ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE PHILIPPE CLERC / ÉPISODE 10 | Au milieu des années '60, un athlète fort prometteur nommé Philippe Clerc débarque au Stade Lausanne. Très vite le jeune sprinter va progresser en autodidacte pour devenir l'un des cadors du sprint mondial de 1969 à 1972 ! ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle d'un athlète pris entre les deux feux de ses études de médecine et du top niveau mondial du sprint. Le dixième des quinze épisodes de cette biographie est consacré à la première partie de la saison 1971, qui voit Philippe Clerc à nouveau plongé dans le doute.

Après une saison 1970 dite de transition car dénuée de toute grande compétition internationale, on débute en 1971 un premier cycle très important en vue des Jeux Olympiques de Munich. Avec les championnats d’Europe à Helsinki en août prochain, il y a de quoi motiver plus d’un athlète. Au niveau de l’athlétisme suisse, ce sera toutefois sans son lanceur vedette Edy Hubacher, qui a été victime d’un accident de bobsleigh et qui sera vraisemblablement out pour toute la saison. Quant au sauteur en hauteur Michel Portman, il va quitter la Suisse en cours de saison, pour aller vivre au Canada. Les meilleurs atouts helvétiques reposeront une fois de plus sur les épaules de Meta Antenen et de Philippe Clerc, désormais de retour dans son club le Stade Lausanne.
Lorsqu’on voit que deux saisons de suite vont être de toute première importance, on a tout de suite une pensée sur une sorte de mythe concernant Philippe Clerc. En effet, on sait qu’il peut courir de manière vraiment efficace qu’une année sur deux, les années impaires. Du coup on est très content en vue d’Helsinki, mais un peu moins pour Munich… On peut donc facilement résumer sa carrière, sur la base d’un tel schéma :
– 1967, une bonne année : Clerc se révèle à l’échelon national en égalant les records suisses du 100 m (10″3) et surtout du 200 m (20″7), un record prestigieux que détenait Peter Laeng.
– 1968 : une mauvaise année : Son début de saison est catastrophique et on le voit plus flirter avec les 11″0 au 100 m. Malgré un retour en forme tardif (10″3 et une victoire aux championnats suisses), il rate sa qualification pour les Jeux Olympiques de Mexico.
– 1969, une bonne année : Il débute sur les chapeaux de roue par un 10″3 réalisé à la fin mai sur la vieille cendrée de Vidy. Peu après il confirme à Zurich en réussissant 10″1 sur 100 m (avec l’aide d’un vent trop fort) et 20″6 sur 200 m dans des conditions régulières. Puis c’est la lumineuse soirée du 4 juillet. Clerc est tout d’abord crédité de 10″2 sur 100 m. C’est – véritable exception pour le Letzigrund – assez mal payé. Avec un temps électrique moins bon de quelques centièmes de seconde, le Sud-Africain avait été, douze mois plus tôt, récompensé par un 10″0. Peu importe. Clerc n’est pas satisfait et il se déchaîne dans le 200 m. Le départ est à peine donné que toute la tribune, le voyant distancer le Trinitéen Roberts, se lève comme un seul homme et scande son nom. Verdict des chronométreurs : 20″3, record d’Europe ! Le chronométrage électrique (20″50) authentifie l’exploit. Clerc est ensuite sélectionné dans l’équipe d’Europe qui affronte les USA à Stuttgart et le voilà projeté favori du 200 m des championnats d’Europe d’Athènes. Si à Stuttgart il multiple les erreurs techniques et s’incline face à Carlos et Vaughn, à Athènes c’est presque le triomphe total avec une médaille de bronze sur 100 et l’or sur 200 m.
– 1970, une mauvaise année : Il réussit quelques bonnes performances (10″2 et 20″8), mais manque de régularité. Il est battu par Fenouil et Reynolds lors de la demi-finale de la Coupe d’Europe à Zurich. Enfin à Turin, il termine dernier de la finale du 100 m des Universiades, après avoir été impressionnant dans la première éliminatoire deux jours plus tôt.
