TIMELINE | L’épopée des athlètes suisses aux championnats du monde | Doha 2019 Pour les athlètes suisses, atteindre la limite pour les championnats du monde représente une sorte de Saint Graal car cette compétition est assurément l'un des deux summums de l'athlétisme mondial. ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre en détail l'épopée des athlètes suisses au cours des dix-neuf éditions de ces Mondiaux. La dix-septième édition des championnats du monde s'est disputée du 27 septembre au 6 octobre 2019 à Doha.

Les dix-septièmes championnats du monde d’athlétisme se déroulent du 27 septembre au 6 octobre 2019 à Doha au Qatar. Cette version exotique des Mondiaux d’athlétisme fait parler tous azimuts. En effet le choix et la date ont de quoi surprendre, il est vrai, car la chaleur atteint le 40°C à cette période de la saison. Mais finalement la configuration proposée par les organisateurs qataris est la moins pire de toutes. Il faut dire que le Khalifa International Stadium est climatisé à 20°C, ce qui permet aux athlètes d’évoluer dans des conditions quasi idéales. Les marathoniens et les marcheurs ne peuvent pourtant pas en dire autant et des surprises sont à attendre, à n’en pas douter.
Dans un premier temps, la sélection de Swiss Athletics a été établie avec les dix athlètes qui avaient réalisé une limite, ainsi qu’avec les deux relais qui s’étaient brillamment qualifiés (le 4 x 100 m grâce à son classement dans la liste des meilleures performances mondiales de la saison et le 4 x 400 m grâce à son Top-10 réussi au début du mois de mai lors des World Relays à Yokohama). C’est ainsi que la commission de sélection de Swiss Athletics a annoncé le 8 septembre sa liste comprenant dix-huit athlètes, tout en espérant que d’autres athlètes puissent rejoindre l’équipe, ceci grâce aux invitations délivrées par l’I.A.A.F. En effet dans certaines disciplines, si le nombre visé d’athlètes (target number) n’est pas atteint, la Fédération Internationale les complète sur la base des performances obtenues durant la période de qualification. Ainsi le 10 septembre, quatre athlètes ont reçu une invitation : Sarah Atcho (Lausanne-Sports) sur 200 m, Selina Büchel (KTV Bütschwil) sur 800 m, ainsi qu’Angelica Moser (LC Zürich) et Nicole Büchler (LC Zürich) au saut à la perche. Dix jours plus tard, Ajla Del Ponte (US Ascona) sur 100 m et Lore Hoffmann (ATHLE.ch) sur 800 m ont à leur tour reçu une invitation. La délégation helvétique qui débarque au Qatar est donc composée de vingt-deux athlètes (cinq hommes et dix-sept femmes, qui en découdront dans treize épreuves individuelles et deux relais. Philipp Bandi, le chef du sport de performance de Swiss Athletics, a annoncé en conférence de presse à Doha l’objectif de sept classements dans le Top-16, dont trois places en finale.

Angelica Moser, seule rescapée de la première journée
Sept athlètes suisses sont en lice le vendredi 27 septembre, soit un tiers de la délégation. Les feux helvétiques sont ouverts par deux coureuses de 800 m. C’est Selina Büchel (KTV Bütschwil) qui est la première à s’élancer, dans la deuxième des six séries. Malade durant sa période de préparation, la Saint-Galloise n’a pu s’entraîner de manière réellement valable que lors des trois dernières semaines précédant cette compétition. Elle croit pourtant en ses chances, même si ce premier tour semble compliqué avec une adversité assez redoutable. Elle part relativement lentement, au point de ne rejoindre le peloton qu’après 200 m de course. Discrète jusqu’à la cloche, elle se décale d’un couloir en plein virage et se place désormais en deuxième position au passage des 500 m. Très concentrée dans la ligne opposée, elle reste en deuxième position aux 600 m, chronométrés en 1’30″8. Le virage se passe encore bien, mais on la voit soudain dodeliner de la tête en entrée de dernière ligne droite et malheureusement Büchel craque à 60 m de l’arrivée. Sa foulée ne tourne plus, ses bras se décoordonnent et elle termine dans le dur à la sixième place en 2’03″38. Dans la cinquième série, Lore Hoffmann (ATHLE.ch) sait qu’elle pourrait passer au temps en cas de chrono inférieur à 2’02″8, mais son ambition est surtout de se glisser parmi les trois premières places qualificatives. Comme à son habitude, elle reste sagement derrière dans le premier tiers de la course. Elle passe la cloche en cinquième position, mais le tempo n’est pas assez rapide. La Sierroise gagne encore un rang dans la ligne opposée et passe en 1’32″2 au 600 m. À l’entrée de la dernière ligne droite, les sept coureuses peuvent toutes prétendre à une qualification. Au coude à coude, Lore se faufile pour se retrouver en troisième position à 30 m du terme. Face à la menace sur sa gauche et sur sa droite, elle veut placer son ultime accélération, elle ressent une belle montée d’acide lactique qui l’empêche de conclure idéalement sa course. Elle termine au quatrième rang en 2’03″40, à six centièmes de la qualification directe. Les deux jeunes femmes se classent aux places 25 et 26. Le concours de qualification du saut à la perche est très important pour l’équipe nationale, qui aligne l’expérimentée Nicole Büchler (LC Zürich) et la très talentueuse Angelica Moser (LC Zürich). Cette dernière, engagée dans le groupe A, réalise un joli saut de réglage à 4,20 m et engrange une bonne dose de confiance qui lui permet de franchir ensuite 4,35 m, 4,50 m et 4,55 m au premier essai. Il est temps pour la double championne d’Europe U23 de tenter la barre placée à 4,60 m, soit la hauteur de qualification pour la finale. Sa première tentative ne passe pas, au contraire de la seconde qui est couronnée de succès. Dans le groupe B, Nicole Büchler, présente pour la sixième fois aux Mondiaux, débute à 4,35 m et passe facilement cette barre. Elle doit s’y reprendre à deux fois à 4,50 m, ce qui est déjà pas mal pour elle qui n’avait franchi cette hauteur qu’une seule fois cette année, à Arlesheim juste avant les championnats suisses. Très motivée, elle continue son périple en domptant les 4,55 m à son deuxième essai. Elle se retrouve elle aussi face à la barre qualificative de 4,60 m. La Seelandaise de 35 ans donne tout ce qu’elle possède, mais elle échoue par trois fois et elle termine au dix-huitième rang de ces qualifications avec sa meilleure performance de l’année, mais aussi en tant que première non-qualifiée. La finale, prévue dimanche, verra donc dix-sept athlètes, dont Angelica Moser qui a maîtrisé de brillante façon son concours de qualification.
Retour sur la piste avec trois autres courses pour les Suisses. Sur 100 m, Alex Wilson (Old Boys Basel) est placé dans la dernière série avec notamment l’Américain Christian Coleman. Il sort de ses blocs à la limite du faux-départ, puis reste scotché dans son accélération. Malgré un joli retour en fin de course, Wilson se classe septième et dernier de sa série en 10″38 seulement et échoue au trente-huitième rang. Le Bâlois ne se dit pas trop déçu à l’heure de l’interview : «Je n’étais pas trop motivé pour ce 100 m. Mon objectif, c’est le 200 m !».
Arrivé directement depuis Iten, sa base d’entraînement au Kenya, Julien Wanders (Stade Genève) doit courir dans la première des deux séries du 5000 m. Le départ est donné sur un rythme très lent, ce qui incite Julien à prendre le commandement après 400 m déjà. Il lance réellement la course sur un bon tempo pour lui, jusqu’aux 1500 m passés en 4’28″24. Sous l’impulsion du Kenyan Jacob Krop, le peloton commence à s’étirer à ce moment-là. Cette accélération relègue Julien en queue de peloton au passage du deuxième kilomètre. Il doit maintenant s’accrocher et ses efforts lui permettent de revenir petit à petit dans le bon wagon. À 500 m de l’arrivée, il lâche prise irrémédiablement en perdant trente mètres en un demi-tour. Il n’insiste pas vraiment et il se classe onzième de cette série en 13’38″95, pour une vingt-quatrième place finale. En zone mixte, le Genevois se déclare vraiment déçu du résultat car il voulait disputer la finale; il a raté sa course.
En fin de première journée, Kariem Hussein (LC Zürich) est au départ de sa série du 400 m haies. Le champion d’Europe 2014 est vite remonté par le Japonais Takatoshi Abe, alors que le Qatari Abderrahman Samba se balade en tête. Hussein se bat avec ses moyens, mais il doit se contenter de la sixième place de cette troisième série dans le décevant chrono de 50″62. La première journée de la délégation suisse est assez moyen, puisque seule Angelica Moser a pu passer un tour, en l’occurrence atteindre la finale du saut à la perche.

