Après avoir passé en revue tous les événements de la magnifique saison 1969, ATHLE.ch VINTAGE se doit de revenir sur les trois médailles helvétiques remportées lors des championnats d’Europe à Athènes. Le troisième podium a été décroché le 20 septembre 1969 par Philippe Clerc (Stade Lausanne) lors d’une finale du 200 m qui lui a permis de s’octroyer le titre européen en 20″6.
Guy Lagorce, l’ancien sprinter de l’équipe de France au début des années soixante, l’avait prédit : «Dans le sprint européen, il y a Clerc et puis tous les autres». Le 100 m d’Athènes avait certes administré trois jours plus tôt un gros démenti, mais le 200 m de ce 20 septembre a finalement donné raison tous ceux qui avaient élu Philippe Clerc comme le favori du demi-tour de piste. Pour en arriver là, le Lausannois est en lice mercredi 18 septembre pour les séries de ce 200 m, au lendemain de sa finale du 100 m qui l’avait vu remporter la médaille de bronze. Il revient sur le stade pour se qualifier sans coup férir en vue de la demi-finale en 21″7. Il paraît cependant traîner la jambe, ce qui est ensuite confirmé par l’intéressé : «C’est arrivé par ma faute. Hier soir, en remontant dans le car, toujours aussi déçu, j’ai vu arriver sur moi, poussé par le vent, un gobelet en carton. Par un réflexe incontrôlable, je l’ai frappé du pied comme si j’avais voulu marquer un but. Résultat : une douleur musculaire à la cuisse droite que j’ai dû faire soigner ce matin». Ce 200 m, Philippe Clerc le prépare méticuleusement; mais pour remporter le titre, il doit absolument effacer de sa mémoire celui qui lui a échappé mercredi sur 100 m. Pour l’instant le cœur n’y est plus et il va falloir rebondir pour remporter l’apothéose qu’il mérite mille fois. De son côté, Hansruedi Wiedmer (Stade Lausanne) assure avec brio sa place pour les demi-finales avec un deuxième rang dans sa série en 21″4.
Jeudi 19 septembre lors des demi-finales, Philippe Clerc dans l’excellent temps de 20″9 et Hansruedi Wiedmer en 21″4 obtiennent tous les deux le droit d’en découdre samedi pour une finale du 200 m qui aura lieu à 18:30. Pour la première fois dans l’histoire de notre athlétisme, deux Suisses vont se retrouver en finale d’un 200 m européen.
Vendredi 20 septembre, le jour de gloire est arrivé pour Philippe Clerc, qui ne s’est pas contenté d’assurer sa victoire : il y a mis la manière ! Malgré un virage assez prudent, il se détache irrésistiblement dans la ligne droite. On assiste alors à un cavalier seul du Lausannois dans cette finale du 200 m et, sans avoir puisé au fond de ses réserves, il l’emporte très facilement en 20″6 au chronométrage électrique (ce qui correspond à un 20″4 manuel). Cette victoire, aux allures d’un triomphe, personne n’était vraiment en mesure de la lui contester, c’est certain. L’Allemand de l’Est Hermann Burde, deuxième en 20″9 et le Polonais Zenon Nowosz, troisième en 20″9 également, sont suffisamment loin pour s’en convaincre.

Le palmarès européen de Philippe Clerc est désormais complet grâce à cette victoire dans ce 200 m d’Athènes
Après les désillusions de l’an dernier avec sa non-sélection pour les Jeux Olympiques de Mexico, Philippe Clerc a su remettre l’ouvrage sur le métier en se préparant selon ses propres convictions. L’hiver 1968-1969 fut d’abord comme un rêve : avec une méthode qu’aucun sprinter n’avait osé expérimenter auparavant, faite de longs footings. Ce fut ensuite un comme un espoir : après le Disque d’Or à Lausanne qui avait ouvert la saison et au cours duquel il avait battu Hansruedi Wiedmer par deux fois en réalisant 10″3 sur 100 m et 21″2 sur 200 m. Puis comme une obsession : au lendemain de son record d’Europe du 200 m, les 20″3 battus le 4 juillet à Zurich et qui le désigne comme la cible de tout ce qui court vite en Europe. Aujourd’hui, c’est LA réalité : Philippe Clerc est champion d’Europe du 200 m et non sans panache. Demain, ce sera une référence. Voilà, simplifiées, les principales étapes de l’extraordinaire saison de Philippe Clerc. Mais, derrière cette sécheresse des mots, combien d’hésitations, de doutes, d’excès de confiance aussi ? Une infinité.
L’athlète, et à plus forte raison un sprinter aux nerfs constamment sous tension, est un être qui vit à 200 à l’heure, même si ses deux jambes ne l’emmènent finalement qu’au seuil des 37 km/h, au prix d’un effort et d’une maîtrise de soi proprement ahurissants. À une heure choisie par d’autres, il doit être prêt. Prêt à contrôler tous ses gestes pendant plus de vingt secondes. Philippe Clerc est capable d’être en grande condition aux rendez-vous qu’il se fixe. Cette année, il s’en était donné trois : Zurich, Stuttgart et Athènes. Il a réussi sans la moindre bavure tant à Zurich qu’à Athènes, un peu moins à Stuttgart, où il était cependant premier des Européens en 20″7. Au cours de la traditionnelle séance d’interviews des médaillés, Philippe Clerc déclare : «Mon palmarès européen est maintenant complet, titre et record du 200 m, si bien que je n’ai plus rien à glaner. Maintenant, il me sera difficile de conjuguer la poursuite de mes études de médecine et un entraînement dans la perspective des Jeux Olympiques de 1972 à Munich. À moins que la Fédération Suisse d’Athlétisme ne m’aide vraiment à fond». Clerc parle de renoncer, mais peu de gens veulent y croient. Pourtant la réalité qui l’attend dans huit jours déjà avec son troisième propédeutique de médecine va lui prendre tout son temps. Il devra penser à l’athlétisme et aux immenses horizons qui lui sont désormais ouverts… un peu plus tard !
Philippe Clerc sous les feux de la rampe, c’est bien normal. Mais il ne faut pas oublier également dans ce 200 m la fort belle prestation de Hansruedi Wiedmer, qui termine au sixième rang de cette finale en 21″1. Le Bâlois du Stade Lausanne a fait bien mieux que ce qu’on pouvait attendre de lui et, sans copier les méthodes particulières de Philippe Clerc, il pourrait les adapter pour trouver les meilleures forces en vue de ses sorties futures sur 400 m, où son potentiel est pour lui aussi énorme.
PAB
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