Pour l’athlétisme suisse, le schéma entamé en 1994 à Paris et prolongé en 1996 à Stockholm se confirme une nouvelle fois en 1998 à Valence : rares sont les exploits de la part des Suisses, désormais souvent noyés dans le ventre mou des différents classements. Le Palais des sports Luis Puig de Valence accueille une délégation helvétique composée de sept athlètes, dont les sprinters en sont les principales têtes d’affiche. Pour Kevin Widmer (Stade Genève) et Stéphane Diriwaechter (Lausanne-Sports), les séries du 60 m du matin font pour eux office d’échauffement en attendant leur distance de prédilection, le 200 m. Le Genevois obtient le vingt-neuvième chrono en 6″80, tandis que le Lausannois termine trente-quatrième en 6″84; il peut cependant se targuer d’avoir réussi le meilleur temps de réaction des trente-six concurrents. Toujours au matin de ce vendredi 27 février, on retrouve Laurent Clerc (Stade Genève) pour les séries du 400 m. Auteur d’un magnifique 46″58 à Macolin au début du mois de février – soit le sixième chrono européen 1998 – le Genevois sait qu’il a un boulevard devant lui. Il ambitionne d’aborder cette course en tête dès le début afin de pouvoir ensuite contrôler la manœuvre en terminant parmi les deux premiers. Mais c’était sans compter sur le départ énergique du Grec Panayiotis Sarris, ce qui contrecarre tous ses plans. En courant en accordéon, Laurent pense que son finish pourra suffire pour rectifier le tir, mais il n’en est rien car il termine finalement troisième de cette série en 47″89, derrière le Français Emmanuel Front (47″68) et l’Autrichien Andreas Rechbauer (47″75). Cette élimination prématurée reste pour lui sans explications.
Le 200 m est dans la peau des deux sprinters Romands
Le lendemain, on retrouve les deux sprinters Romands dans leur discipline de parade. Il faut avouer que la course qu’ils avaient réalisé le 1er février à Macolin reste encore dans toutes les mémoires avec un superbe record suisse indoor en 20″99 pour Kevin Widmer et un non moins excellent 21″30 pour Stéphane Diriwaechter. Depuis, le Vaudois avait réédité cette performance aux championnats suisses en remportant le titre, alors que le Genevois s’imposait sur 60 m en 6″65, à quatre centièmes du record national du Zurichois Stefan Burkart. Pour ce 200 m, seuls les deux premiers des sept séries, plus le meilleur chrono, se qualifient pour les demi-finales. Dans la première course, Kevin est au bénéfice de très bonnes sensations qui lui permettent de terminer deuxième en 21″10 derrière le Britannique Allyn Condon. Dans l’ultime série, Stéphane est un peu freiné par une contracture au mollet droit; il termine quatrième en 21″50, ce qui le classe au vingt-troisième rang final. En soirée, Kevin Widmer se retrouve au couloir 2 de la deuxième demi-finale et il se lamente de devoir partir en plein virage, ce qui l’empêchera de trouver rapidement sa bonne ligne. Il engage pourtant toutes ses forces dans la bagarre, mais ça ne suffit de loin pas car ses 21″56 ne lui donnent que la quatrième place. Treizième de ce 200 m, le Genevois est resté à sa place, tout en ayant prouvé qu’il a l’étoffe d’un excellent sprinter.
La joie et les larmes de Mireille Donders
Toujours sur 200 m, Mireille Donders est concentrée comme jamais derrière ses starting-blocks du couloir 5. Motivée par ses récents records suisses de Macolin (23″16 et 23″03) qui ont fait carrément oublier les exploits passés de Regula Anliker (médaille d’argent en 1989 à Glasgow et record suisse indoor avec 23″26 en 1990), la Bernoise sait qu’elle a une très belle carte à jouer. Cette série le prouve avec un départ en force et une remontée irrésistible sur la Française Sylviane Félix, pourtant l’une des favorites de l’épreuve. Elle passe sans problème la Cristolienne en sortie du deuxième virage en donnant une impression de puissance énorme. Son finish ne faiblit pas une seconde et suite à son cassé sur la ligne d’arrivée, elle rayonne littéralement en découvrant le chrono : 22″96 ! La barrière des 23 secondes est franchie grâce à ce solide record suisse indoor battu de sept centièmes. Avec le quatrième temps des trente-quatre engagées, elle peut effectivement voir la suite de cette compétition avec sérénité.