Les grandes ambitions de Mujinga Kambundji
Malheureuse quatrième dans les trois disciplines de sprint l’an dernier lors des championnats d’Europe à Berlin, Mujinga Kambundji (ST Bern) vise une place en finale sur 100 m, 200 m et avec le relais 4 x 100 m. Si elle parvint à ses fins, elle aurait à elle seule réalisé l’objectif de Swiss Athletics pour ces championnats du monde de Doha ! La Bernoise figure au septième rang des engagées sur 100 m (11″00) et même au sixième rang de la liste du 200 m (22″26). Avant d’entrer en piste, Mujinga Kambundji fait part de ses impressions en conférence de presse : «J’ai beaucoup d’espoirs et beaucoup de confiance, je fais partie des meilleures. J’ai conservé mon état de forme de la fin août et j’ai même progressé de quelques pourcents par-ci par-là, en explosivité, en vitesse. Je me sens vraiment très bien». À la question si une médaille est envisageable, la femme la plus rapide de Suisse est tout à fait claire : «Je ne sais pas. Mon but, c’est d’abord d’aller en finale. Si j’y parviens, l’objectif sera de monter sur le podium, comme toutes mes rivales…».
Samedi 28 septembre, les trois sprinteuses les plus rapides du pays sont au départ des quarts de finale. Mujinga Kambundji ne connait pas le moindre souci pour se hisser en demi-finales. Vainqueur de sa course en 11″17, la Bernoise répond ainsi parfaitement aux attentes en décrochant le septième chrono, même si elle pense que tout n’est pas encore optimal, notamment au niveau de son départ jugé «pas top». Ses deux camarades du relais n’ont en revanche pas connu la même réussite. Ajla Del Ponte (US Ascona) termine sixième de la sixième course en 11″36 avec un léger vent contraire de 0,3 m/s. Il ne lui manque que cinq centièmes pour atteindre le Top-24 synonyme de demi-finales et elle se classe finalement au vingt-neuvième rang. Après un passage à vide étonnant au cours du mois d’août, la Tessinoise ne se montre pas trop déçue d’avoir manqué le coche pour si peu. Elle est même contente d’être à nouveau en forme avec ce meilleur chrono de la seconde partie de sa saison; la confiance est donc de mise pour le relais 4 x 100 m, dont les séries auront lieu vendredi prochain. Pour Salomé Kora (LC Brühl), le son de cloche est différent car elle pensait atteindre les demi-finales. Mais en courant en 11″48, la Saint-Galloise ne réalise pas son objectif et elle se montre fort déçue de sa trente-sixième place. Elle a de la peine à expliquer pourquoi cela n’a pas fonctionné.

Première finale mondiale pour Angelica Moser
Trois athlètes suisses sont en lice le dimanche 29 septembre, avec pour chacun de très grandes ambitions. Qualifiée de brillante manière pour la finale du saut à la perche deux jours plus tôt, Angelica Moser doit maintenant faire face à une montée de barre très agressive avec une hauteur initiale à 4,50 m, puis en cas de succès, 4,70 m. Pour sa troisième participation après Pékin en 2015 (vingt-cinquième des qualifications avec 4,15 m) et Londres en 2017 (treizième et première non qualifiée pour la finale avec 4,50 m), voilà une nouvelle mission très compliquée lorsqu’on sait que son record personnel est de 4,65 m. Mais la Zurichoise de 21 ans, qui a déjà tout gagné au niveau mondial chez les jeunes, est à son affaire puisqu’elle entame idéalement son concours en franchissant 4,50 m dès son premier essai. Elle se tient maintenant face à une barre à 4,70 m et possède ainsi une belle opportunité d’avancer au classement. Hélas elle échoue à trois reprises, ceci qui la classe au treizième rang de cette finale mondiale avec 4,50 m.

