ATHLE.ch VINTAGE | BIOGRAPHIE PHILIPPE CLERC / ÉPISODE 9 | Au milieu des années '60, un athlète fort prometteur nommé Philippe Clerc débarque au Stade Lausanne. Très vite le jeune sprinter va progresser en autodidacte pour devenir l'un des cadors du sprint mondial de 1969 à 1972 ! ATHLE.ch «VINTAGE propose de revivre la carrière exceptionnelle d'un athlète pris entre les deux feux de ses études de médecine et du top niveau mondial du sprint. Le neuvième des quinze épisodes de cette biographie est consacré à la saison 1970, qui permet à Philippe Clerc de bien gérer une année de transition.

Sans grandes manifestations internationales, la saison 1970 est considérée par tous comme étant une année de transition. Un laps de temps finalement bienvenu pour préparer sereinement les deux prochains grands rendez-vous : les championnats d’Europe en 1971 à Helsinki et les Jeux Olympiques en 1972 à Munich. Philippe Clerc, l’une des deux stars de l’athlétisme suisse avec Meta Antenen, reste fidèle à ses principes de préparation durant l’hiver, ceux qui lui ont permis de réaliser une saison 1969 ahurissante. Le problème est que nous sommes maintenant en 1970 et que le grand public va attendre beaucoup plus de lui; voilà un aspect qui n’était absolument pas d’actualité lors des six premiers mois de l’année passée.
Le 14 mars se déroulent à Vienne les premiers championnats d’Europe en salle officiels. Qualifié pour cette compétition, Philippe Clerc se déplace dans la capitale autrichienne sans se bercer d’illusion quant au sort qui l’attend là-bas. Ce n’est en effet un secret pour personne, le Lausannois n’a jamais réalisé de grandes performances en salle. Son royaume commence et s’arrête tout simplement à la piste. La raison en est simple : il n’a que rarement l’occasion de participer à des meetings indoor qui demandent une certaine adaptation puisque les sprinters s’y affrontent entre 50 m et 60 m : «Sur le plan de la force et de la souplesse, je suis au point. Mais il me manque le rythme de la compétition et c’est diablement important sur ces distances aussi courtes. Je n’ai pas pu m’entraîner en plein air à cause de la neige et les salles de gymnastique ne sont pas assez longues pour y faire du travail vraiment efficace». L’an dernier à Belgrade, il avait réalisé 6″1 sur 50 m. À Berlin, dernièrement, il s’est vu crédité de 6″4 sur 55 m, ce qui correspond à 5″9-6″0 sur 50 m; il est donc en progrès par rapport à 1969, mais il reste tout de même assez loin des meilleurs spécialistes. Pour comparer, le Polonais Zenon Nowosz a gagné à Berlin en 6″0 sur 55 m. Dans la Ferry-Dusika-Halle de Vienne, Philippe Clerc court son 60 m en 6″9 lors des séries et passe en demi-finales, où malheureusement il sera victime de deux faux-départs !

