ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE PHILIPPE CLERC / ÉPISODE 11 | Au milieu des années '60, un athlète fort prometteur nommé Philippe Clerc débarque au Stade Lausanne. Très vite le jeune sprinter va progresser en autodidacte pour devenir l'un des cadors du sprint mondial de 1969 à 1972 ! ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle d'un athlète pris entre les deux feux de ses études de médecine et du top niveau mondial du sprint. Le onzième des quinze épisodes de cette biographie est consacré à la seconde partie de la saison 1971, avec la défense d'un titre européen du 200 m à Helsinki.

Lors du week-end des 24 et 25 juillet à Bâle, les championnats suisses sont pour Philippe Clerc une formidable opportunité pour se relancer complètement, ceci à un peu plus de deux semaines des championnats d’Europe d’Helsinki. On sait qu’il n’arrive pas à régler sa forme depuis plus d’un mois et demi, au point de se demander s’il ira finalement à Helsinki ? Cependant le Lausannois croit avoir découvert ce qui n’allait pas et il aimerait bien le prouver à tous les observateurs présents à la Schützenmatte. Rappelons aussi que cette compétition a toujours réussi à Clerc. En 1968, après un début de saison catastrophique, c’est justement aux championnats suisses qu’il avait repris le dessus en gagnant le 100 m en 10″3. Trois ans plus tard, on veut bien croire une nouvelle fois dans cette possibilité. D’ailleurs, le journal « Sport » ne titrait-il pas la veille : «Tous les sprinters aux trousses du champion d’Europe Clerc» ? Cet examen de passage débute par le 200 m et Clerc se teste d’entrée en éliminatoire et en demi-finale en tirant sur les 120 premiers mètres. Cette tactique a le don de mettre le Lausannois en confiance. En finale, à défaut de retrouver le Clerc souverain d’aisance de 1969, l’impression qu’il laisse est excellente. À la sortie du virage, il a déjà course gagnée et Marcel Kempf, qui joue pourtant sa sélection pour Helsinki, est déjà à deux mètres. Chronométré en 10″5 à mi-course, Philippe ne faiblit que très légèrement dans la dernière portion du parcours. 10″3 pour les derniers 100 mètres lancés, ça lui donne 20″8 à l’arrivée. Le test est passé avec mention et la préparation pour Helsinki peut être peaufinée en toute sérénité. Sa victoire sur Kempf est indiscutable. Malheureusement, l’autre favori de cette finale, Reto Diezi, n’a pas pu défendre ses chances. Trahis par des starting-blocks complètement inadaptés au tartan, le Zurichois est tombé presque dans sa mise en action et n’est jamais dans la course. Pareil incident se produit d’ailleurs lors du 100 m, mais heureusement en demi-finales. Dans la première course, très relevée avec Ugo Molo, Hansruedi Wiedmer, Marcel Kempf et Philippe Clerc, c’est cette fois le Lausannois qui sent ses blocs partir en arrière au moment du coup de pistolet. Il tombe sur la piste et ne cherche même pas à repartir. Furieux, il lance au loin sa paire de pointes et le starter rappelle les concurrents après 50 mètres, mais Kempf, Wiedmer et Molo ont couru jusqu’au bout. La décision des juges est alors rapide et équitable, ce qui empêche l’affaire de prendre de grandes proportions. Il est annoncé que la course serait recourue deux heures plus tard. Clerc est tenté de renoncer, estimant que Wiedmer et Kempf, deux candidats à la victoire, avaient été désavantagés, puisque ça les obligeaient à courir un 100 m supplémentaire. Mais le starter ayant rappelé, tardivement peut-être, mais rappelé tout de même, il fallait pourtant passer par une répétition de cette demi-finale. Tout se passe d’ailleurs fort bien et les favoris se qualifient tous sans exception. En finale, Clerc part bien – pour lui, cela signifie ne pas perdre de terrain sur ses rivaux dans les dix premiers mètres – et il domine assez nettement cette course, émergeant aux cinquante mètres pour battre Kempf et Diezi, comme au 200 m, en 10″7 mais avec 3,3 m/s de vent contraire ! La conclusion de ces épreuves de sprint tant attendue est donc claire, sans mauvais jeu de mots. Il a en tout cas prouvé qu’il n’est jamais meilleur que dans les courses à titre. Philippe Clerc est à nouveau le meilleur spécialiste helvétique et il paraît en mesure de faire quelque chose de convenable prochainement en Finlande.