Mujinga Kambundji connait une nouvelle désillusion en demi-finale du 100 m
Après ses trois quatrièmes places subies aux championnats d’Europe l’an dernier à Berlin, Mujinga Kambundji pensait bien que le vent tournerait en sa faveur au cours de ces championnats du monde. Les demi-finales du 100 m n’ont pourtant pas exaucé son vœu car elles ont engendré un nouveau crève-cœur, encore plus cruel ! Auteur d’une belle course, la recordwoman suisse (10″95 en 2018 à Zofingen) termine troisième de la deuxième demi-finale en 11″10 derrière l’Anglaise Dina Asher-Smith (10″87) et la Jamaïcaine Jonielle Smith (11″06). Les deux premières seulement se qualifiant pour la finale, il ne reste plus qu’à Mujinga d’espérer de passer au temps. Dans le première course, l’Américaine Teahna Daniels avait couru elle aussi couru en 11″10 et après consultation du chrono au millième, il apparaît un avantage plus que minime en faveur de l’étudiante d’Austin : 11″092 pour Daniels, 11″093 pour Kambundji. La troisième course de ces demi-finales revêt d’une importance capitale pour la Bernoise. C’est logiquement la Jamaïcaine Shelly-Ann Fraser-Pryce qui s’impose en 10″81 devant l’Ivoirienne Murielle Ahouré en 11″05. Il faut attendre le chrono de la troisième athlète, la Néerlandaise Dafne Schippers. Le verdict tombe rapidement : 11″07. Ainsi Mujinga Kambundji manque la finale du 100 m pour un millième de seconde. Swiss Athletics décide alors de déposer protêt, ce qui provoque une attente interminable. Finalement peu de temps avant la finale, après le contrôle minutieux de la photo-finish, le verdict est modifié par le jury d’appel, mais en défaveur de la Suissesse qui voit son chrono étonnamment corrigé à 11″097. Kambundji manque finalement son objectif pour cinq millièmes et, comme pour montrer que la coupe est vraiment pleine, le couloir de Schippers est resté vide en finale du 100 m. «Cinq millièmes, ce n’est rien. Mais au final, que ce soit un millième, un centième ou une seconde, ça ne change rien. Ce n’est pas drôle et je suis vraiment déçue. Cela me saoule même un petit peu. Quand j’ai vu mon chrono, je me suis dit « merde ». Ce n’est pas un temps de folie, plusieurs coureuses sont à ce niveau. Je savais que mes chances étaient faibles. J’ai eu de la peine au départ toute la saison. C’était mieux qu’en quarts de finale, mais ce n’était pas optimal non plus. Cela m’aurait bien aidé si j’étais mieux sortie de mes starting-blocks». Mujinga Kambundji a certes de quoi pavoiser, mais elle ne doit également pas trop réfléchir longtemps à cet échec car les séries du 200 m sont prévues pour le lendemain et, tout le monde le pense, on est sûr qu’elle saura rebondir sur cette distance qui sied mieux à son talent de sprinteuse.
Toujours sur 200 m mais chez les hommes, Alex Wilson prend la troisième place de sa série et assure l’essentiel en se qualifiant pour les demi-finales en 20″40. Le Bâlois a livré une prestation moyenne pour quelqu’un qui rêve de podium dans ces championnats. Il devra assurément hausser son niveau s’il entend se hisser en finale, mais les problèmes de genou qu’il a connu cet été ne lui permettent pas d’être à 100% à Doha.

Le chaud et le froid au 200 m des femmes
La première course du lundi 30 septembre met en scène les sprinteuses sur 200 m. Pour ces séries, Mujinga Kambundji n’a pas eu à forcer son talent pour franchir l’écueil, bien qu’elle ait quelque peu manqué d’énergie le matin même après son dimanche pour le moins émotionnel. Elle termine troisième de sa course en 22″81 et elle a pu constater que trois athlètes de renom ont déclaré forfait : Shelly-Ann Fraser-Pryce, Dafne Schippers et Marie-Josée Ta Lou. L’horizon se dégage pour la Bernoise car ces absences autorisent désormais les espoirs les plus fous. Pour l’autre Suissesse de ces séries, Sarah Atcho (Lausanne-Sports), les choses se sont nettement moins bien passées. En terminant quatrième de sa série en 23″29, elle manque pour dix-neuf centièmes la qualification pour les demi-finales. La vice-championne d’Europe U23 2017 du 200 m ne comprend pas ce qui ne fonctionne pas. Elle se sentait vraiment bien en sortie de virage et elle pensait être capable de se classer dans les trois premières pour se qualifier à la place. Mais dès que ses adversaires sont revenues à sa hauteur, elle s’est crispée et elle a fini par ne plus trop avancer sur la fin. Sa vingt-neuvième place est un scénario catastrophe, mais pourtant elle se dit encore plus motivée que jamais pour le relais.

Jason Joseph très en verve sur 110 m haies
Le lundi 30 septembre c’est également le jour d’entrée en compétition de Jason Joseph (LC Therwil). Le récent champion d’Europe U23 du 110 m haies n’a pas l’intention de calculer et cette attitude va le récompenser. En courant à fond et sans erreur majeure, le Bâlois de 20 ans signe une performance de premier plan dans sa série remportée par le Russe Sergey Shubenkov. Sa course très propre lui permet d’égaler en 13″39 son record suisse qu’il avait établi lors des demi-finales des championnats suisses l’an dernier à Zofingen et de signer le huitième chrono de tous les concurrents. Très content de sa prestation, Jason devra l’améliorer s’il entend poursuivre son aventure en direction de la finale.
Enfin les demi-finales du 200 m des hommes se sont déroulées sans la participation du Bâlois Alex Wilson. Le médaillé de bronze européen sur 200 m de l’an dernier a ressenti de fortes douleurs au pied gauche lors de l’échauffement, puis dès les premières foulées d’un départ en virage. Ce forfait met une fin abrupte à sa saison qui l’avait vu briller à la fin du mois de juin avec 10″08 et 19″98.