L’alternance, troublante, est jusqu’ici remarquablement respectée et on peut effectivement se demander comment Philippe Clerc va faire pour briller deux saisons de suite ? Cette question, l’intéressé principal ne se la pose pas. Pour lui, les zones d’ombres et de lumière ne se départagent tout d’abord pas aussi régulièrement, tous les douze mois que fait le calendrier. En fait, en poussant très loin l’analyse, on pourrait même trouver quelques règles d’alternance à l’intérieur même d’une saison. 1968 et 1970 eurent leurs exploits. Et 1969, sa grande saison, ses quelques fausses notes; qui ne se rappelle du match France – Suisse à Pulversheim, où Clerc se fit battre nettement par les Tricolores ? Voilà qui détruit un peu le mythe. Mais ce n’est pas encore suffisant pour nous convaincre. Ce qui pousse Clerc à ne pas se faire de soucis à la veille des deux échéances qui l’attendent, c’est qu’il sait très bien pourquoi il n’a pas marché en 1968 et en 1970. Et il sait aussi pourquoi il fut irrésistible en 1969. Vous allez voir que tout cela n’a qu’un lointain et fortuit rapport avec la numérotation paire ou impaire des années : «En 1968, j’avais décidé de devenir mon propre maître et de diriger seul mon entraînement, selon mes principes. Je manquais bien sûr d’expérience dans le domaine et j’ai perdu quelques précieux mois avant de me sentir, comme l’on dit. C’était alors trop tard pour décrocher mon billet pour Mexico. En 1970, les raisons de mon manque de régularité sont d’un autre ordre. C’était une saison sans grand rendez-vous et je n’ai fait de l’athlétisme que pour garder le rythme de la compétition. Ce ne fut pas une saison inutile pour moi. J’ai souvent dû, pour réaliser de bonnes performances, la mettre en quelque sorte à l’épreuve». Ce que Philippe ne dit pas, c’est qu’en fait tout tourne autour du mot « motivation ». Clerc, plus que tout autre sportif, ne se prépare sérieusement que s’il voit poindre à l’horizon un objectif tentant. En 1970, la demi-finale de la Coupe d’Europe et les Universiades de Turin ne l’étaient pas vraiment à ses yeux. Il en va bien évidemment autrement des championnats d’Europe d’Helsinki et des Jeux Olympiques de Munich : «Au cours de l’hiver, je me suis bien entraîné, aussi bien qu’avant la saison 1969. Mieux peut-être. Plus systématiquement, en faisant ce que j’aime, mais aussi ce qui me plaît moins. J’ai travaillé très sérieusement ma condition générale par le footing et l’entraînement par intervalle. Avec cette préparation, je crois que je peux être en forme à n’importe quelle période de l’année et le fait que les championnats d’Europe aient lieu cette année très tôt, du 10 au 15 août, ne me gêne pas. Helsinki constitue pour moi un but. C’est quelque chose à gagner. Mais ce sera aussi, par la force des choses, une étape avant Munich. À Helsinki, Philippe Clerc va bien sûr essayer de faire mieux encore qu’à Athènes et il visera les titres du 100 m et du 200 m. Chronométriquement parlant, il ne veut pas se fixer de but précis : «Ce qui importe, c’est d’améliorer sa moyenne générale, de devenir régulier à 10″3-10″4. En Suisse, où la concurrence n’est pas toujours redoutable, ce n’est déjà pas si mal. Sur 200 m, j’aimerais cette saison aligner plusieurs résultats égaux ou inférieurs à 20″6. Les records ? En sprint, on ne peut les annoncer à l’avance. Ils dépendent tellement des conditions atmosphériques, de la qualité de la piste, des chronométreurs…». À Munich, il doublera aussi 100 m et 200 m : «Le programme s’y prête. Les deux premiers jours, il y a quatre courses du 100 m. Puis un jour de repos et les quatre courses du 200 m également réparties en deux journées». Entretemps, il s’attaquera à son final de médecine, qu’il terminera en juin 1972. Quand on connaît le bonhomme, ce n’est finalement pas un programme si démentiel et au-dessus de ses forces !