Ces championnats nationaux de Bâle ont certainement été les plus beaux de l’histoire de l’athlétisme suisse. Pas moins de sept records suisses sont tombés et, surtout, Meta Antenen a démontré d’une manière incroyable qu’elle appartient au cercle des meilleures sauteuses en longueur mondiales de tous les temps. Son saut ahurissant mesuré à 6,81 m (+2,8 m/s) reste l’un des plus beaux exploits du sport suisse. Et quelque chose nous dit que le concours d’Helsinki assoira définitivement l’aura de cette fabuleuse athlète. Curieuse coïncidence : celui qui fut, avec Meta Antenen, la grande vedette suisse des derniers championnats d’Europe d’Athènes, Philippe Clerc a lui aussi été l’un des grands bonshommes de ces championnats suisses 1971. À un niveau plus modeste pour une fois.
La Fédération suisse sélectionne finalement 21 athlètes pour les championnats d’Europe d’Helsinki. Un camp d’entraînement a lieu à Macolin jusqu’au 3 août, puis la délégation s’envolera le 6 août à destination de la capitale scandinave. Lors de ce stage, Philippe Clerc ne s’est pas contenté de laisser une bonne impression aux observateurs. Il a voulu en savoir plus et connaître avec précision ses possibilités actuelles. Pour cela, il s’est imposé en fin de semaine deux tests sérieux sur 100 m et 200 m. Sérieux parce qu’il entendait s’y livrer totalement, sérieux aussi par l’organisation : le coach Armin Scheurer au pistolet et trois chronométreurs à l’arrivée. Sur 100 m, le sprinter du Stade Lausanne était seul en piste avec l’autre Lausannois André Marchand, un spécialiste du saut en longueur) et qui avait pour la circonstance 1,50 m d’avance au départ. Sans vraiment forcer, Clerc est chronométré en 10″5, avec un léger vent dans le dos. Sur 200 m, trois quarts d’heure plus tard, la concurrence est plus féroce avec en point de mire Reto Diezi, mais aussi le coureur de 400 m haies Heinz Hofer (STV Bern) avec une avance de sept mètres et enfin Marchand pour le tirer dans la dernière ligne droite. Clerc fait un très joli virage et sort de la courbe nette- ment devant Diezi et Hofer. Pointé en 10″5 à mi-course, il faiblit un peu sur la fin pour terminer en 20″9. Pour ceux qui connaissent Philippe Clerc, qui est plus une bête de concours qu’une machine à courir, ces deux tests peuvent être considérés comme concluants, même si le principal intéressé se montre un peu déçu de ses 20″9 : «Ma forme vient un peu tardivement et je sais qu’il me faudrait maintenant trois ou quatre semaines pour l’affûter, comme avant Athènes. Ce sera simplement plus difficile. En 1969, j’avais une marge de sécurité confortable sur mes adversaires. Depuis, le niveau moyen de la spécialité s’est élevé et moi, je suis un peu descendu». Philippe Clerc sait qu’il a commis une erreur d’entraînement en début de saison par rapport aux haltères. Il sait aussi qu’il a rectifié le tir un peu trop tard. Mais il ne s’affole pas et c’est avec beaucoup de sérénité qu’il aborde les prochains championnats d’Europe.

Les championnats d’Europe à Helsinki
Après l’excitation des championnats suisses de Bâle et le camp d’entraînement à Macolin, Philippe Clerc débarque le 6 août en Finlande. À Otaniemi, situé à une dizaine de kilomètres d’Helsinki, le lieu d’hébergement de la délégation suisse est tout à fait correct et personne ne manque de rien, même si Philippe aurait préféré avoir un temps un peu plus chaud.
Les dixièmes championnats d’Europe se déroulent du 10 au 15 août à Helsinki, au stade Olympique. En ce qui concerne le chronométrage, il convient de préciser qu’il est désormais bien plus évolué qu’auparavant, Athènes y compris. Entièrement électrique, il rend une différence de plus de deux dixièmes sur les chronos habituellement pris manuellement. Ainsi un temps de 10″5 manuel pris en Suisse vaut 10″74 électrique à Helsinki. Cette foire des chronos, surtout dans les sprints courts, commence d’ailleurs à faire sérieusement jazzer auprès des experts de l’athlétisme et la Fédération Internationale a vraiment intérêt réagir au plus vite pour remédier à ce problème.