Les deux stars de l’athlétisme suisse font le job
Mardi 1er octobre, les deux stars de l’athlétisme suisse que sont Lea Sprunger et Mujinga Kambundji réussissent des prestations abouties lors des séries du 400 m haies et des demi-finales du 200 m. La championne d’Europe aborde ces championnats du monde de Doha sans posséder un chrono de référence canon en 2019. Son début de saison – perturbé par une inflammation au bas du dos – a été logiquement très poussif : 56″36 à Rome, 56″46 à Oslo et même 56″56 à Genève. Sans trop s’affoler, Lea a ensuite enchaîné avec 55″74 lors du Résisprint à La Chaux-de-Fonds, puis 55″24 à Athletissima et 55″60 à Monaco. Son chrono de référence est tombé le 3 août à Berne lors du CITIUS Meeting avec 55″13, bientôt confirmé par un 55″14 au départ un peu téméraire à Zurich. Sa dernière sortie helvétique s’est disputée le 1er septembre à Bellinzone avec 55″24, puis elle a enchaîné avec le match Europe vs USA à Minsk où elle a réussi 55″46, alors que ses 55″58 courus six jours plus tard à Antalya restent anecdotiques puisque réalisés dans le cadre de sa préparation à Belek en Turquie. On le voit, tout est allé crescendo dans cette saison pour la Vaudoise, qui se trouve maintenant au départ des séries du 400 m haies avec la pleine confiance en ses moyens, tant physiques que techniques, ainsi qu’avec un mental résolument conquérant. Une montée en puissance qui se matérialise de manière explicite dès les premières haies franchies à Doha. Oui Lea paraît en grande forme car elle s’est tranquillement qualifiée pour les demi-finales du 400 m haies en 54″98, la quatrième performance des séries. Ce premier tour servait de référence et les enseignements tirés sont ainsi plus que positifs, notamment en rapport à ce fameux passage de la dernière qu’elle réussit à passer pour la première fois en quinze foulées. Le rythme et donc le chrono sont de retour pour Lea. Il faudra remettre ça en demi-finales, mais c’est évident que dans ces conditions, tout sera plus facile à réaliser.
Quatre heures plus tard, à 21:30 heure locale, Mujinga Kambundji est au départ de la première des trois demi-finales du 200 m, où les deux premières de chaque course plus les deux meilleurs temps se qualifient pour la finale. Dans ses starting-blocks, la Bernoise sait fort bien qu’en cas de qualification pour la finale, elle aura écrit une belle page de l’histoire de l’athlétisme helvétique. Concentrée comme jamais, elle réalise un très bon virage et une ligne droite sereine face à l’Américaine Anglerne Annelus, avec qui elle partage la victoire en 22″49. Ce chrono, le troisième ex aequo des demi-finales, laisse plus que jamais Mujinga Kambundji sur les marches en direction du Panthéon du sprint. La finale de demain soir s’annonce plus ouverte que jamais, bien que Dina Asher-Smith en soit la grandissime favorite. La sprinteuse suisse, déjà médaillée de bronze sur 60 m lors des championnats du monde indoor 2018 à Birmingham, saura-t-elle franchir la porte relativement grande ouverte qui l’amènera vers le podium ? Rendez-vous dans 24 heures pour vivre cette finale du 200 m avec la plus grande des émotions.

Difficile première journée pour Géraldine Ruckstuhl à l’heptathlon
À mi championnats, l’équipe suisse n’a bien sûr pas débloqué son compteur de médaille, mais elle abat désormais ses meilleures cartes. Ce mercredi 2 octobre, Géraldine Ruckstuhl (STV Altbüron) attaque la première journée de son heptathlon et elle entend bien améliorer son propre record national de 6’391 points, établi en septembre 2018 à Talence. Sa mise en route n’est pas idéale au 100 m haies avec un 13″84 qui ne la classe qu’au dix-septième rang sur dix-neuf concurrentes. Le saut en hauteur n’est guère meilleur avec un élan raccourci et une première barre à 1,65 m franchie au troisième essai seulement. Elle passe ensuite 1,68 m et 1,71 m au premier essai, mais elle se voit stoppée à 1,74 m. Cette relative contre-performance la maintient à l’antépénultième place de cet heptathlon. Le lancer du poids lui permet de relever quelque peu la tête avec un joli 14,28 m, soit le quatrième résultat qui lui permet de gagner un rang au classement. Sa première journée se termine par un 200 m en 25″21, là aussi loin des meilleures puisqu’il s’agit de la dix-huitième performance. La Lucernoise pointe au dix-septième rang avec 3’549 points, à 139 points de son total intermédiaire de Talence. La récente championne d’Europe U23 semble bien physiquement, mais on remarque aussi un manque criant de vitesse et à ce niveau-là ça ne pardonne pas. Heureusement la deuxième journée lui est en général plus favorable, ce qui va certainement lui donner l’occasion de réaliser une mini remontada.

Jason Joseph trop crispé en demi-finales du 110 m haies
Entretemps, Jason Joseph se prépare quant à lui pour sa demi-finale du 110 m haies. Le jeune hurdler Bâlois est confronté à une rude concurrence et cette situation semble le crisper. Son départ est pour une fois dans le bon timing, son accélération semble normale, mais à côté de lui ça va trop vite. Sans grosse faute, il ne termine que septième en 13″53 et il se dit déçu : «Je savais que la même course qu’hier pouvait suffire pour la finale. Mais je n’ai pas réussi la même course que hier…! Ça fait ch*** ! J’étais trop concentré sur mes adversaires. Mais je vais retenir le positif». Il est vrai qu’ 20 ans, Jason Joseph a tout l’avenir devant lui et cette expérience mondiale sera un atout de grande valeur pour mener à bien la suite de sa carrière.

