Samedi soir, à Eugene, le vice-champion du monde en salle de l’heptathlon Simon Ehammer en voulait comme toujours beaucoup. Même énormément. En qualifications, il avait annoncé sur SRF vouloir « choquer d’entrée les adversaires avec un gros premier saut ». Sans réussir. Il avait terminé les qualifications en troisième position avec 8,09 m (- 0,9 m/s) derrière le Japonais Yuki Hashioka et l’Américain Marquis Dendy, à égalité avec le Suédois vice-champion du monde en salle Thobias Montler.
En finale, il a remis le couvert comme la veille. Et les choses ne se sont pas non plus passées comme prévu. Son premier essai, il l’a bizarrement interrompu. « J’ai été bête de ne pas le finir : il était plus loin que ce que je pensais… ». Ehammer est alors crédité de… 6,42 m. A son deuxième essai, il y va à fond et atterrit à 8,16 m (+ 0,5) – et passe de la dernière à la… deuxième place derrière le champion olympique et champion du monde en salle, le Grec Miltiadis Tentoglou. « Ouais, c’est pas mal, mais le saut était loin d’être parfait… » Ensuite, il atterrit à 7,78 m (+1,8), « très mauvais », avant deux essais mordus d’un rien.
Au 6e et dernier essai, le Chinois Jianan Wang bondit à… 8,36 m et prend la tête du concours. Wang, un inconnu ? Non, pas du tout. Les spécialistes suisses le connaissent bien : c’est le vainqueur du Résisprint international de La Chaux-de-Fonds 2019. Après le saut du Chinois, Tentoglou est furax. Ehammer, lui, déconcentré. Le Cubain Maykel Massó s’élance, lui qui est pour l’heure 4e, à un cm de l’Appenzellois. Tributaire d’une technique… perfectible, il s’élance, avec verve, se réjouit de son saut, finalement mesuré à… 7,88 m.
Ehammer sait qu’il a une médaille. « Pas facile de faire tout comme il faut à ce moment-là. Je savais que j’avais gagné une médaille. Je n’ai pas réussi à me concentrer bien pour faire le saut dont j’étais capable aujourd’hui… »
Retour sur une carrière internationale jeunesse…
Sa première internationale, Ehammer l’a fêté en 2017, à l’Euro U18 à Grosseto, en Italie. Il y a fini 19e. Deux ans plus tard, l’Appenzellois a remporté à la surprise générale le bronze aux Mondiaux U20 de Tampere avec 7642 points. En 2019, il a été sacré champion d’Europe U20 du décathlon à Borås, en Suède, avec un nouveau record national U20 de 7851 points.
En hiver 2021, à Torun, en Pologne, il toise à l’Euro indoor le détenteur du record du monde du décathlon Kevin Mayer en personne sur les premières disciplines, avant un retour de boomerang et un nul à la perche. Comme déjà aux joutes nationales à Macolin quelques semaines plus tôt. Pas de quoi le déstabiliser.
En été, freiné par une blessure dans sa préparation, il renonce au décathlon de l’Euro U23 à Tallinn en Estonie et se concentre sur la longueur. Avec de grandes ambitions, qui font sourire certains, qu’il fait taire en remportant avec la manière la médaille d’or (8,10 m).
… et des records suisses et médailles internationales élite
Comme il l’a fait chez les jeunes, au niveau européen, le sociétaire du TV Teufen s’est en un rien de temps hissé parmi les meilleurs mondiaux élite, des épreuves combinées, et dans la foulée de la longueur. Cet hiver, il a pulvérisé dès son premier heptathlon de la saison, à Aubière, en France, le record suisse de la longueur (8,26 m), avant d’enchaîner en multiples avec celui de l’heptathlon (6285 points). A Belgrade, en Serbie, il se rend à ses premiers Mondiaux élite en salle gonflé à bloc. Il rivalise crânement avec le champion olympique Damian Warner (USA), pour finalement hisser son record national à 6363 points et décrocher une incroyable médaille d’argent. « Incroyable » surtout pour les autres. Pour lui, le succès semble être quelque chose de tout à fait normal.
En début de saison d’été, il fait comme en hiver et aligne les records nationaux. Il commence par celui de la longueur (8,30 m) suivi de celui du décathlon (8354 points) à Ratingen, en Allemagne, juste en passant, deux semaines avant son premier vrai objectif de la saison : le plus grand meeting multiples de la planète, à Götzis, en Autriche, où il remet ça. Il bondit d’abord à 8,45 m en longueur, record suisse, meilleure perf mondiale de l’année ; pour fixer dans la foulée son record du décathlon à 8377 points. Suite à quoi il enchaîne avec deux podiums de longueur en Diamond League à Rabat, au Maroc (argent) et à Oslo, en Norvège (bronze).
Etonnant : après sa première médaille mondiale en plein air, Ehammer ne montre quasi pas de joie en bout de zone mixte : « Evidemment, c’est bien. En même temps, j’avais la meilleure perf mondiale de l’année et espérais sauter plus loin – et donc faire mieux ». Son prochain but ? « L’Euro de Munich en août, en décathlon cette fois, ma vraie passion ».
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