Comme prévu, Philippe Clerc participe le mardi 10 août aux séries du 100 m. Quatre courses sont au programme et le règlement prévoit que les quatre premiers de chaque série se qualifient pour les demi-finales. Dans la première course, le vent est contraire (-1,6 m/s) et c’est le Français Dominique Chauvelot qui s’impose en 10″57 devant le Polonais Zenon Nowosz en 10″62. Le vent ne faiblit pas lors du deuxième départ (-1,3 m/s) et le Soviétique Valeriy Borzov, le champion d’Europe en titre, démontre une totale maîtrise de son sujet en roulant en 10″56. Le vent se calme pour la troisième course, ce qui permet aux sprinters de réaliser des chronos qui impressionnent : l’Allemand de l’Ouest Gerhard Wucherer s’impose en 10″33 devant le Français Gilles Échevin en 10″44, le Soviétique Alexandr Korneljuk en 10″44 et le Britannique Brian Green en 10″45. Dans l’ultime série, par vent nul, le Grec Vasilis Papageorgopoulos est le plus rapide en 10″46, l’Allemand de l’Est Siegfried Schenke, le vainqueur de l’Universiade en 1970 à Turin, suit en 10″56, le Tchécoslovaque Ludek Bohman se classe troisième en 10″69 et Philippe Clerc obtient sa qualification en courant en 10″71. Une fois de plus, il nous a fait trembler avec une mise en action catastrophique et il devait bien être sixième sur sept après trente mètres. Il s’est bien repris sur la fin, terminant très fort pour arracher une qualification qu’il doit aussi, il faut le dire très honnêtement, à la blessure du Français René Metz. «Mon problème, c’est que je manque actuellement de force dans les jambes et je n’arrive pas à me mettre en action aussi violemment qu’en 1969. Après, une fois lancé, tout va bien. Mais j’ai quarante premiers mètres difficiles, je ne le cache pas».
Les demi-finales ont lieu le 11 août en fin d’après-midi sous les yeux du Dr Paul Martin, qui fête ce jour-là ses 70 ans ! Philippe Clerc est engagé dans la première demi-finale. Son départ et sa mise en action sont identiques à ce qu’on a pu voir la veille. À deux mètres des meilleurs, il exécute son accélération habituelle, mais ses adversaires sont tout aussi rapides. Échevin l’emporte en 10″44 devant Papageorgopoulos en 10″51, Korneljuk en 10″52 en Schenke en 10″54, qui se qualifient tous pour la finale. Très proches, l’Italien Norberto Oliosi termine cinquième en 10″68, l’Allemand de l’Ouest Karlheinz Klotz sixième en 10″69 et Philippe Clerc septième en 10″70. L’impression qu’il avait laissé la veille en séries s’est reproduite lors de ces demi-finales. Son terrible manque de puissance au départ ne pardonne absolument pas à ce niveau de compétition. Du coup Clerc est un peu démoralisé après ses performances moyennes du 100 m. Dans la seconde demi-finale de ce 100 m, Borzov fuzze en 10″36 et laisse pantois Wucherer en 10″44, Nowosz en 10″56 et Chauvelot en 10″60. Le soir en finale, Valeriy Borzov conserve fort logiquement son titre européen en 10″27 (-1,3 m/s). Gehrard Wucherer décroche la médaille d’argent en 10″49 et Vasilis Papageorgopoulos se pare du bronze en 10″56.
Le 12 août, les séries du 200 m se déroulent en fin de matinée. Comme sur la ligne droite, il y a quatre courses au programme et les quatre premiers de chaque série se qualifient pour les demi-finales. Philippe Clerc n’est pas forcément serein; n’a-t-il pas affirmé après son 100 m qu’il n’avait pas progressé comme il l’espérait depuis les championnats suisses de Bâle ? «Sur 200 m, je peux faire 20″8 en courant en souplesse, mais je ne me vois pas tellement aller plus vite». Inquiétant car d’habitude il tient un autre langage… Le coup paraît pourtant jouable avec l’absence du Finlandais Raimo Vilen, blessé, et de Karlheinz Klotz. En revanche, Valeriy Borzov est bel et bien au départ. Dans la première série, l’Allemand de l’Ouest Franz-Peter Hofmeister remporte facilement la course en 20″95. Cinq minutes plus tard, Philippe Clerc se tient derrière ses starting-blocks, prêt à jouer l’une des partitions les plus importantes de sa carrière. Dans le camp suisse, personne n’est vraiment confiant. Quel Clerc allait-on voir sur la piste du stade Olympique ? « Le Clerc-obscure » ou « L’Éclair Clerc » ? À vrai dire, un peu des deux ! Le départ du Lausannois fait trembler ses supporters car il ressemble plus à celui d’un coureur de 10000 m que d’un sprinter. Heureusement il se reprend magnifiquement pour assurer sa qualification en 21″53 derrière le Soviétique Alexander Schidkich en 21″35 et le Français Charles Ducasse en 21″40, mais devant Ludek Bohman en 21″61 et le Belge Jean-Pierre Borlée en 21″68. Dans la troisième série, le Français Gérard Fenouil est bon en 21″14 et devance le jeune Italien Pietro Mennea en 21″20, Siegfried Schenke en 21″33 et, bonne surprise, Reto Diezi en 21″47. Enfin dans l’ultime course, Valeriy Borzov gagne en déroulant en 21″16.
