers la ligne de départ. La tension monte, on parle moins. Quelques mots du président de la manifestation, puis c’est la voix de Frank Sinatra et de son fameux titre « New York » qui s’élève et nous accompagne les dernières minutes avant le départ. Un coureur italien, théâtral, chante en cœur avec le crooner américain, nous faisant oublier quelques instants l’imminence du départ, quand tout à coup le fameux « BANG ! » nous surprend. « They’re crazy these Americans ! »s’exclame l’Italien avant de disparaître.
On s’élance. A part quelques assouplissements, l’échauffement est quasiment inexistant. Mais comme lacourse commence par une montée et se termine sur des allées vallonées, le corps a le temps de se chauffer. La traversée du pont de Verrazzano est presque féérique, avec ce flot de coureurs qui se noie dans un ciel encore rose. Puis c’est la plongée dans la ville, dans la foule. Et là, on est saisi au cœur. Le nombre de personnes présentes le long des routes avec des pancartes de toutes sortes, des cris, des chants, des danses portent le coureur au statut de héros. Mieux encore, ce dernier joue avec elle. Et elle n’attend que ça. On harangue, on tape dans des mains, dans des champignons de Mario sur des pancartes pour aller plus vite, et on sourit. Parce que c’est juste fou, de courir ici. Des maux d’estomac me font revoir mon objectif de chrono à la baisse, alors je lâche des yeux ma montre pour profiter de cette ambiance. « Welcome to Brooklyn »,« Welcome to Manchester », « Welcome to Bronx », je ne vois pas le temps passer. Ou un peu plus à partir de 35 kilomètres, mais le fameux mur que je redoutais n’arrive pas. Le fameux « Swiss corner » censé se trouver au 36 kilomètres non plus. Mais à ce stade, on ne réfléchit plus. J’ai hâte de rejoindre l’arrivée, comme je la redoute. « Go girl ! » La foule ne te lâche pas, jamais. On dit même qu’elle vient te botter les fesses si tu t’arrêtes à partir du 35e kilomètre. Mais avec la force qu’elle te donne, tu ne peux pas lui faire ça. 37,38, 39 kilomètres même si j’ai couru à Sierre Zinal, c’est un peu l’inconnu quant à savoir comment le corps va réagir avec autant de kilomètres dans les jambes sur du béton. Mais elles tiennent et les maux de ventre ont disparu, ce qui me permet de terminer en accélérant un peu. Je sais que je ne peux pas rattraper le temps perdu, mais que je peux finir en donnant le maximum de moi-même. J’arrive à Central parc avec ces longues allées qui montent et qui descendent, elles font mal, mais à 2, puis 1 kilomètre de l’arrivée, on tient. Des panneaux avec des photos des anciens vainqueurs bordent les côtes des derniers mètres ; par respect pour eux et parce qu’on a l’impression d’avoir été des champions tout le long du parcours, j’accélère encore, et je passe la ligne.
Finishers
3h02. Tant pis. Autour de moi, les gens sont heureux, éprouvés et marqués, mais heureux. Je retrouve Claude à la sortie, debout. 2h42 pour lui : donc un énorme chrono pour une première, mais il s’exclame : « C’était incroyable ! Jusqu’au 25e kilomètre, j’ai remercié le ciel de vivre un moment pareil ! » On attend Lucas et on décortique notre course, nos sensations, cette ambiance. Lucas arrive, blême, la course a été rude pour lui. 3h21. Emmitouflés dans nos ponchos de finishers, on sort gentiment des foules de l’aire d’arrivée. Faute de taxi, on monte dans un tuk-tuk pour rentrer jusqu’à l’hôtel. Nos médailles autour du cou, serrés dans cette charrette qui déambule dans les rues ensoleillées de New York avec du Michael Jackson dans les oreilles, on rigole du tableau qu’on présente aux passants et on sourit de ce qu’on a vécu. « 26 Miles, why ? » pouvait-on lire. Maintenant, on a la réponse.
Top 10 hommes
- Tamirat Tola (ETH) 2h04’58
- Albert Korir (KEN) 2h06’57
- Shura Kitata (ETH) 2h07’11
- Abdi Nageeye (NED) 2h10’21
- Koen Naert (BEL) 2h10’25
- Maru Teferi (ISR) 2h10’28
- Iliass Aouani (ITA) 2h10’54
- Edward Cheserek (KEN) 2h11’07
- Jemal Yimer (ETH) 2h11’31
- Futsum Zienasellassie (USA) 2h12’09
Top 10 femmes
- Hellen Obiri (KEN) 2h27’23
- Letesenbet Gidey (ETH) 2h27’29
- Sharon Lokedi (KEN) 2h27’33
- Birgid Kosgei (KEN) 2h27’45
- Mary Ngugi (KEN) 2h27’53
- Viola Cheptoo (KEN) 2h28’11
- Edna Kiplagat (KEN) 2h29’40
- Kellyn Taylor (USA) 2h29’48
- Molly Huddle (USA) 2h32’02
- Fantu Zewude Jifar (ETH) 2h34’10
Top 5 Suisses
- Stephan Lowiner (Affoltern Am Albis/Zürich) 2h36’27
- David Niquille (Dashing Whippets Running Team/USA) 2h37’21
- Fernando Albrecht (Brig/Valais) 2h41’39
- Clemens Rich (Aarau/Argovie) 2h42’35
- Claude Stadelmann (Team la Vallée/Jura) 2h42’42
Top 5 Suissesses
- Joelle Flueck (Affoltern Am Albis/Zürich) 2h45’40
- Morgane Crausaz (Team la Vallée/Jura) 3h02’18
- Clara Masserey (Haute-Nendaz/Valais) 3h05’08
- Gabriela Egli (Saint-Moritz/Grisons) 3h13’43
- Cornelia Ulmer (Steffisburg/Berne) 3h21’17
Félicitations à ces coureurs
Ayant fait deux fois ce marathon (1999 et 2009) je peux imaginer ce qu’on ressent dans cette ville incroyable