Un début de saison satisfaisant
Après le stage de Pâques durant une semaine du côté de Macolin, Philippe Clerc débute sa saison le 17 avril au stade Olympique de la Pontaise à Lausanne. Son entrée en scène est marquée par un départ complétement manqué sur 100 m, mais sa classe lui permet de remonter facilement ses adversaires et de l’emporter en 10″8. La semaine suivante, il retourne le 24 avril à Wallisellen, dont la piste en tartan est jugée très rapide. Ce jour-là, un vent violent souffle sur la région zurichoise, ce qui pousse Philippe Clerc à une vitesse exceptionnelle pour un mois d’avril. Il est chronométré en 10″3 (+4,7 m/s), mais cette performance ne pourra bien sûr pas être homologuée. Il n’empêche que c’est tout de même une performance de choix et Clerc en est satisfait : «J’estime que c’est une bonne performance car les conditions étaient loin d’être excellentes. Il faisait en effet très froid et le vent, qui soufflait de biais, ne m’a pas aidé autant qu’on pourrait le croire. Il soufflait par rafales et il m’a plutôt bousculé sur la piste. Mon départ a été bon, et j’ai immédia-tement trouvé le bon rythme. Je pense que je dois valoir dès maintenant 10″3 dans des conditions régulières, sans vent, mais par beau temps». Le Lausannois retourne le 1er mai à Wallisellen et il tient une nouvelle fois la vedette en courant son 100 m en 10″4, cette fois-ci dans des conditions parfaitement régulières (+0,2 m/s). Cette performance est d’autant plus probante que Philippe Clerc, après avoir donné le meilleur de lui-même dans sa mise en action, prenant ainsi deux bons mètres à tous ses adversaires avec une étonnante facilité, n’a pas semblé forcer à partir de la mi-course. Le sprinter du Stade Lausanne avoue d’ailleurs ne pas avoir tiré sur la fin et pense pouvoir courir 10″2 dès maintenant.
Le 8 mai, il doit prendre part à la journée d’entraînement et de contrôle des cadres suisses de sprint à Macolin. Clerc s’est bien sûr imposé sur 100 m en 10″5. Il a battu un autre athlète du Stade Lausanne, Gérald Dambach, crédité de 10″7, alors que Hans Brunner, Peter Hoelzle, Bruno Hiestand et Hansruedi Wiedmer ont terminé sur la même ligne en 10″8. Une semaine plus tard, le 15 mai à Zurich, Philippe Clerc est à nouveau chronométré en 10″5 sur 100 m, mais aussi en 21″3 sur 200 m. Le week-end de Pentecôte, il traverse la partie ouest de l’Allemagne pour aller courir le 29 mai à Trèves, où il remporte la victoire tant sur 100 m en 10″4, que sur 200 m en 21″2. Deux jours plus tard, il se trouve à Rehlingen pour deux nouveaux succès en 10″6 et en 21″6. Après une dure semaine d’entraînement, un nouveau passage obligé avec les meilleurs sprinters suisses se déroule le 5 juin à Zurich. Étonnamment Marius Theiler, le chef de ces cadres nationaux de sprint, est absent. C’est Reto Diezi en personne qui organise le tout, annonçant les courses au micro, formant les séries, courant de gauche et de droite. Avec un vent qui souffle violemment dans le faux sens, il n’en fallait pas plus pour démotiver Philippe Clerc. Le Lausannois, qui joue toujours le jeu de la Fédération, court son 100 m en 10″8 (-5,6 m/s) et son 200 m en 21″4 (-0,8 m/s).

Philippe Clerc gamberge après un double échec à Paris
Le meeting Mémorial Bonnenfant du 9 juin à Paris est censé donner une image grandeur nature par rapport à la forme de Philippe Clerc, ceci à neuf semaines d’Helsinki. Le Lausannois s’était préparé pour cette occasion. Malheureusement face à des concurrents de toute première valeur, comme l’Ivoirien Gaoussou Koné ou les Français Alain Sarteur et Patrick Bourbeillon, Clerc ne s’est pas montré plus à l’aise que samedi dernier au Letzigrund où il se fit battre par Marcel Kempf (LC Zürich). À Charléty, il termine cinquième de sa série sur 100 m en 10″8, ne se qualifiant même pas pour la petite finale. Cet échec est indiscutablement sévère, cela d’autant plus qu’il est encore à l’ouvrage sur 200 m pour terminer cinquième en 21″8. Mais tout n’est pas irrémédiable car ce