La saison 1969 de l’athlétisme helvétique avait été qualifiée, à l’époque, d’année héroïque. Avant de passer en revue tous les événements de cette magnifique saison, ATHLE.ch VINTAGE a choisi de mettre en avant trois événements majeurs qui ont marqué les esprits et surtout les statistiques mondiales ! Le troisième de ces exploits s’est déroulé le 27 septembre 1969 à Vienne, à l’occasion d’un petit meeting de fin de saison. Sieglinde Ammann (LC Dübendorf) profite de conditions parfaites au saut en longueur pour signer la meilleure performance mondiale de la saison avec 6,64 m !
Alors que Meta Antenen se repose de sa fantastique mais harassante saison, d’autres athlètes suisses profitent de leur bonne forme pour tenter, pourquoi pas, un bon coup. Et celui-ci arrive le 27 septembre à Vienne pour Sieglinde Ammann. Née en Autriche, mais devenue Suissesse du fait de son mariage avec le lanceur de marteau Ernst Ammann, la sauteuse en longueur de 23 ans est en passe de réaliser en Autriche un exploit absolument monstrueux. Auteur de deux records suisses en août 1968 avec 6,25 m et 6,29 m, les deux fois à Zurich, la jeune sauteuse avait pu participer aux Jeux Olympiques de 1968 à Mexico. Hélas elle avait raté son concours olympique avec trois sauts mordus. Il s’en était suivi des problèmes de comportement qui lui avaient valu d’être suspendue de toutes compétitions internationales, ceci jusqu’à nouvel avis. Cela ne lui avait pas empêchée de battre le record suisse du saut en longueur en salle en février dernier à Stuttgart avec 6,18 m, tout en étant privée des championnats d’Europe en salle à Belgrade. À la mi-mars, Sieglinde Ammann avait pourtant été réhabilitée, au grand damne de Jack Müller, l’entraîneur de l’équipe nationale féminine, qui avait démissionné dans la foulée. La sociétaire du LC Dübendorf avait brillé une première fois le 4 juillet lors du meeting international de Zurich avec un saut à 6,28 m, puis battu Meta Antenen lors des championnats suisses à Saint-Gall. Hélas elle avait manqué son affaire lors des championnats d’Europe à Athènes, trahie par ses nerfs, avec 6,14 m seulement et un frustrant onzième rang.
Un concours de niveau mondial
C’est avec un esprit de revanche que la sauteuse se présente à Vienne pour le dernier concours de sa saison, une compétition de seconde importance. Les conditions de vent sont parfaites et Sieglinde en profite pleinement. Dès son premier essai, elle franchit 6,55 m, ce qui lui permet de battre le record suisse de Meta Antenen de six centimètres. Galvanisée par cette formidable entrée en matière, elle va claquer un deuxième saut hallucinant, mesuré à 6,64 m ! Sieglinde Ammann égale ainsi la meilleure performance mondiale de l’année détenue par l’Allemande de l’Ouest Heide Rosendahl. Elle poursuit son exceptionnelle série avec deux autres sauts à 6,50 m et à 6,59 m, alors que ses deux derniers essais sont mordus. Sieglinde a donc réussi à Vienne pas moins de quatre bonds supérieurs à l’ancien record suisse de Meta Antenen et l’a placé à un niveau absolument incroyable dans la hiérarchie mondiale. En effet dans l’histoire du saut en longueur féminin à ce moment-là, seules six athlètes ont fait mieux que Sieglinde Ammann : la Roumaine Viorica Viscopoleanu détient le record du monde avec 6,82 m lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Elle devance la Soviétique Tatyana Shchelkanova avec 6,79 m réussis en 1966 à Londres, la Britannique Mary Rand avec 6,76 m lors des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, sa compatriote Sheila Sherwood avec 6,68 m à Mexico, la Polonaise Irena Szewinska avec 6,67 m à Varsovie juste avant les Jeux de 1968, la Soviétique Tatyana Talysheva avec 6,66 m à Mexico et donc le duo Germano-Suisse avec les 6,64 m de Heide Rosendahl et de Sieglinde Ammann réalisés lors de cette saison 1969.
On souhaite vraiment que cet exploit de valeur mondiale va lui permettre d’acquérir toute la confiance nécessaire lors de ses futures grandes compétitions. Est-ce que cela va redorer définitivement son blason auprès de la Fédération Suisse d’Athlétisme ? Ça c’est une autre histoire…
PAB
Version imprimable de l’article (PDF)