Les demi-finales de ce 200 m arrivent avec la victoire de la Russe Svetlana Goncharenko dans la première demi-finale et de l’Allemande Melanie Paschke dans la deuxième. Confrontée à la Britannique Donna Fraser, à la Grecque Katerina Koffa, à la Française Fabienne Fischer et à l’Autrichienne Karin Mayr, la Bernoise sait qu’elle doit terminer dans les deux premières si elle entend participer à la finale. Elle parvient à ses fins en terminant deuxième derrière Koffa et en repoussant admirablement les assauts de Fraser. Le camp suisse est évidemment très heureux de cette magnifique réussite, mais très vite la consternation reprend le dessus. En effet, les juges Espagnols ont vu que Mireille avait couru à deux reprises sur la ligne intérieure de son couloir et, selon l’article 141.3 du règlement de l’I.A.A.F., cette faute entraîne une disqualification immédiate. Dura lex, sed lex… Inconsolable (on ne le serait à moins), Mireille ferait mieux de penser à ses fantastiques 22″96, qui représentent assurément un chrono indoor de valeur internationale.
Les hurdlers ne passent pas le cap des séries
Le 60 m haies helvétique est en plein boom ces derniers temps. L’an dernier, Raphaël Monachon (CA Courtelary) avait déjà réussi à battre d’un centième le vieux record national de Roberto Schneider (LC Zürich) avec 7″81. Aux championnats suisses 1998 à Macolin, le chrono s’affolait à nouveau et même à plusieurs reprises. Si Raphaël Monachon réussissait à améliorer son record en séries en 7″77, il avait dû subir les assauts de ses adversaires puisque Ivan Bitzi (LV Horw) et Hakim Mazou (Stade Genève) avaient réussi tour à tour 7″75. La finale, qui promettait monts et merveilles, avait été royalement gagnée par Monachon en 7″69, record suisse pulvérisé, alors que Mazou et Bitzi étaient battus par Paolo Della Santa (CA Fribourg) et Thomas Keller (ST Bern). À Valence, Raphaël Monachon et Ivan Bitzi défendent leurs chances du mieux qu’ils peuvent. Mais le champion suisse est grippé et fiévreux et il ne peut pas courir plus vite que 7″79. Quant au Lucernois, il est crédité de 7″85. Pour passer en demi-finales, il aurait fallu courir en 7″70, donc les seuls regrets à avoir sont ceux de ne pas avoir vu Raphaël Monachon évoluer avec la plénitude de ses moyens.
Enfin au saut en hauteur, Sieglinde Cadusch (TV Unterstrass) – toujours recordwoman suisse indoor depuis 1993 avec ses 1,91 m réussis à Schwarzsee – ne parvient pas à franchir une barre plus haute que 1,80 m. Ce résultat fait dire à la presse de l’époque que cette édition 1998 à Valence a été une débâcle pour l’athlétisme suisse. En regardant ces championnats via le prisme de Grenoble 1981, Göteborg 1984 ou Liévin 1987, alors oui, l’athlétisme suisse est désormais loin du compte. Mais les temps ont changé et il faudra désormais se contenter de plus petites choses pendant quelques années. C’est pourquoi les prestations de Mireille Donders, surtout, mais aussi de Kevin Widmer ou de Raphaël Monachon sont porteuses d’espoirs et prouvent que l’athlétisme suisse n’est pas aussi moribond qu’on voudrait bien nous le faire croire.
PAB
Résultats
Hommes
60 m | : | 29. | Kevin Widmer (Stade Genève) 6″80 en séries |
34. | Stéphane Diriwaechter (Lausanne-Sports) 6″84 en séries | ||
200 m | : | 13. | Kevin Widmer 21″10 en séries et 21″56 en demi-finales |
23. | Stéphane Diriwaechter 21″50 en séries | ||
400 m | : | 15. | Laurent Clerc (Stade Genève) 47″89 en séries |
60 m haies | : | 20. | Raphaël Monachon (CA Courtelary) 7″79 en séries |
24. | Ivan Bitzi (LV Horw) 7″85 en séries |
Femmes
200 m | : | 15. | Mireille Donders (TV Länggasse) 22″96 (record suisse indoor) en séries |
Hauteur | : | 12. | Sieglinde Cadusch (TV Unterstrass) 1,80 m |
Version imprimable de l’article (PDF)
A découvrir prochainement
L’épopée des athlètes suisses aux championnats d’Europe en salle
26ème championnats d’Europe en salle 2000 à Gand