déplacement a le mérite de le situer vraiment dans la hiérarchie actuelle et de lui montrer qu’il y a indéniablement du travail sur la planche. Il parle de se mesurer à Valeriy Borzov à Helsinki, mais pour l’instant il est très loin de pouvoir inquiéter le Soviétique, qui sera très fort en Finlande. Le soir à l’hôtel, Philippe Clerc est allongé sur son lit, toujours en training. Il se confie à son ami Michel Busset, qui le laisse parler, quitte à entendre quelques bêtises de temps en temps : «Non, c’est pas vrai. Me faire battre par Jean-Claude Nallet, alors qu’il avait disputé un 400 m une heure avant. Tu te rends compte ? Il y a deux ans, je l’avais battu ici même à Charléty en 20″7; aujourd’hui je suis cinquième en 21″8… Pas de jus, jamais dans le coup, un Pulversheim puissance 10. J’aurais mieux fait d’arrêter après Athènes. Depuis, je n’ai rien fait de bon. Et mes limites pour Helsinki, je ne les ai pas encore». Un vent de défaitisme souffle dans la chambre. Au réveil, Philippe Clerc n’a pas oublié son échec de la veille. Il en est touché, mais pas marqué. Une défaite appelle une revanche, mais pour la gagner, il faut d’abord déterminer les causes de cette défaite. Et c’est là que ça coince. Dans le TEE qui le ramène à Lausanne, il continue son analyse à haute voix : «Je ne sais pas ce qui se passe. Au début de la saison, j’étais bien. J’aurais déjà pu décrocher ma qualification pour Helsinki, avec un peu de chance. En Allemagne, les 10″4 que j’ai obtenu en battant Eckart Brieger valaient certainement un honnête 10″3, au vu des conditions de piste. Mais cette qualification, je lui cours toujours après. Alors que Brieger et Hofmeister, que j’ai également battu, ont réalisé 10″2 et 20″8 le week-end dernier, moi je suis sur la pente inverse : je me retrouve à 10″8 et à 21″8; c’est le monde à l’envers. Dans le 200 m d’hier soir, je me suis bien senti lors de la mise en action. Je n’ai presque rien concédé à Nallet dans les cinquante premiers mètres. Mais dès qu’il me faut tirer sur ma foulée, je manque de puissance. Et les autres s’envolent. Je crois que c’est comme en 1968, c’est un problème de poids et haltères. Avant Athènes, je soulevais régulièrement 220 kg à la presse. La semaine dernière, je peinais pour décoller 190 kg. Sur ce point précis, je dois rectifier le tir». Après cette séance de self-psychanalyse, Clerc ne parle plus tellement d’arrêter. Il a dit qu’il irait jusqu’à Munich; on préfère entendre ça ! à peine arrivé à Lausanne, il dit à Busset : «Tu viens ? Je descends à Vidy. Il faut que je m’entraîne. Il n’y a pas de temps à perdre». Les deux compères arrivent au stade et là, une poignée d’athlètes viennent vers lui en l’abreuvant de questions. Cette absence de barrière entre un champion et la base d’un club est superbe à voir. Ils veulent savoir. Savoir pourquoi leur modèle a été si mauvais à Paris. Les plus jeunes écoutent sans rien dire, alors que les plus matures lui diront : «Ce n’est rien, Philippe; ça peut arriver dans une carrière». Touchant ! À Vidy, Clerc est à nouveau sur son orbite. Charléty n’est plus qu’un mauvais souvenir. Mauvais peut-être, mais souvenir tout de même. Il se met ensuite au travail : long échauffement, quelques départs, des haltères, tout ça en espérant pouvoir rectifier rapidement le tir : «Dimanche à l’interclubs, je dois faire 10″5. Et dans dix jours à Bruxelles au match des Six Nations, 10″3».
Le 13 juin il se rend à Macolin avec la ferme intention de tranquilliser son entourage après ses contre-performances de Paris, mais surtout se rassurer lui-même. Il y est parvenu qu’à moitié en courant en 10″5 sur 100 m et en 21″5 sur 200 m. Il reste encore passablement éloigné des limites de qualification pour Helsinki. Mais il a fait, par son allure générale et sur 100 m surtout, bonne impression. En redoublant les compétitions qui sont chez lui un élément de forme prépondérant, il ne devrait pas tarder à les obtenir.

«Je suis surpris d’être aussi mauvais à cette période de l’année !»