Lea Sprunger poursuit sa belle progression et file en finale du 400 m haies
Comme la veille en séries, Lea Sprunger se montre excellente dans sa demi-finale du 400 m haies et elle se qualifie sans peine pour la finale en finissant au deuxième rang en 54″52 derrière Sydney McLaughlin. La Ginginoise s’est même payé le luxe de ne pas trop forcer après la dixième haies, qui a de nouveau été franchie en quinze foulées. «Le but est atteint, maintenant, c’est tout bonus. J’ai livré une meilleure course que lors des séries, mais il y a encore des choses à améliorer. J’ai par exemple perdu pas mal d’énergie en étant déséquilibrée sur la deuxième haie. Vendredi, je vais prendre plus de risques, attaquer les haies». Voilà donc Lea en finale des championnats du monde pour la seconde fois après Londres en 2017 où elle avait pris la cinquième place en 54″59. Que va-t-il se passer dans deux jours ? «Avec l’adrénaline et l’enjeu d’une finale, ça ira encore plus vite. Quand on est en finale, ce serait bête de dire qu’on n’y croit pas», a confié la championne du COVA Nyon, rayonnante dans la zone mixte. Quant à Laurent Meuwly, son entraîneur, il évoque pour la première fois cette année le record suisse d’Anita Protti (les 54″25 en finale des championnats du monde de Tokyo 1991, pour un sixième rang) : «Ce sera très ouvert pour la troisième place. Lea devra probablement battre le record suisse d’Anita Protti pour espérer se hisser sur le podium. Elle a réalisé le huitième temps parmi les huit finalistes. Je suis sûr qu’elle peut améliorer le record national en finale». Lea Sprunger s’élancera du couloir 9 dans cette finale, soit à l’aveugle. «C’est très bien, précise le Fribourgeois. Il n’y a de toute manière aucun calcul à faire. Pour elle, le couloir 9 est mieux que le 2 ou le 3; elle y est avantagée avec ses grandes foulées. Elle devra courir en regardant vers l’avant. Comme Wayde van Niekerk l’a fait au couloir 8 lorsqu’il avait battu le record du monde du 400 m lors des Jeux Olympiques 2016 à Rio en 43″03».

Mujinga Kambundji signe un exploit historique sur 200 m
Ce mercredi 2 octobre, Mujinga Kambundji a rendez-vous pour écrire une grande page de l’histoire suisse, celle d’une sprinteuse helvétique capable de décrocher une médaille aux championnats du monde. À 27 ans, la Bernoise est au bénéfice d’une solide expérience, mais est-ce que cela suffira face à cette pression inédite ? Placée au couloir 4, Mujinga a ainsi l’avantage de voir toutes ses adversaires dans le virage : Anglerne Annelus au 5, Brittany Brown au 6, Dina Asher-Smith au 7 et Dezerea Bryant au 8. Contrairement au 100 m, la Suissesse réalise un départ canon qui la propulse aux avant-postes. En sortie de virage, elle se retrouve à lutter face aux trois Américaines. La ligne droite est somptueuse et elle permet à Dina Asher-Smith de remporter le titre mondial en 21″88. Brittany Brown s’empare de la médaille d’argent en 22″22 et Mujinga Kambundji, qui réussit à contrer le retour d’Anglerne Annelus et de Dezerea Bryant, s’offre la médaille de bronze en 22″51, contre 22″59 à la Texane et 22″63 à la multi championne du Kentucky.

Comme annoncé avant la course, cette médaille de bronze représente un exploit historique sans précédent pour notre pays, puisqu’il s’agit là de la toute première médaille dans une épreuve de sprint individuel lors d’un grand rendez-vous mondial en plein air, Jeux Olympiques inclus. Cette médaille est aussi la huitième remportée par un athlète suisse aux championnats du monde : quatre en or pour Werner Günthör au poids en 1987, 1991 et 1993 et pour André Bucher sur 800 m en 2001, ainsi que quatre en bronze pour Anita Weyermann sur 1500 m en 1997, pour Marcel Schelbert sur 400 m haies en 1999, pour Viktor Röthlin au marathon en 2007 et maintenant pour Mujinga Kambundji sur 200 m. La Bernoise partage sa joie en zone mixte : «Je ne réalise pas encore ce que j’ai accompli. C’est vraiment trop cool. Je suis tellement contente, et soulagée aussi.
Je suis simplement heureuse, c’est incroyable. Je pensais que j’avais une chance à saisir dans cette finale. Je savais que Dina serait devant et qu’il y aurait une opportunité pour moi car ce serait serré derrière. Je voulais faire la meilleure course possible, en me concentrant sur moi-même. J’étais d’ailleurs tellement concentrée que je n’ai pas réalisé tout de suite que ça suffisait pour monter sur le podium. J’ai compris en regardant l’écran géant du stade». La deuxième Suissesse à glaner une médaille aux championnats du monde en plein air après une autre Bernoise (Anita Weyermann) explique encore la différence par rapport à ce qui s’est produit aux championnats d’Europe l’an dernier : «À Berlin, j’avais trop d’attentes. Je me disais tu devrais faire une médaille. Là, je savais que c’était possible, et j’ai su courir sans me poser de questions». La cérémonie protocolaire qui se déroule tard dans la soirée est vraiment prenante. Sur la droite du podium, Mujinga Kambundji exhibe fièrement sa médaille de bronze. Pense-t-elle à ce moment-là aux séries du 4 x 100 m qui sont programmées pour dans deux jours déjà ? «Oui, maintenant je dois penser au relais. Heureusement, j’ai congé jeudi; mais j’ai hâte de revenir sur cette piste pour courir avec mes coéquipières». Le rendez-vous est pris, pour un autre moment historique ?