Philippe Clerc passe sur le gril à la Télévision Romande
Un peu avant le début de la nouvelle saison, la Télévision Romande consacre son émission « Caméra-Sport » du 18 avril à Philippe Clerc. C’est la seconde fois après l’émission « Avant-première sportive » du 21 avril 1967 que le sprinter Lausannois est sous les feux de la rampe à Genève. Considéré alors comme une révélation du sprint suisse et un athlète d’avenir. Trois ans plus tard, l’étudiant vaudois a tenu ses promesses : il est considéré maintenant comme l’un des meilleurs sprinters du monde, recordman et champion d’Europe, bref, un des athlètes les plus brillants que notre pays ait jamais connu. Philippe Clerc est donc devenu un champion pour le grand public, pour la presse spécialisée et surtout pour ses adversaires. Mais en quoi ce concept nouveau a-t-il changé l’homme proprement dit ? Le Philippe Clerc de 1970 est-il devenu tellement différent de celui de 1967 ? C’est justement cette question que l’équipe de « Caméra-Sport » a voulu cerner dans cette émission, essayer d’aller plus loin que le portrait traditionnel. Durant trois jours, en des lieux différents, Philippe Clerc a parlé sans se soucier de la caméra de Henri Lacombe. Il a répondu sans détours aux questions de Boris Acquadro, jouant le jeu, cherchant à s’exprimer à haute voix des pensées qu’il n’avait peut-être pas encore tenté d’élucider. De cette conversation, il se dessine un personnage attachant, celui d’un garçon brillant dans ses études et dans le sport de haute compétition, mais surtout celui d’un homme lucide, sachant s’analyser, d’autant plus que l’interviewé n’a aucune possibilité de se préparer à des réponses précises, puisque seul le journaliste connaît les questions. Dans cette émission, celui qui nous en a appris le plus sur le cas Philippe Clerc, ce n’est pas Clerc lui-même, mais le journaliste du journal « L’Équipe » dont les brefs propos sont les plus éclairants. Peut-être justement parce que le métier de Clerc est de courir et celui du journaliste est de réfléchir sur cette course. Dix jours plus tard dans « L’Equipe Magazine » du 29 avril 1970, le sprinter Lausannois est présenté par Marcel Hansenne avec un titre parfait : «L’éclair Clerc».
Entretemps, la saison s’est ouverte le 25 avril à la Pontaise, où il souffle un vent assez violent. Comme on pouvait s’y attendre, Philippe Clerc réalise les meilleurs chronos du jour avec 10″8 sur 100 m et 35″0 sur 300 m.

Focus sur les grands meetings en Europe
Le meeting suivant se dispute le 2 mai à Fribourg sous la pluie. La piste du stade Saint-Léonard ressemble à un véritable bourbier et on s’étonne que Philippe Clerc ait voulu tout de même prendre part à son 100 m, qu’il boucle sans forcer en 11″1. La saison suit son cours avec un week-end de tests à Pratteln à l’attention des meilleurs sprinters helvétiques, puis le 14 mai à Yverdon avec un 100 m couru en 10″8. Deux jours plus tard, il se retrouve au stade Olympique de Rome pour le Mémorial Bruno Zauli. Cette première sortie internationale est très importante car elle se déroule sur 200 m, une distance sur laquelle Clerc se doit de briller d’entrée. Sa prestation débouche sur une deuxième place en 21″2 derrière Edwin Roberts, celui que Clerc avait battu l’an dernier à Zurich. Cette performance, sans être exceptionnelle pour un athlète dont le record personnel est situé à 20″3, est tout de même satisfaisante car elle a été réalisée avec du vent contraire. Le Lausannois n’a pas perdu un seul mètre sur Roberts dans la dernière ligne droite, alors que le Trinitéen l’avait sérieusement remonté il y a un an à Zurich. Sur le plan de la résistance, il semble donc au point. En revanche, il lui a manqué un peu de vélocité, ce qui était assez prévisible étant donné le peu de courses rapides qu’il a eu l’occasion de disputer depuis le début de l’année.
De retour chez lui, il prend part le 23 mai à la première manche du Disque d’Or, sur le nouveau stade de Vidy-Ouest. La piste est friable à cause des pluies de ces derniers jours et il y a aussi un mauvais vent sur la ligne droite; pourtant le Stadiste réussit un joli 10″5, ce qui est bon. Un peu dubitatif, il pense avoir été avantagé par les chronométreurs et affirme avoir plutôt couru en 10″6 ! Il dit également avoir manqué de jugeotte quant au choix de la longueur de ses pointes : «Avec cette stupide couche de gravillons, mes pointes trop petites avaient de la peine à mordre dans la cendrée proprement dite. J’ai bien perdu un dixième de seconde dans l’aventure. Finalement ces 10″5 me suffisent pleinement».