Le week-end des 19 et 20 juin, on espère que le contexte du stade du Heysel à Bruxelles soit un élément de déclic pour Philippe Clerc lors du match des Six Nations. L’ambiance est excellente au sein de l’équipe suisse et les entraîneurs sont confiants. Ils se rappellent surtout que l’équipe suisse avait brillamment remporté cette compétition en 1969 à Madrid. Sur le terrain toutefois, les choses ont pris un tout autre visage. Dès la deuxième épreuve, le 100 m, Philippe Clerc réalise une course désastreuse en manquant son départ. Dernier après quarante mètres, cinquième à l’arrivée en 10″7, il ne pouvait pas arriver pire scénario. Après cette course et un relais tout aussi mauvais, Philippe Clerc se confie à nouveau dans des mots défaitistes : «Je n’y comprends rien, rien ne répond plus. Et portant en début de saison, je me sentais vraiment bien. Je ne suis pas affaibli physiquement, je n’ai mal nulle part, mais je n’avance plus. Je suis vraiment perplexe et ne sais plus que faire. De toute façon, je ne courrai pas le 200 m dimanche. Cela ne sert à rien. Je vais essayer de me reposer un peu». Armin Scheurer, le coach de l’équipe approuve la décision de son sprinter vedette et fera courir Hansruedi Wiedmer à sa place. Ce nouveau revers est aussi triste qu’incompréhensible. A-t-il trop relâché son entraînement il y a quelques semaines lorsqu’il sentait les bonnes performances à la portée immédiate de ses pointes ? Ou paie-t-il au contraire les dures séances de ces derniers jours ? Face à ce manque de jus et de puissance, une seule solution s’offre à lui. Celle de reprendre le problème par la base et de s’entraîner sérieusement durant les prochains jours, quitte à sacrifier une ou deux compétitions. C’est ce qu’il a décidé de faire et il ne se rendra pas dimanche prochain pour y disputer le Mémorial Méricamp. Sur la base de son entraînement hivernal et de son acquis, cela devrait lui permettre de revenir au premier plan. On sera fixé dans une quinzaine de jours. Mais son cas ne laisse pas d’être inquiétant car il se dit surpris d’être si mauvais à cette période de l’année !
Décidément, Philippe Clerc, qu’il le veuille ou non, reste à la une des préoccupations. Ayant sagement renoncé à se rendre à Paris, le Lausannois a décidé de courir aux championnats romands à Genève. Problème : il n’est pas inscrit ! Les organisateurs, et c’est bien normal, refusent de le laisser courir sous leur propre responsabilité, ceci en pensant aux clubs qu’ils ont déboutés pour inscription tardive. En fait, le problème devrait être facile à résoudre car Philippe Clerc fait partie des cadres nationaux et donc il dépend directement de la Fédération. Celle-ci possède à priori un droit de regard sur ses athlètes. C’est donc à la Fédération de s’engager par écrit, en couvrant ainsi le Stade Genève, que Clerc puisse courir. De son côté, Roger Steger (le chef technique de la Fédération) promet d’envoyer un télégramme au Stade Genève afin d’arranger l’affaire. Ce sera chose faite rapidement et le Lausannois peut donc passer son week-end des 26 et 27 juin à Champel pour courir, hors concours, sur 100 m et 200 m. Cinq courses sont prévues à son programme et son tableau de chasse va être le suivant : 11″0 en séries du 100 m, puis 10″8 en demi-finales et 10″7 en finale. Quant au 200 m, il a tiré un joli 20″9 (+3,5 m/s) en séries et un satisfaisant 21″3 en finale. On le voit, Philippe Clerc s’en est sorti à son avantage, au point que certains disent qui est déjà en train de voir le bout du tunnel. En réalité, le Lausannois a encore beaucoup de travail devant lui, il ne faut pas le dissimuler. Mais il est sur la bonne voie; pas encore express, mais il en prend le chemin. Va-t-il en avoir le temps avant Helsinki ?