La remontada de Géraldine Ruckstuhl à l’heptathlon
Classée au dix-septième rang de l’heptathlon avec 3’549 points à l’issue de la première journée, la Lucernoise Géraldine Ruckstuhl aborde ce jeudi la seconde partie de son périple avec l’espoir de remonter au classement. Hélas comme la veille au saut en hauteur, la détente n’est pas non plus au rendez-vous de Doha pour le saut en longueur. La Suissesse ne saute qu’un moyen 5,73 m et met à mal sa position, qui la voit pointer désormais au dix-huitième et dernier rang de ces Mondiaux. Sa réaction est heureusement immédiate et largement positive au lancer du javelot, sa discipline de parade. En réalisant le meilleur résultat de cette sixième épreuve avec un joli 55,35 m, l’athlète de 21 ans retrouve de belles couleurs en se plaçant au onzième rang. Le 800 m est couru de manière très courageuse par la recordwoman suisse en 2’16″02, pour une huitième place dans la discipline. Cette fin très favorable lui permet de totaliser la bagatelle de 6’159 points qui lui offrent une très satisfaisante neuvième place finale, soit deux rangs de mieux qu’aux Mondiaux 2017 à Londres. Géraldine ajoute ainsi une nouvelle ligne à son palmarès déjà fort bien fourni : championne du monde U18 en 2015 à Cali, vice-championne d’Europe U20 en 2017 à Grosseto, neuvième des championnats d’Europe à Berlin et championne d’Europe U23 en 2019 à Gävle. Sa prestation au cours de ses deux jours passés dans le stade Khalifa International de Doha ne l’a pourtant pas vraiment enchantée : «Ce n’était pas une bonne compétition. Compte tenu de mes performances, c’est bien d’avoir fini neuvième. Je suis en revanche frustrée en pensant au classement qui aurait été possible pour moi ici». On la comprend car en passant en revue ses performances, on ne peut s’empêcher de constater une régression de son niveau dans les sauts, au point de terminer à chaque fois dans les dernières positions. Espérons que la nouvelle orientation dans son entraînement se métamorphosera à l’avenir dans le bon sens.

Le relais 4 x 100 m féminin qualifié pour les Jeux Olympiques !
Le vent du désert est comparable à celui qui souffle dans le camp suisse : il est euphorisant. Après la magnifique médaille de bronze décrochée par Mujinga Kambundji sur 200 m, le clan helvétique sait que tout peut arriver si on s’en donne les moyens. Le relais 4 x 100 m ne fait pas exception et il est normal de croire au meilleur possible. «L’objectif premier, c’est de se hisser en finale, ce qui nous permettrait de nous qualifier pour les Jeux Olympiques 2020 à Tokyo», explique Raphaël Monachon, le coach de ce relais. Pour cela, il aligne son équipe type dès les séries, celle qui a toujours brillé ces dernières années : Ajla Del Ponte, Sarah Atcho, Mujinga Kambundji et Salomé Kora. Les derniers rouages, qui se sont peaufinés à Belek, ont permis de déceler cette petite étincelle qui avait déjà été ressentie avant la finale des championnats du monde de Londres en 2017. Placées au couloir 7 de la première demi-finale, le quatuor helvétique doit terminer parmi les trois premières pour espérer se qualifier à la place ou obtenir l’un des deux meilleurs chronos des viennent-ensuite. Ajla Del Ponte lance la course en réalisant un virage dont elle a le secret. Son passage avec Sarah Atcho est bon et la Lausannoise fonce dans la ligne opposée en direction de la médaillée de bronze du 200 m. Le témoin passe, mais en deux temps heureusement rapidement exécuté. Alors que la France péclote et l’Australie se retrouve au tapis, Mujinga Kambundji fait la différence dans le virage. La dernière charnière avec Salomé Kora frise pourtant le code avec une transmission catastrophique que la Saint-Galloise sauve par bonheur en freinant au tout dernier moment. Elle se relance rapidement et termine la course en troisième position en 42″82 derrière les États-Unis en 42″46 et Trinité & Tobago en 42″75, mais devant les Pays-Bas qui sont éliminés en 43″01. La finale mondiale est une réalité, toute comme la qualification pour les Jeux Olympiques; c’est déjà ça, mais ce n’est de loin pas terminé pour cette valeureuse équipe. Toutes ensembles ont aussi un discours positif en vue de la finale, dans le sens où les détails vont être peaufinés et, avec encore plus d’adrénaline, elles seront plus précises encore. Une médaille est-elle envisageable ? Sarah Atcho veut bien y croire : «On a les capacités pour y parvenir, on a la tête sur les épaules. On sait ce qu’on doit faire, on sait comment le faire et on a beaucoup d’expérience car cela fait maintenant trois-quatre ans qu’on travaille ensemble. Il faudra être capable de réaliser la course parfaite. Mais nous l’avons déjà fait par le passé, comme en 2018 à Lausanne lors du record suisse en 42″29 ou aux Mondiaux en 2017 à Londres. Il ne reste plus qu’à…». Le quatuor de charme et de choc de Swiss Athletics surfe sur une belle vague. Il faudra en profiter samedi soir.