Au passage de cette décennie des années ’70, Philippe Clerc semble avoir changé son fusil d’épaule en matière de préparation aux grands meetings à l’étranger. Auparavant il courait encore deux jours avant dans des meetings du soir « pourris », puis par manque d’influx dû principalement au voyage, il n’avait plus sa grinta habituelle au moment d’affronter des adversaires de qualité. Désormais le champion d’Europe semble plus focus sur ses vrais objectifs; ainsi il a sagement décidé de ne pas courir aux championnats vaudois afin de préparer au mieux son déplacement à Barcelone, où il affronte le 4 juin les meilleurs sprinters Français sur 100 m. En Catalogne, les Tricolores Gérard Fenouil et Alain Sarteur sont en bonne forme et ils réalisent le doublé en 10″6. Pratiquement à leur hauteur, Philippe Clerc termine troisième en 10″6 également et bat Zenon Nowosz ainsi que Roger Bambuck.
À peine rentré d’Espagne, le Lausannois se rend avec l’équipe nationale le 6 juin à Genève pour y disputer le match triangulaire Suisse – Belgique – Pays-Bas. Il s’agit également d’inaugurer la nouvelle piste en synthétique Akus du stade de Champel, la première du pays à huit couloirs. Peu inspiré, Philippe Clerc a tout manqué : battu par le jeune Reto Diezi sur 100 m (10″5) et sur 200 m (21″6), puis un témoin qui tombe lors de son passage avec Josef Calvetti (LC Basel). Dans le maigre public présent, les critiques fusent et on peut entendre par exemple : «Avec Clerc, on ne peut jamais savoir. Un jour il flambe, le lendemain il est battu par un inconnu». Anticonformiste, le Lausannois ne s’émeut pas, ne s’explique pas. Le sol ? Il n’en sait rien; peut-être… L’étudiant en médecine est toujours aussi énigmatique, voire insondable quand les choses ne vont pas bien. Puis il sourit et dit : «Je n’avais pas envie. Comment est-ce possible de courir 10″6 derrière des locomotives et faire ensuite 10″5 derrière Diezi ? On verra à Lyon, à Milan et à Zurich… J’aimerais aussi faire quelque chose aux Universiades en septembre prochain à Turin». Les explications officielles tombent finalement le lendemain auprès de son ami Michel Busset. Sur 100 m, après un départ moyen, Philippe s’est progressivement hissé en tête. À quinze mètres de l’arrivée, il précédait Diezi d’une ou deux poitrines lorsqu’il relâcha subitement son effort, comme les Belges d’ailleurs. Il avait en fait été trompé par une ligne tracée sur la piste une dizaine de mètres avant l’arrivée et flanquée à l’une de ses extrémités du poteau indicateur de tours, ce qui ne faisait qu’ajouter à la confusion. Sans cet incident, qui prouve que Clerc n’était pas parfaitement concentré, il aurait certainement gagné en 10″4. Et sur 200 m, le sprinter a avoué avoir un manque d’influx. Une course était possible, pas trois… Rien de nouveau donc sous le pâle soleil de 1970 : Clerc est un coureur à influx, un sprinter à motivation. On le savait et ce n’est pas ce genre de match qui peut l’aiguillonner suffisamment pour se retrouver à son meilleur niveau. Clerc a aussi son caractère. Il est certes champion d’Europe, mais il ne veut pas que ce titre constitue une obligation absolue de réussir un chrono à chacune de ses sorties. Il tient à rester maître de ses faits et gestes.
Le 13 juin il se déplace avec son club à Zurich pour la première journée des interclubs de la catégorie A. Bien plus motivé qu’à Genève, il remet l’église au milieu du village en remportant le 100 m en 10″3 et le 200 m en 21″0, soit deux nouvelles meilleures performances suisses de la saison. Il a cependant été accroché par ce diable de Reto Diezi, qui réussit également 10″3 et 21″2.
À quelques jours d’une très belle série des grands meetings, Philippe Clerc passe le 18 juin par les championnats suisse universitaires qui se déroulent à Fribourg. Crédité d’un 10″7 en séries comme en finale, le Lausannois se dit assez satisfait car il souffre actuellement d’une infection des amygdales qui l’empêchent d’obtenir son plein rendement.
