Sur sa lancée des Jeux Olympiques de 1928 à Amsterdam, Paul Martin (Stade Lausanne) retourne pendant un mois à Paris pour une série de compétitions très intéressantes. ATHLE.ch VINTAGE retrouve le Lausannois au top de sa forme sur sa piste fétiche de Colombes. Cette plénitude athlétique lui permet d’établir ses records personnels du 400 m et du 800 m.
Au terme des Jeux Olympiques de 1928 à Amsterdam, le coureur Lausannois Paul Martin reste sur sa faim. Bien sûr il est content de sa prestation en finale du 1500 m qui lui a permis d’améliorer son record personnel en 3’58″4, mais il lui reste un goût d’inachevé s’il doit se remémorer sa terrible demi-finale du 800 m qui l’avait vu terminer à un déchirant quatrième rang synonyme d’élimination. Paul estimait, à juste titre, qu’il aurait mérité de meilleurs résultats car il se savait en très grande forme. Dans l’avion qui l’emmène vers Paris, les pensées du Lausannois sont clairement ancrées dans la série de compétitions qu’il doit disputer au stade de Colombes. La première d’entre-elles se déroule le 12 août et elle met aux prises les deux Martin : Paul, le Suisse et Séra, le Français. Il s’agit-là d’une véritable revanche de la demi-finale du 800 m d’Amsterdam, dont les paroles de Séra à l’attention de Paul, des années plus tard, furent : «Désolé, mais j’ai été obligé de t’éliminer !». À Colombes, devant pas moins de 15000 spectateurs, le rythme imprimé en début de course par le Français est fort soutenu. Mais aux 600 mètres, Paul attaque son homonyme et il le laisse littéralement sur place. Le Suisse s’impose en 1’53″4 et le Niçois du Stade Français termine loin, à sept mètres. Même s’il atténue que très modérément l’amertume d’Amsterdam, ce succès montre aux observateurs que Paul Martin est en top forme. Trois jours plus tard ont lieu à Colombes les championnats du monde universitaires. Unique Suisse engagé, le Lausannois remporte sans forcer le 800 m en 1’57″4, devant l’Allemand Fredy Müller et le Français Francis Galtier.
Paul Martin plus rapide que jamais sur 400 m et 800 m
Le week-end des 8 et 9 septembre 1928 est organisé un nouveau meeting international au stade de Colombes, avec un battage médiatique sans précédent annonçant pour dimanche une revanche des Jeux d’Amsterdam sur 800 m. Mais avant cela, Paul Martin prend part le samedi après-midi au 400 m. Il ne peut sans aucun doute oublier qu’il y a quatre ans, son camarade de l’équipe de Suisse, le Genevois Josef Imbach, avait brillé de mille feux dans ce même stade lors du 400 m des quarts de finale des Jeux Olympiques de 1924 en battant le record du monde en 48″0. Animé des mêmes intentions, Paul Martin réalise une course magnifique en s’accrochant aux ailes de ses deux adver-saires Germaniques. Finalement Hermann Engelhard remporte la course en 47″6, soit le record d’Europe du Britannique Eric Liddell égalé. Paul Martin termine deuxième en 47″8, nouveau record suisse battu de deux dixièmes. Otto Neumann est crédité de 47″9, alors que Marcel Moulines bat le record de France en 48″1. Une fois de plus le public parisien a pu vivre une course fantastique.
Ce sera encore plus épique le lendemain avec la fameuse revanche des Jeux d’Amsterdam sur 800 m promise par la presse spécialisée, quand bien même manquent à l’appel le Britannique Douglas Lowe (double champion olympique 1924 et 1928), ainsi que le Canadien Phil Edwards et l’Américain Lloyd Hahn (4e et 5e à Amsterdam). On note cependant la présence du Suédois Erik Byléhn (vice-champion olympique à Amsterdam), Hermann Engelhard (troisième du 800 m à Amsterdam), Jean Keller (champion de France du 1500 m), Cyril Ellis (champion d’Angleterre), ainsi que les Français Francis Galtier (champion national) et surtout le fameux Paul Ladoumègue (vice-champion olympique du 1500 m à Amsterdam). Avec un pareil lot de compétiteurs, l’épreuve s’annonce passionnante et, il faut le relever, tout cela entre champions reconnus comme étant tous de très bons camarades ! Dès le début de ce 800 m, la lutte est en effet parfaite de loyauté, si ce n’est ce coup de pointe malencontreux que Paul Martin a dû subir et devra s’en souvenir encore longtemps. C’est Ladoumègue qui mène le train avec un tempo admirable, mais le Lausannois n’est pas loin. Au fil des mètres, la lutte pour la victoire semble devoir se circonscrire entre ces deux hommes. En fin tacticien qu’il est, le Stadiste prend le commandement au moment le plus opportun et fonce vers la victoire. Mais c’était sans compter ce diable d’Engelhard, qui surprend tout le monde en restant dans la foulée de Martin et Ladoumègue. A l’entrée de la ligne droite finale, très longue dans ce stade de 500 m, ils sont trois de front, en quête d’un succès prestigieux. Paul Martin est en tête et il semble s’acheminer tout droit vers la victoire. Cependant Engelhard, qui a doublé le Français, revient maintenant sur le Suisse et, comme en 1924 avec Douglas Lowe, les deux coureurs passent la ligne sur le même plan, Martin arrachant le fil d’arrivée de la poitrine et Engelhard le touchant de l’épaule. Le public réclame un verdict de « dead-heat » (arrivée qui se fait en même temps par des concurrents sportifs). Engelhard assure quant à lui que le Suisse est le vainqueur ! Mais les juges donnent pourtant la victoire à l’Allemand et Paul Martin en est cruellement déçu sur le moment. Que dire sur ce verdict en voyant la photo de l’arrivée entre les deux champions ? Le Lausannois n’a-t-il pas gagné d’un souffle ?
Paul Martin et Hermann Engelhard terminent sur la même ligne en 1’51″8, mais c’est l’Allemand qui sera déclaré vainqueur !
Finalement Engelhard et Martin sont tous les deux crédités de 1’51″8, soit exactement le chrono du record olympique établi quelques semaines auparavant par Lowe à Amsterdam ! Il s’agit également d’un magnifique nouveau record suisse, qui ne sera battu que 27 ans plus tard seulement par Josef Steger (LC Zürich) en 1’49″8, le 11 septembre 1955 également à Paris. Pour Paul Martin, ses chronos de 47″8 sur 400 m et de 1’51″8 sur 800 m représentent l’aboutissement d’une préparation savamment élaborée et la preuve que sa science de la course n’est pas illusoire.
PAB
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