Lea Sprunger réalise un chef d’œuvre en finale du 400 m haies
Ce vendredi soir 3 octobre est également un moment spécial, ceci pour plusieurs raisons. Pour la première fois de la semaine, les bâches de l’anneau supérieur du stade sont enlevées. Oui le stade est plein à craquer et c’est logique puisque les Qataris sont présents pour encourager Mutaz Essa Barshim. La star locale du saut en hauteur les comble de bonheur en devenant champion du monde avec 2,37 m. La finale du 400 m haies des femmes est aussi le moment attendu par plusieurs nations. Il y a d’une part le duel de titans que vont se livrer les Américaines Dalilah Muhammad et Sydney McLaughlin. Mais derrière, pour la troisième place, c’est une véritable bouteille à encre tant les six athlètes sont proches et en forme pour réaliser une finale de feu. Il est 20:30 en Suisse et tout le monde se tient les pouces pour Lea Sprunger. En confiance suite à ses deux premières courses de Doha, la Vaudoise sait qu’elle a une belle carte à jouer dans cette finale mondiale. Placée un couloir 9, elle a ainsi toute la meute à ses trousses; mais ce n’est pas un désavantage, bien au contraire. Son départ est tonitruant, mais l’ensemble des concurrentes est au diapason. Comme prévu les deux favorites américaines sont nettement devant à l’entrée de la dernière ligne droite, avec un avantage certain pour la recordwoman du monde Dalilah Muhammad (52″20). Derrière, c’est incroyable, les six autres athlètes franchissent la huitième haies ensemble, comme à la parade. Il ne reste plus que 110 mètres et deux haies pour faire la différence. La guerre est totale et aucune ne va faire de cadeaux. Le spectacle est somptueux, indécis et inédit. Plus vive sur les franchissements de haies, Muhammad voit pourtant la jeune McLaughlin revenir sur elle. Mais la patronne de la discipline tient bon et remporte le titre en 52″16, nouveau record du monde. Auteur d’un superbe 52″23, McLaughlin termine tout proche et décroche à 20 ans sa premier podium international. Surtout elle s’affirme, à n’en pas douter, comme étant la future star de l’athlétisme mondial. La bataille pour la médaille de bronze rend aussi son verdict en faveur de la Jamaïcaine Rushell Clayton qui prend la troisième place en 53 »74. Elle a fait la différence avant la dernière haie, au grand damne de Lea Sprunger qui réalise pourtant un exploit de taille en se classant au quatrième rang en 54 »06. Oui, le record suisse d’Anita Protti, les fameux 54″25 de la finale des championnats du monde de Tokyo, sont améliorés de dix-neuf centièmes par une Lea Sprunger retrouvée et absolument phénoménale pour le coup.

Après la course, la championne d’Europe reste sur un sentiment mitigé : «Même moi, je ne saurais pas quel sentiment choisir. Je suis vraiment partagée. Un moment, je suis super contente d’avoir battu le record suisse et l’instant d’après c’est la déception d’avoir raté la médaille qui l’emporte. C’est la place du con comme on dit. J’ai eu le temps de réfléchir un peu, de redescendre. Avec ce petit recul, c’est le sentiment de fierté qui prévaut. Je reviens de tellement loin. Généralement, c’est quand on s’y attend le moins que cela arrive. On arrêtera de me poser la question maintenant. Je suis contente». La sempiternelle question, c’était évidemment celle de savoir si elle serait capable de battre le record suisse. Au bout d’un moment, Lea Sprunger arrive finalement à se réjouir : «C’est la course la plus relevée de l’histoire du 400 m haies. Je suis fière d’y avoir participé. Les deux Américaines devant, ce sont des monstres. Ça me donne juste envie de retourner au boulot et de pouvoir les concurrencer aux Jeux Olympiques de Tokyo. Après la saison que j’ai vécue, je ne pensais pas avoir les armes pour sortir un tel temps. Je suis beaucoup plus forte mentalement que ce que j’ai pu l’être dans le passé. J’étais sur la piste en étant convaincue de pouvoir aller chercher cette troisième place. Je n’ai pas eu peur, ce qui aurait encore le cas quelques années en arrière». Revenant sur sa course, Lea précise encore : «Le stade était plein, il y avait une sacrée ambiance. J’étais presque contente d’être au couloir 9. J’ai parfois tendance à m’endormir en me calquant sur les autres. En étant double championne d’Europe, je suis consciente que je suis capable de régater avec les meilleurs. Cette expérience me rassure parce que je sais que je peux aussi monter en puissance à chaque course». Ça tombe bien, il y en a encore une à réaliser à Doha : le 4 x 400 m avec une équipe nationale pleine d’espoir.

Pas de finale pour le relais 4 x 400 m féminin
Le samedi 5 octobre, le relais 4 x 400 m est en lice pour les séries, avec l’espoir de passer en finale et ainsi de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Le défi a le mérite d’exister, mais il est également fort ardu à réaliser. La course est lancée sur d’excellentes bases par Lea Sprunger. Elle passe en 51″3 et transmet le témoin à Fanette Humair (FSG Bassecourt). En bonne position, la Jurassienne est ensuite prise en sandwich au moment de se rabattre, ce qui lui fait perdre le bon rythme et la place en sixième position. L’autre Jurassienne, Rachel Pellaud (FSG Bassecourt) enchaîne avec une bonne course, mais elle ne peut pas éviter de donner le témoin au septième rang. La Thurgovienne Yasmin Giger (NET SCL Amriswil) a beau donner tout ce qu’elle a, elle reste impuissante. Elle passe la ligne d’arrivée en 3’30″63, loin des attentes. Dans l’absolu, il n’y a pas de regrets à avoir car le quatuor aurait dû réaliser moins de 3’27″40 pour se qualifier pour la finale. Déçue, Lea Sprunger peste contre une situation désespérée pour Tokyo : «La conséquence de cet échec, c’est qu’il faudra courir plus vite en 2020 pour obtenir l’un des huit derniers tickets pour les Jeux Olympiques . Il faudra certainement retrancher deux voire trois secondes à ce chrono. Mais il n’y aura pas beaucoup d’opportunités pour y parvenir. Nous avons raté une sacrée occasion».