Le premier des grands meetings annoncés se tient le 21 juin pour le Mémorial Méricamp, non pas à Paris comme s’en est l’habitude, mais à Lyon. On se rappelle qu’à Athènes l’an dernier sur 100 m, Alain Sarteur avait devancé Philippe Clerc d’un mètre; rebelote à Lyon puisque Sarteur et l’Ivoirien Gaoussou Koné sont crédités de 10″3 et Philippe Clerc est resté juste derrière en 10″4, un résultat très honorable selon lui et, techniquement parlant, sa meilleure course de la saison. Sur 200 m, Clerc a dû s’arrêter net après soixante mètres d’effort, ayant ressenti une vive douleur à la jambe : «Je ne me suis pas blessé, mais j’ai préféré couper mon action pour ne pas risquer une déchirure. L’infection dont je suis victime depuis quelques temps en est peut-être la cause».
La prudence est de mise pour Philippe Clerc et cette sagesse lui permet d’être en bonne forme le 1er juillet à l’occasion du Mémorial Adolfo Consolini qui s’est disputé à Milan devant 20000 spectateurs. Face à des adversaires de renom, il termine deuxième du 100 m en 10″4 derrière Charlie Greene – le co-recordman du monde du 100 m – qui réussit 10″3. Sur 200 m, il doit croiser le fer avec Edwin Roberts (20″6) et Lee Evans (20″8); sa troisième place, en 20″8 également, est prometteuse en vue du meeting international de Zurich.

Le Letzigrund vibre à nouveau pour Clerc, mais aussi pour Pusterla
Le grand rendez-vous zurichois est organisé le 3 juillet dans un Letzigrund qui va voir les sprinters helvétiques se comporter avec un certain brio. Dès la première série du 100 m, le jeune Tessinois Fabrizio Pusterla (SA Lugano), 16 ans et demi, gagne en 10″2, soit le record suisse de Wiedmer, Clerc et Diezi égalé ! Il faut dire que son départ a tout de suite porté à contestation car il avait été réalisé à la Armin Hary… Pour ne pas être en reste face à ce nouveau venu, Philippe Clerc réussit un départ à la limite de la régularité, puis au prix d’une course fantastique, il laisse sur place Zenon Nowosz et Edwin Roberts, ce qui débouche pour lui aussi sur un record suisse égalé en 10″2. Le sprint helvétique se porte bien, merci ! Cette soirée du 3 juillet 1970 a commencé comme celle du 4 juillet 1969. Avec ce nouveau 10″2, allait-elle se terminer comme douze mois auparavant par un super exploit sur 200 m ? On est vite fixé car Clerc n’a pas récupéré de son 100 m record et, sans être jamais dans le coup, il a laissé filer tout le monde en milieu de virage pour terminer en 21″6. À la peine sur 200 m, il semblerait bien que l’infection aux amygdales dont il a été victime depuis trois semaines ne soit pas étranger à cet état de fait. Du coup, très lucide sur sa santé quelque peu précaire actuellement, Philippe Clerc a demandé à la Fédération d’être exempté du prochain déplacement que l’équipe nationale doit effectuer afin d’affronter à Oslo l’équipe de Norvège. C’est vrai, il doit absolument se soigner complètement s’il entend pouvoir défendre ses chances lors des Universiades en septembre prochain à Turin.

Une fin de saison avec le TV Unterstrass !
En ce mois de juillet, Philippe Clerc entreprend un déménagement du côté de Zurich, ceci afin de continuer ses études dans la grande métropole. Le champion et recordman d’Europe va quitter momentanément le Stade Lausanne pour courir jusqu’à la fin de la saison sous les couleurs du TV Unterstrass ! Il étrenne son nouveau maillot bleu flanqué d’un gros « U » rouge sur le torse le 25 juillet lors d’un meeting national au Letzigrund où il doit affronter l’étoile montante Fabrizio Pusterla. Il y a un vrai match entre les deux hommes qui ont aussi fort à faire face à un vent contraire violent (-4,0 m/s). Un peu crispé, Clerc réussit tout de même une remarquable fin de course en 10″5, ce qui lui permet de rester légèrement devant son jeune rival Luganais, crédité lui aussi d’un 10″5.