Les deux demi-finales sont programmées le même jour en fin de journée. Dans la première, Borzov passe l’arrivée en tête en 20″86 en précédant Hofmeister en 20″93, le surprenant Schidkich en 21″04 et Schenke en 21″21. Classé septième de cette course, Reto Diezi a fait ce qu’on attendait de lui en 21″53. Dans une seconde demi-finale un peu moins terrifique, Philippe Clerc parvient à parfaitement gérer la situation et tire merveilleusement bien son épingle du jeu en exploitant ses atouts. Son virage tout d’abord qui le fait entrer dans la ligne droite derrière Fenouil et à égalité avec l’Allemand de l’Est Pfeifer. Malgré un mauvais passage entre 120 et 160 mètres, le Suisse se reprend en vue de l’arrivée où il est finalement pointé en troisième position en 21″25 derrière Fenouil en 21″15 et Mennea en 21″23, mais juste devant Pfeifer en 21″29. Bohman (21″37), Ducasse (21″40), Tschebykin (21″45) et Nowosz (21″56) passent quant à eux à la trappe. Ce très bon coup de la part du Lausannois fait qu’il va pouvoir défendre son titre qu’il décrocha il y a deux ans à Athènes. Bien sûr, il ne se fait aucune illusions sur ses chances de le conserver. Après sa qualification, il est même loin d’être content : «Ça ne va vraiment pas. 21″25 à la cravache, ce n’est guère brillant, même si personne ne fait de bons temps en sprint ici à Helsinki». En fait Clerc ne pardonne toujours pas ses erreurs d’entraînement et se rend compte que s’il était dans la forme d’Athènes, il pourrait non seulement tourner autour de tous ses adversaires avec lesquels il a combattu en demi-finales, mais qu’il serait en mesure de disputer la victoire à Borzov qui, après son facile succès au 100 m, a décidé de tenter le doublé. Philippe Clerc ne sait pas très bien, en vérité, où il en est. Un jour, il croit qu’il manque de force. Le lendemain, il trouve que c’est sa technique qui est en cause. Il lui a manqué finalement trois bonnes semaines pour régler sa forme. Pourtant il est en maintenant en finale et cette bonne nouvelle pèse aussi très lourd dans la balance du côté positif.
Cette finale du 200 m des championnats d’Europe se dispute le 13 août à 17:45. Philippe Clerc est idéalement placé au couloir 5, entre Borzov et Hofmeister. S’il rate la locomotive allemande, il pourra au moins prendre le train soviétique au passage. Cette configuration lui redonne l’espoir de décrocher une petite médaille de bronze. Revoilà le Clerc qu’on aime entendre… Les faits vont prouver qu’il n’avait peut-être pas tout à fait tort, même s’il va finalement échouer de peu, de très très peu. L’impression de son départ un peu faiblard est faussée par la mise en action phénoménale de Borzov, qui refait immédiatement son décalage sur celui qui est encore, pour vingt secondes, le champion d’Europe en titre. Alors que le Soviétique s’envole dans la ligne droite, derrière la bataille est âpre entre les Allemands Pfeifer, Hofmeister et Schenke. La seconde vague concerne Mennea, Schidkich, Fenouil et Clerc qui est certes dernier, mais toujours au contact. Le Suisse doit maintenant sortir la ligne droite la plus efficace de sa carrière s’il entend s’approprier une place sur le podium. Son accélération est bien visible et on se met soudain à croire que l’impensable pourrait se réaliser, tant son retard fond sur les Allemands. Malheureusement le maillot blanc de Hofmeister et ceux en bleu de Pfeifer et de Schenke restent devant lui. Philippe Clerc échoue donc au cinquième rang en 20″86, à quinze et quatorze centièmes des médailles d’argent et de bronze. Sa prestation dans ce rush final a été impressionnante et elle permet de laisser derrière des athlètes de la trempe de Mennea (20″88), Fenouil (20″92) et Schidkich (21″23).
Après avoir porté pendant deux ans le titre de champion d’Europe du 200 m, le Lausannois a l’honneur de céder sa couronne à celui qui pourrait bien dominer le sprint mondial pendant ces prochaines années : Valeriy Borzov, qui s’impose en 20″31. Franz-Peter Hofmeister est son dauphin en 20″71 et Jörg Pfeifer se défait de son compatriote Siegfried Schenke en 20″72 contre 20″74.