Un record suisse de haut niveau pour le relais 4 x 100 m féminin
L’avant-dernière soirée de ces championnats du monde est à nouveau très importante pour le camp suisse, puisque la finale du 4 x 100 m est sur le point de se disputer. La veille, il s’en était fallu de peu pour l’équipe soit éliminée à la suite d’un passage de témoin raté lors de la dernière charnière. Les réajustements décidés par le coach Raphaël Monachon sont censés placer le quatuor sur une orbite encore jamais atteinte. Comme pour Lea Sprunger en finale du 400 m haies, les filles se retrouvent au couloir 9. Est-ce un gage de réussite ? On pense que oui. Ajla Del Ponte libère sa fougue dans le virage et transmet à nouveau sans encombre le témoin à Sarah Atcho. La gazelle du Lausanne-Sports file dans sa ligne droite comme jamais elle ne l’a fait et transmet sans souci le bâton à Mujinga Kambundji. Son virage est si rapide, qu’on se prend à rêver. D’autant plus que cette fois-ci, son passage avec Salomé Kora fonctionne à merveille. La Saint-Galloise voit devant elle la Jamaïque, la Grande-Bretagne et les États-Unis, mais elle sent aussi à sa gauche que la Chine, très redoutable, vient de manquer son passage de témoin. Shericka Jackson emmène la Jamaïque vers une nouvelle victoire en 41″44, devant la Grande-Bretagne en 41″85. Juste devant la Suissesse, l’Américaine Kiara Parker semble en perte de vitesse. Il faut en profiter et c’est ce que tente Salomé, mais la ligne d’arrivée arrive bien trop tôt pour elle. La Suisse termine quatrième avec un incroyable nouveau record suisse en 42″18, à seulement huit centièmes du podium ! La magie du couloir 9 a bel et bien opéré, mais contrairement à Lea Sprunger, les sprinteuses helvétiques ressentent plus de joie que de déception, comme le confirme Sarah Atcho : «On ne peut pas être déçues. Ça nous motive encore plus pour les Jeux de 2020. On était cinquièmes à Londres en 2017, quatrièmes ici à Doha, alors pourquoi pas troisièmes à Tokyo ?».

Tadesse Abraham brillant neuvième d’un chaud marathon de minuit
En début de championnats il y a huit jours, le marathon des femmes avait enregistré un total de vingt-huit abandons sur soixante-huit participantes. Un véritable jeu de massacre dû à l’étouffante chaleur de Doha. Comment Tadesse Abraham (LC Uster), le vice-champion d’Europe 2018 à Berlin, aborde-t-il ce marathon si particulier ? : «Je vais partir lentement et rattraper les morts…», a-t-il dit à la presse. Il s’est plutôt bien acclimaté dans les plaines éthiopiennes pour y retrouver de plus fortes chaleurs, mais il a peut-être négligé un autre aspect inédit de ce marathon qatari : il se courra de nuit : «Mon corps a normalement l’habitude de dormir à cette heure-là…». À minuit, septante-trois coureurs s’élancent pour les 42,195 km du marathon. Abraham suit le rythme initial, mais petit à petit il cède du terrain et se retrouve dans un deuxième wagon après environ 20 km. Le Genevois fait ensuite son chemin en compagnie du coureur de Bahreïn El Hassan El Abbassi et maintient un bon rythme sans vraiment souffrir de la chaleur. Le duo pointe avec un retard de cinquante-sept secondes sur la tête de la course après 35 km et finit fort. À fond sur les cinq derniers kilomètres, Tadesse Abraham se classe à une belle neuvième place en 2:11’58, à 1’18 du nouveau champion du monde, l’Éthiopien Lelisa Desisa (2:10’40). Finalement sur les septante-trois coureurs au départ, dix-huit ont abandonné. Mais les terribles défaillances vécues lors de la course de femmes n’ont pas eu lieu.

Julien Wanders abandonne dans le 10000 m
Le dimanche 6 octobre, c’est le dernier jour de compétition avec notamment la finale du 10000 m du dernier Suisse engagé dans ces championnats du monde de Doha : Julien Wanders. Le recordman d’Europe du semi-marathon, qui se dit en grande forme, doit pourtant déchanter. Il parvient à tenir le train d’enfer des Africains sur quelque 4000 m, mais une fois lâché, le Genevois jette l’éponge peu après la mi-course et provoque une réelle déception dans le camp suisse.

Un bilan totalement positif
Philipp Bandi, le chef du sport de performance de Swiss Athletics, avait annoncé en début de championnats l’objectif de sept classements dans le Top-16, dont trois places en finale (top-8). Il avait bien jaugé le potentiel de son équipe puisqu’on peut finalement recenser une médaille de bronze pour Mujinga Kambundji sur 200 m, deux quatrièmes places pour Lea Sprunger sur 400 m haies et pour le relais 4 x 100 m féminin, ainsi que six autres rang dans le top-16.

PAB

Résultats

Hommes
100 m : 38. Alex Wilson (Old Boys Basel) 10″38 en séries
200 m : 20. Alex Wilson 20″40 en séries et DNS en demi-finales
5000 m : 25. Julien Wanders (Stade Genève) 13’38″95 en séries
10000 m : Julien Wanders DNF
110 m haies : 13. Jason Joseph (LC Therwil) 13″39 (record suisse) en séries et 13″53 en demi-finales
400 m haies : 28. Kariem Hussein (LC Zürich) 50″62 en séries
Marathon : 9. Tadesse Abraham (LC Uster) 2:11’58
Femmes
100 m : 9. Mujinga Kambundji (ST Bern) 11″17 en séries et 11″10 en demi-finales
29. Ajla Del Ponte (US Ascona) 11″36 en séries
36. Salomé Kora (LC Brühl) 11″48 en séries
200 m : 3. Mujinga Kambundji 22″51 / 22″81 en séries et 22″49 en demi-finales
29. Sarah Atcho (Lausanne-Sports) 23″29 en séries
800 m : 25. Selina Büchel (KTV Bütschwil) 2’03″38 en séries
26. Lore Hoffmann (ATHLE.ch) 2’03″40 en séries
400 m haies : 4. Lea Sprunger (COVA Nyon) 54″06 (record suisse) / 54″98 en séries et 54″52 en demi-finales
Perche : 13. Angelica Moser (LC Zürich) 4,50 m / 4,60 m en qualifications
18. Nicole Büchler (LC Zürich) 4,55 m en qualifications
Heptathlon : 9. Géraldine Ruckstuhl (STV Altbüron) 6’159 p
(13″84 – 1,71 m – 14,28 m – 25″21  |  5,73 m – 55,35 m – 2’16″02)
4 x 100 m : 4. Ajla Del Ponte / Sarah Atcho / Mujinga Kambundji / Salomé Kora 42″18 (record suisse) /
42″82 en séries
4 x 400 m : 14. Lea Sprunger / Fanette Humair (FSG Bassecourt) / Rachel Pellaud (FSG Bassecourt) /
Yasmin Giger (LC Zürich) 3’30″63 en séries

 

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Photos : Screenshots TV (RTS Sports + Eurosport)

 

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