Le week-end des 1er et 2 août, le Letzigrund accueille l’une des demi-finales de la Coupe d’Europe qui oppose la Suisse à l’U.R.S.S., la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne et la Roumanie. On sait très bien que la tâche de notre équipe nationale va être ardue face à ces grosses nations. Mais dans l’absolu, l’idéal serait quand même de battre l’équipe d’Espagne et celle de la Roumanie, histoire d’obtenir un classement conforme à la force réelle de notre athlétisme suisse. Deux records suisses sont tombés grâce à Marco Lardi (LAC REX Zürich) au triple saut avec 15,47 m et à Edy Hubacher (TV Länggasse) au lancer du poids avec 19,25 m. En sprint, Fabrizio Pusterla a été préféré à Philippe Clerc sur 100 m et il termine cinquième en 10″5, à deux mètres de Valeriy Borzov. À l’issue de la première journée, le relais 4 x 100 m helvétique composé de Ruedi Oegerli / Ugo Molo (GG Bern) / Peter Hölzle (SC Liestal) / Philippe Clerc termine également au cinquième rang en 40″7, meilleure performance suisse de la saison. Dimanche, Clerc est à nouveau en piste pour le 200 m. Évidemment face à Borzov, personne ne tient la comparaison dans le virage. Derrière, le Français Gérard Fenouil et le Britannique Martin Reynolds sont à la lutte, mais Philippe Clerc parvient à rester au contact direct de leurs foulées. En milieu de ligne droite, la grosse domination du Soviétique trouve pourtant une fin assez brutale puisqu’il est victime d’une élongation. Dans les cinquante derniers mètres, Fenouil fait le job et remporte la course en 20″5, alors que Clerc se donne jusqu’au bout pour reprendre Reynolds, mais en vain car l’Anglais résiste bien et bat le Suisse d’un rien en 20″7 contre 20″8. En temps normal, le finish de Philippe lui aurait permis de reprendre son adversaire Britannique, et même Fenouil. Mais au vu de sa santé actuelle, il ne pouvait manifestement pas maintenir sa cadence jusqu’au bout et obtenir un meilleur chrono que 20″8 (ce qui égale sa meilleure performance de la saison). Lors de l’analyse de sa course, un détail ne trompe pas : «L’an dernier à Athènes, j’avais couru la dernière centaine de mètres de mon 200 m en 10″0; aujourd’hui au Letzigrund, je l’ai fait en 10″4. Tout cela prouve que mes chances les meilleures se situaient sur 100 m. C’est vraiment dommage que je n’aie pas pu affronter Valeriy Borzov sur cette distance. Enfin, mon virage prouve que je ne suis pas en perte de vitesse. Si je peux me préparer sérieusement avant les Universiades, je crois que je pourrai réaliser un bon 200 m à Turin. Mais actuellement je manque de résistance pour tenir jusqu’au bout de ma course». Au classement final, la France et l’U.R.S.S. restent dos à dos avec 97 points, mais ce sont les Tricolores qui sont déclarés vainqueurs grâce à un plus grand nombre de victoires. La Grande-Bretagne totalise 68 points, l’Espagne est quatrième avec 60 points devant la Suisse avec 55 points et la Roumanie termine lanterne rouge avec 42 points.

Le doublé 100 m / 200 m aux championnats suisses
Les championnats suisses simples qui se déroulent les 8 et 9 août à Berne permettent à Philippe Clerc de décrocher le premier doublé de sa carrière. Sur 200 m d’abord, il l’a aucune peine à se parer d’or en courant en 21″3, facilement devant Reto Diezi (21″6) et Kurt Keller (21″7). Dimanche sur 100 m, en l’absence de Pusterla (parti en vacances), mais aussi de Diezi qui s’est blessé en séries, Clerc n’a quasiment plus aucune concurrence. Mais comme c’est Valeriy Borzov qu’il désirait se mettre sous la dent à Zurich et que les sélectionneurs de la Fédération le lui ont refusé, il se contente du service minimum pour obtenir la victoire. Cette tactique, toujours très dangereuse, lui sourit car il n’a eu qu’à surveiller Hans Brunner (BTV Luzern), 31 ans, qu’il considérait à juste titre comme étant son adversaire le plus sérieux. En courant à la place, tout en relâchant son effort sur la fin, le Lausannois remporte le titre en 10″5. Très sûr de son affaire, il n’en est pas ému le moins du monde. Après un début de saison difficile, Clerc a maintenant retrouvé toute son autorité et sa maîtrise technique. Il devrait être très fort en septembre aux Universiades de Turin.