À l’heure de livrer ses impressions, Philippe Clerc se montre évidemment déçu : «Cinquième, c’est vraiment mauvais. Une saison de perdue». On peut comprendre son attitude car ce n’est pas de gaité de cœur que l’on perd un titre de champion d’Europe. Surtout lorsqu’on ne s’est jamais contenté d’accessits. Pourtant, si on veut bien analyser objectivement les faits, en tenant compte des événements qui ont précédé cette finale du 200 m, on ne peut pas se montrer déçu par la cinquième place décrochée par le sprinter lausannois. Tant s’en faut. Après ses deux courses du 100 m et les éliminatoires du 200 m, on était déjà fort heureux de le voir accéder à la finale.

Pourquoi ferait-on aujourd’hui la fine bouche pour une cinquième place ? Bien sûr, on pourra toujours regretter que Philippe Clerc n’ait pas réussi son départ et qu’il se soit immédiatement fait remonter par Borzov. Mais le reste de sa course, notamment son excellente sortie de virage, permet de dire que Philippe est loin d’être au bout de ses possibilités. Ses qualités intrinsèques sont toujours intactes. Son recul par rapport à Athènes 1969 ne peut pas être comparé, par exemple, à celui de Colette Besson. La Française paraît à bout de souffle. Clerc, au contraire, est indiscutablement aussi rapide qu’il y a deux ans, mais seulement sur des fractions de parcours. Ceux qui n’acceptent que les jugements à l’emporte-pièce pourront dire péremptoirement qu’un 200 m dure 200 m et qu’il est bien vain d’être le meilleur entre 80 et 120 mètres si c’est pour finir cinquième. Mais l’athlétisme, à ce niveau, est affaire de nuances. Et lorsqu’on a raté l’essentiel, c’est elles qu’il faut savoir interpréter. Non pas pour trouver des excuses, mais bien pour en tirer des conclusions pour le futur. Il ne s’agit donc pas de dire que Clerc aurait battu Borzov l’imbattable, si… Il est cependant important, dans l’optique des Jeux Olympiques de Munich, de constater que Philippe, s’il manque terriblement de puissance lors de sa mise en action, si son départ, techniquement peut-être, n’est plus ce qu’il était, n’en a pas pour autant perdu sa vitesse de base. Quand il lui est demandé si sa cinquième place est un encouragement à mieux préparer les Jeux Olympiques de Munich, il répond : «Je n’ai pas du tout l’intention d’abandonner. Au contraire, je tirerai les enseignements de cette saison et j’espère pouvoir aller en stage aux États-Unis afin de trouver les meilleures conditions d’entraînement possibles». Clerc sait donc où il doit aller pour progresser, suivant ainsi le conseil de Jean-Louis Ravelomanantsoa qui lui a dit en juin dernier : «Pour devenir un sprinter de calibre mondial, il faut aller se frotter aux Yankees chez eux». La méthode doit être bonne, même si Borzov est en train de prouver que l’on peut battre les Américains tout en restant à Kiev. Clerc songe aussi à trouver une salle pour entraîner ses départs cet hiver. Bref, tout est reparti pour Philippe Clerc. Helsinki n’était qu’une étape sur la route qui devrait normalement l’amener à Munich en septembre 1972.
Le 3 septembre, comme pour prendre la température olympique, six cents athlètes participent au Mémorial Hans Braun à Munich. Il s’agit là d’une véritable pré-olympiade. Philippe Clerc prend part d’abord au 200 m où il réussit 21″6 en séries, puis un bon 20″9 électrique en demi-finales. La finale, courue en 21″5 pour une septième place, n’a pas été au niveau. Pas plus que son 100 m du lendemain, qu’il court dans le temps presque inavouable de 11″0.
La fin de saison de Philippe Clerc se passe sans relief. Le 15 septembre à Vidy, il court un 100 m en 10″6, mais avec un fort vent dans le dos. En fin de semaine, l’équipe nationale d’athlétisme s’envole pour Graz afin d’y affronter l’Autriche. Cette expédition va servir de voyage de réconciliation, puisque c’est le 4 décembre prochain à Berne que les deux fédérations (F.S.A.A. et A.F.A.L.) fusionneront enfin, en prenant d’un commun accord le nom de Fédération Suisse d’Athlétisme (F.S.A.). Pour Philippe Clerc, ce match est marqué par deux défaites face à Reto Diezi. Le Zurichois gagne sur 100 m en 10″5 contre 10″6 et le 200 m en 21″4 contre 22″0.

PAB

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