Une performance bienvenue sur 200 m
Le 30 juin, soit six semaines avant les championnats d’Europe, Philippe Clerc se rend justement à Helsinki pour participer aux Jeux mondiaux. La piste en tartan du stade Olympique semble être de bonne qualité; c’est tout cas ce qu’on peut en déduire, suite à la très belle prestation du (toujours) champion d’Europe lors d’un 200 m couru en 20″8, ce qui constitue la meilleure performance suisse de la saison et surtout la limite pour les championnats d’Europe. C’est une bonne chose, même s’il y a gros à parier que la Fédération suisse l’aurait de toute manière autorisé à aller défendre son titre européen en août prochain à Helsinki. C’est surtout une bonne chose sur le plan psychologique. Maintenant, Philippe Clerc va pouvoir se préparer en toute tranquillité, sans avoir à courir les meetings pour décrocher sa qualification. Les 20″8 de ce soir lui prouvent aussi que le travail qu’il s’est imposé depuis une quinzaine de jours est en train de porter ses fruits. Sans être au septième ciel, le sprinter du Stade Lausanne est en tout cas satisfait de sa performance : «En éliminatoire, je me suis senti vraiment bien car j’ai réussi 21″2 en déroulant. Je pensais être en mesure de faire 20″6 en finale. Mais il faisait diablement froid et je n’y suis pas parvenu». Le lendemain pour le 100 m, le Malgache Jean-Louis Ravelomanantsoa est le plus rapide avec un superbe 10″0. Classé au pied du podium, Fabrizio Pusterla est crédité de 10″6 et Philippe Clerc pointe juste derrière en 10″7. Pour le Tessinois, dont le début de saison a été contrarié par une opération de l’appendicite, c’est une performance satisfaisante, même s’il n’a pas réussi à rééditer ses excellents 10″4 des éliminatoires. En revanche on attendait franchement mieux du Vaudois, qui avouait ne pas être capable d’être bon deux jours de suite. Sa longue et sinueuse route continue de plus belle et ce n’est pas le match Suisse vs France des 10 et 11 juillet à Genève qui va la rendre plus agréable. Sur 100 m, Philippe Clerc termine sixième en 10″9, alors qu’avec ses 21″0 sur 200 m, il se fait épingler par Reto Diezi qui obtient un excellent 20″8. Le Lausannois n’est pas hors de condition, mais sa forme est de plus en plus claire-obscure ! Malgré tout, il n’est pas irrité. Il prend les choses en philosophe : «Sur 100 m, j’avais des jambes de plomb. Sur 200 m, c’était la même chose. Toutefois, parce que je possède une certaine technique à la sortie du virage, je suis arrivé à y obtenir un chrono valable : 21″0, cela me classe tout de même parmi les quinze meilleurs européens. Mais avec 10″9, je ne sais pas si je suis dans le groupe des quinze meilleurs suisses !».

Valeriy Borzov dépossède Philippe Clerc de son record d’Europe du 200 m
En 1969 à Athènes, le Soviétique Valeriy Borzov, vainqueur du 100 m, et le Vaudois Philippe Clerc, royal premier du 200 m, s’affirmaient comme étant les deux meilleurs sprinters du continent. Il s’en est fallu même d’un rien, d’une mauvaise mise en action ou d’un faux-départ de Gérard Fenouil, pour que Clerc ne renverse tout sur son passage et enlève les deux titres européens de vitesse pure. Le journaliste français Guy Lagorce, qui en connaît un bout sur le sprint puisqu’il fit partie de l’équipe de France du 4 x 100 m, avait alors dit : «Ici à Athènes, il y a toute une bande de bons sprinters. Et puis il y a Clerc, largement au-dessus». Comment les choses ont-elles évolué depuis ? L’étoile de Borzov n’a cessé de grandir. Il a battu par deux fois les spécialistes américains. Il s’est montré souvent à l’étranger, et rarement à son désavantage. Et voilà qu’en ce 18 juillet à Moscou lors des Spartakiades, il a étendu son règne en s’adjugeant le record d’Europe que détenait Clerc en réalisant 20″2, à quatre dixièmes du record du monde. Pendant ce temps-là, Philippe Clerc, lui, a accumulé les bonnes et, surtout, les mauvaises performances. Depuis un bon mois, il se bat même farouchement avec une forme si capricieuse qu’il ne parvient pas à la domestiquer. Comble de l’ironie, alors même que Borzov le détrônait, Philippe courait un 200 m à Vidy dans le cadre d’un essai du Stade Lausanne pour le championnat suisse interclubs. Il fut chronométré en 24″0 ! Lorsqu’il a appris qu’il n’était plus qu’ex-recordman d’Europe, il ne parut pas trop surpris : «Ce qui m’embête, ce n’est pas d’avoir perdu mon record. Un record, c’est fait pour être battu. Mais c’est ma forme qui m’inquiète». L’heure est maintenant à la réaction, mais c’est un difficile combat dans lequel il doit s’engager. Pour Helsinki, le temps semble être compté et il n’est pas sûr qu’il accepte sa sélection. Mais il y a ensuite Munich. Le combat sera rude, mais il est à la mesure du talent et de l’orgueil du bonhomme. Alors, rien n’est perdu…

PAB

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Philippe Clerc

TitreSaisonThèmeSitePDF
Accueil1961-1975Philippe Clerc, sur la voie express
Episode 11961-1965Les années jeunesse
Episode 21966Avènement au niveau national
Episode 31967Comme un albatros sur le Léman
Episode 41967Un prestigieux record suisse égalé
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Episode 91970Une année de transition
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