Un avenir sur le tour de piste ?
S’il y a une force qui caractérise Philippe Clerc, c’est qu’il a toujours su maintenir une attention de tous les instants sur ses objectifs principaux. Depuis quelques temps, il évoque les Universiades comme but ultime de cette saison 1970. Ainsi tout ce qui vient avant ne peut être considéré que sous le prisme de la préparation. Parfois, comme en ce 15 août à Wallisellen, ça se passe fort bien. Ce jour-là, c’est la dernière journée de qualification pour les finales du championnat suisse interclubs, donc pas forcément une compétition de très haut niveau. Pourtant Philippe Clerc va briller en apportant de très gros points pour son nouveau club, le TV Unterstrass Zürich. Après le relais 4 x 100 m, le néo-Zurichois court le 100 m en 10″5, le 200 m en 21″0 et le 400 m en 47″3, meilleure performance suisse de la saison. Ce tour de piste, le premier de la saison, pourrait peut-être modifier considérablement le cours même de sa carrière : «Je suis maintenant sûr d’une chose : je suis plus fait pour le 400 m que pour le sprint pur. Sur 100 et 200 m, je manque de cette explosivité propre au sprinter. Si j’ai réalisé de grandes performances sur ces distances, c’est parce que j’ai énormément de force dans les jambes, que je suis extrêmement décontracté et que ma technique est particulièrement au point. Cela dit le 400 m semble mieux convenir à mon style et à mon tempérament. Pour réussir sur un tour de piste, il faut posséder une vitesse de croisière très élevée et être capable de la soutenir en brûlant le minimum d’énergie. Sur ce plan, je suis semble-t-il parfaitement armé. Je suis capable d’avaler les 300 premiers mètres en employant relativement peu de force, tout en adoptant un rythme élevé. Sur ces considérations, je ne vous cacherai pas que j’hésite actuellement. Je sais que je peux arriver aux quarante-quatre secondes dans deux ans. Mais serai-je capable de courir dans ces temps-là après avoir disputé une série en 46″5 et une demi-finale en 45″5 par exemple ? Tout le problème est là. Sur 400 m, au niveau des Jeux Olympiques, il faut être fort le troisième jour et non le premier. Tout est bien sûr une question d’entraînement. J’ai regardé mon plan d’études des deux prochaines années. Si tout va bien, je pourrai trouver le temps de m’astreindre à un entraînement adapté au 400 m. Mais il ne faut pas seulement du temps, il faut aussi avoir envie de se taper des séries de 500 m, d’avaler des kilomètres. Et cette envie, je ne sais pas si je l’aurai…». Philippe Clerc joue le jeu avec honnêteté. Le 400 m le tente, mais il avoue ne pas être certain de venir à bout de toutes les difficultés qui peuvent l’attendre en chemin. C’est donc une affaire à suivre. Ce qui par contre certain, c’est que Philippe Clerc ne courra plus de 400 m cette saison et que son prochain objectif reste les Universiades de Turin, sur 100 m et sur 200 m face au Soviétique Valeriy Borzov.

Les Universiades à Turin
Le principal rendez-vous de Philippe Clerc arrive bientôt. Mais avant cela, il prend part au match contre la Pologne qui se déroule les 21 et 22 août à Olsztyn, une petite ville qui se situe à 230 kilomètres au nord de Varsovie. Comme prévu, les hôtes sont bien plus forts que nos compatriotes, mais parfois un exploit helvétique donne une très belle victoire. C’est notamment le cas au lancer du poids où Edy Hubacher réussit à battre le record suisse en lançant son engin à 19,34 m. Pour Philippe Clerc, son départ désastreux sur 100 m ne lui permet pas d’apporter les points escomptés car il termine troisième en 10″6. Sur 200 m, il réussit à faire oublier la déception qu’il avait causé la veille en développant une belle foulée dans la dernière ligne droite, ce qui lui donne la victoire en 21″2.
Le 2 septembre, Philippe Clerc se retrouve enfin au départ des séries du 100 m des Universiades de Turin. Il y a du très beau monde en lice, mais cela n’impressionne guère le Lausannois, qui remporte sa course en 10″4 (au chronométrage électrique) devant le Malgache Jean-Louis Ravelomanantsoa. Pour les demi-finales, au nombre de trois, seuls les deux premiers plus les deux meilleurs temps passeront en finale. Opposé au redoutable Cubain José Triana et à nouveau face au Malgache Ravelomanantsoa, la tâche de Clerc est compliquée, mais pas insurmontable. Auteur d’un départ extrêmement moyen, il a quelque peine à refaire surface et on craint un instant qu’il échoue au quatrième ou au cinquième rang. Heureusement il se reprend à temps et, presque dans la foulée de Ravelomanantsoa et de Triana, il décroche la troisième place en 10″4, ce qui est encore une fois excellent. Qualifié pour la finale au temps, Philippe Clerc repense instantanément à Athènes où il avait été transcendant dans les éliminatoires et les demi-finales du 100 m. À Turin, le processus se renouvelle car il a été étonnamment facile en séries et, sans ce départ moyen, impressionnant en demi-finales. Que va-t-il se passer ce soir, dans une finale d’un niveau nettement supérieur à celle d’Athènes ? Il faut bien s’en convaincre, tout, absolument tout. Philippe a retrouvé le pep qui lui manqua souvent cette saison, mais il traîne aussi une toux et une demi-grippe qui ne dit rien de bon. Il n’a de plus pas la résistance foncière qu’il avait l’an dernier. Tous ces paramètres vont être primordiaux au moment où cela comptera le plus. Ces instants cruciaux, Philippe va les manquer en subissant une défaite sans appel. Dans cette finale du 100 m, c’est l’Allemand de l’Est Siegfried Schenke qui s’impose en 10″5 devant l’Américain Jim Greene et le Malgache Jean-Louis Ravelomanantsoa, en 10″5 également. Suivent le Polonais Zenon Nowosz, les Cubains José Triana et Pablo Montes, ainsi que le Britannique Ian Green en 10″6. Et Philippe Clerc ferme la marche, huitième en 10″8 ! Le sprinter Lausannois, tout en n’ignorant pas que sa forme physique n’était pas parfaite, tout en sachant qu’il n’a pas derrière lui un entraînement aussi poussé qu’à pareille époque l’an dernier, espérait pourtant beaucoup de cette finale du 100 m des Universiades de 1970. Elle ne lui a rendu qu’une huitième et dernière place avec un temps de 10″8. La déception est bien sûr grande, mais il n’y a pas de quoi en faire un drame non plus. Pour des raisons professionnelles surtout, il n’a pas pu préparer cette saison comme la précédente. Ses motivations étaient aussi moins grandes car il n’avait plus rien à prouver après son record d’Europe et son titre continental à Athènes. Toute sa saison a été faite d’exploits et de performances moyennes. Il n’est en tout cas jamais parvenu à réussir deux bonnes courses dans un laps de temps rapproché. Dans la grande finale de Turin, il n’a été dans le coup que pendant une dizaine de mètres. Après, il navigua à trois bons mètres des meilleurs, sans jamais parvenir à trouver le bon régime. Oui, on s’attendait à mieux, mais la valeur de Philippe Clerc n’est pas en cause. C’est toujours l’un des sprinters les plus rapides d’Europe pour ce qui est de la vitesse pure. Le plus rapide peut-être. On l’a vu en éliminatoires et lors des demi-finales de ces Universiades. En revanche, sa préparation foncière n’était pas suffisante. La grippe qu’il traine depuis une semaine n’a rien arrangé non plus et ce n’est pas en absorbant des somnifères entre deux quintes de toux qu’on prépare une finale aussi importante que celle des Universiades. Enfin, psychologiquement, Clerc a peut-être traversé une saison trop plate, sans grands rendez-vous. Ici à Turin, il a dû faire de réels efforts sur lui-même pour se remettre dans le coup des grandes compétitions.
Philippe Clerc est convaincu de tout cela. Il est trop intelligeant pour ne pas saisir les raisons de sa défaite. Mais pour l’heure, il se laisse aller à des pensées étonnantes : «Je vais me lancer dans le bob. J’aurai au moins plus de chances de décrocher une médaille olympique. En bob, on a besoin d’hommes comme moi, puissant dans les jambes, courant vite. Et puis, désormais, plus de somnifères, je me saoule avant les courses…». Il lui reste maintenant le 200 m pour prendre sa revanche. Mais il y a également des clients sérieux sur cette distance : Schenke, Werner, Nallet, Nowosz, Eigenherr; tout un programme ! En réalité, Clerc va être rattrapé par la maladie. Dans une série largement à sa portée, où il fallait courir en 21″3 pour se qualifier pour les demi-finales, le Lausannois sombre en 23″2. Finalement c’est le Britannique Martin Reynolds qui remporte le titre en 21″0, devant Siegfried Schenke en 21″0 et Ian Green en 21″1. Le coup aurait hélas pu être jouable en situation normale…
Exempté du prochain match Roumanie – Italie – Hongrie – Suisse à Bucarest à cause de l’emploi du temps très chargé de son stage, Philippe Clerc termine la saison 1970 le 10 octobre à Baden à l’occasion du match des 5 cantons (Argovie, Bâle-Campagne, Berne, Soleure et Zurich). Il en ressort facile vainqueur du 100 m en 10″7 et du 200 m en 22″0.
En tirant le bilan de sa saison 1970, on peut le décrire comme étant assez satisfaisant chronométriquement parlant, avec ses 10″2 lors du 100 m du meeting international de Zurich et ses 20″8 réussis deux jours plus tôt sur 200 m à Milan. Dans les statistiques, il pointe sur 100 m au dixième rang européen et au vingt-deuxième rang mondial. Et sur 200 m, on le retrouve également à la dixième place européenne et à la cinquante et unième mondiale. Les statistiques officielles de l’ATFS nous apprennent aussi que le chrono électrique de Philippe Clerc lors de son 100 m de Zurich est de 10″42. Dans un monde équitable, sans ce chronométrage manuel somme toute aléatoire, Philippe Clerc serait donc actuellement l’unique recordman suisse. De plus, les 10″2 de Fabrizio Pusterla, également réalisés au Letzigrund, n’ont pas trouvé grâce aux yeux des statisticiens de l’ATFS car ils sont mentionnés dans la rubrique « Rolling start ».

PAB

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Philippe Clerc

TitreSaisonThèmeSitePDF
Accueil1961-1975Philippe Clerc, sur la voie express
Episode 11961-1965Les années jeunesse
Episode 21966Avènement au niveau national
Episode 31967Comme un albatros sur le Léman
Episode 41967Un prestigieux record suisse égalé
Episode 51968Un sprinter en difficulté
Episode 61968Une quête olympique désespérée
Episode 71969Un exploit monumental à Zurich
Episode 81969La star des championnats d'Europe
Episode 91970Une année de transition
Episode 101971Un sprinter rattrapé par ses doutes
Episode 111971Un titre européen à défendre
Episode 121972Un diplôme de médecine avant les J.O.
Episode 131972Les Jeux Olympiques et un mariage
Episode 141973Une année sabbatique
Episode 151974-1975Un retour loin du niveau international
Bonus08.07.2023Rencontre avec un sprinter exceptionnel

 

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